Bulletin GSI de septembre 2020
Les Green New Deals, leviers de transformation du modèle actuel de développement?
- Introduction
Parmi la multitude de plans de relance post-covid-19 que les États et des partis de gouvernement conçoivent fébrilement et lancent actuellement avec emphase, plusieurs se réfèrent au Green Deal, au Green New Deal, faisant clairement écho aux politiques volontaristes et interventionnistes menées par le président Roosevelt des États-Unis en réponse à la Grande Dépression des années 30. Les Pactes Verts ou les Nouveaux Pactes Verts inspirent en effet, fortement, les politiques de relance économique annoncées, notamment en Europe et en Amérique du Nord, pour sortir par le haut de la crise multiforme actuelle, consécutive aux décisions de confinement partiel ou total prises par les États pour combattre la COVID-19.
L’ambition de ces politiques est de donner des réponses concrètes à la hauteur des enjeux de l’heure. Certains de ces enjeux ont été formulés dans les numéros de juillet[1] et d’août[2] de ce bulletin. Il s’agit, pour les Nations Unies (SDR2020) «d’arracher le monde de sa complaisante autocélébration pour s’atteler sérieusement au dur labeur d’investir dans un avenir durable et inclusif pour l’humanité », pour l’Agence Internationale de l’énergie (AIE 2020) de « réparer les dégâts infligés par la crise tout en mettant le monde sur des bases plus solides pour l’avenir », ou pour l’IRENA (IRENA 2020) de « faire le pas décisif vers le changement structurel nécessaire pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et maintenir le réchauffement climatique à 1,5 ° C.», l’objectif ultime étant de faire les transformations profondes dont le monde a besoin pour que demain soit vraiment différent d’hier, hier avant la COVID-19.
Ce numéro du bulletin porte sur les Nouveaux Pactes Verts (Green New Deal). Ce choix tient de ce que les principales mesures de ces Pactes et des politiques qui s’en inspirent, s’inscrivent pleinement dans la dynamique des transformations souhaitées pour bâtir un monde post-covid différent. Le bulletin présente ces Pactes dans leurs grandes lignes et les mesures qu’ils préconisent. Il fait part des critiques de fond qu’ils suscitent au niveau des mouvements citoyens ou altermondialistes et des militants de la cause écologique, les Verts notamment, mais aussi des propositions que ces mouvements font pour que ces pactes ne soient pas qu’« une rustine verte sur un capitalisme prédateur [3]».
Le bulletin s’appuiera, pour ce faire, sur différents textes présentant ou analysant ces Pactes, l’article de Thomas Friedman[4] à qui l’on attribue la paternité du terme GREEN New Deal, un rapport du PNUE, Rethinking the Economic Recovery : A Global Green New Deal[5], publié dans le contexte de la sévère crise économique de 2008. Il s’appuiera aussi sur la communication de la Commission présentant le Pacte Vert pour l’Europe au Parlement européen (2019), la Résolution[6] de l’aile gauche du parti démocrate américain (2020) relative au New Green Deal, l’article extrêmement documenté de Jean Gadrey, Le « Green New Deal » aux États-Unis et en Europe[7] paru dans Les Possibles (Gadrey, 2020) ainsi que le Programme de l’intergroupe Green New Deal de Parlementaires européens[8] qu’il cite entre autres.
- Le New Deal
Le New Deal est le nom donné au programme volontariste et interventionniste mis en place en 1933 par Franklin Delano Roosevelt, Président des États-Unis de 1933 à 1945, pour sortir l’économie américaine de la Grande Dépression, considérée comme l’une des plus grandes crises économiques du 20e siècle[9].
Au cœur de ce programme conduit par l’État fédéral, on trouve, sur le court terme, au cours des 100 premiers jours :
- Une règlementation stricte des banques pour limiter les irrégularités de la spéculation boursière à l’origine du krach de 1929 qui marqua le début de la Grande Dépression,
- Le lancement de grands travaux publics ayant permis la relance de l’emploi et l’embauche de millions de chômeurs. On notera, dans ce contexte, la mise en place du Civilian Conservation Corps (CCC – Corps Civil pour la Protection de l’environnement) qui permit l’embauche de plusieurs centaines de milliers de jeunes chômeurs
- L’instauration d’un filet social avec un programme de retraite et d’allocation chômage, et des aides substantiels aux agriculteurs.
Le CCC, au cours de sa période d’activité, restaure plus de 3 900 constructions historiques, développant par ailleurs plus de 800 parcs d’État. Il trace plus de 28 000 milles de sentiers, bâtissant aussi plus de 38 500 ponts routiers, au moins 3 116 tours d’observation ainsi que de nombreux musées et autres lodges (Wikipedia). |
La seconde période du New Deal (1934-1938), plus marquée par la redistribution des ressources et des pouvoirs, verra la mise en place de lois de protection syndicale et de sécurité sociale et la consolidation des grandes agences et des grands programmes publics, scellant l’intervention de l’État fédéral dans le fonctionnement de l’économie nationale.
Le New Deal fut naturellement critiqué par les libéraux pour son inefficacité, une question de point de vue. Ils l’accusent notamment d’avoir prolongé la crise jusqu’en 1938. N’est-il pas l’une des premières expériences d’État-Providence aux États-Unis? Il « a pourtant permis d’améliorer sur le long terme les infrastructures du pays et développer le pouvoir économique du gouvernement fédéral. Il a aussi été à l’origine de grandes avancées sociales et permis de ressouder la société américaine en y réintégrant des dizaines de millions d’exclus générés par la crise de 1929 [10]».On lui doit également de grands travaux en faveur de l’environnement, notamment le reboisement, la création de parcs naturels, la réhabilitation des terres, la lutte contre l’érosion, la gestion de l’eau et notamment la lutte contre les inondations.
- Les Green New Deals
Aux sources du concept
On attribue[11] au journaliste Thomas Friedman, la paternité du terme Green New Deal qu’il aurait utilisé pour la première fois en janvier 2007, dans une chronique du New York Times, Un avertissement depuis mon jardin[12]. Il réagissait aux exceptionnelles journées chaudes qu’il venait de vivre et qui auraient vu fleurir des jonquilles dans son jardin, un mois de janvier, à Washington. « Le mois de décembre dernier, était le quatrième plus chaud jamais enregistré, [écrivait-il], et 2006 a été l’année la plus chaude en Amérique depuis 1895. Elle a été déclarée la plus chaude en Grande-Bretagne depuis 1659 » (Friedman, 2007). Il réagissait surtout à l’inefficacité des mesures, voire à l’inaction des gouvernements face à une crise climatique désormais plus qu’avérée. « J’ai appris, [écrivait-il], qu’il n’y a pas de solution miracle pour réduire notre dépendance au pétrole et aux émissions de gaz à effet de serre — et les politiciens qui en réclament un essaient habituellement d’éviter de demander des sacrifices aujourd’hui… Le bon cri de ralliement, c’est le Green New Deal ». Un New Deal VERT, avec toute l’exigence du New Deal de Roosevelt, celle d’un État présent, qui régule et crée les conditions favorables, qui donne les bons signaux prix, pour qu’émerge le « large éventail de programmes et projets industriels » nécessaires au véritable changement d’échelle et de trajectoire dont il est besoin face au réchauffement climatique.
Un Green New Deal Mondial
L’idée du Green New Deal est reprise en 2009 dans un important rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), Rethinking the Economic Recovery : A Global Green New Deal, (Repenser le Recouvrement Économique : un Green New Deal Mondial,- Barbier, 2009). La publication de ce rapport se situe dans le contexte de la crise économique de 2008, responsable de la pire récession économique mondiale depuis la Grande Dépression des années 1930, selon le PNUE. Pour le PNUE, « les multiples crises qui menacent l’économie mondiale aujourd’hui exigent le même type d’initiative que le New Deal de Roosevelt dans les années 1930, mais à l’échelle mondiale et dans une vision plus large ». Sans une telle vision élargie, poursuit-il, le redémarrage de l’économie mondiale n’aura aucun impact sur les menaces pressantes liées au changement climatique, à l’insécurité énergétique, à la pénurie croissante d’eau potable, à la détérioration des écosystèmes et par-dessus tout, à l’aggravation de la pauvreté dans le monde.
Sans une telle vision, en laissant les choses aller suivant le cours normal des affaires, le chemin est tout tracé vers la catastrophe climatique et des milliards de laissés-pour-compte.
A ce cours normal des affaires, le PNUE oppose le Green New Deal Mondial (GNDM), une combinaison appropriée de politiques économiques mondiales, d’investissements et d’incitations, comme inspiration pour les politiques nationales de reprise économique. C’est le gage, selon le PNUE, pour que cette reprise permette de relever l’ensemble de ces défis.
Le Green New Deal Américain
L’idée d’un New Deal Vert a depuis fait du chemin, en particulier chez les forces dites de gauche et notamment les Verts européens. Gadrey (2020) signale à ce propos les prises de position du groupe des Verts/ALE qui en a fait le thème central de son action en 2010 dans le cadre du Parlement européen. Il signale aussi le livre de fond publié en 2012 par le député européen Vert Alain Lipietz, Green Deal : La crise du libéral-productivisme et la réponse écologique.
C’est, cependant, quand l’aile gauche du Parti Démocrate américain en a fait le cœur de son programme de gouvernement, que l’idée du New Deal Vert s’est bruyamment imposée dans l’actualité. Le projet de loi « Recognizing the duty of the Federal Government to create a Green New Deal[13] » présenté en 2018 au Congrès américain par l’élue Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) est marquant de ce point de vue. La campagne de Bernie Sanders pour l’investiture démocrate portait les idées défendues par ce projet de loi stipulant qu’« il est du devoir du Gouvernement Fédéral de créer un Green New Deal » et que « Les objectifs décrits [par la loi] devraient être atteints grâce à une mobilisation nationale de 10 ans »
Pour Gadrey (2020), « Il s’agit d’un vrai programme de rupture avec le néolibéralisme, de renégociation des accords dits « de libre-échange » et de retour à une intervention publique ayant d’ambitieux objectifs sociaux, fiscaux et écologiques ». Les milieux associatifs, de même que les militants de la cause écologique, Verts ou Altermondialistes, accueillent avec le même enthousiasme cette prise de position par des politiques, surtout en Amérique du Nord.
Il y a le cri de cœur de Naomi Klein(2018)[14] parlant d’un « bouée de sauvetage », s’agissant du New Deal Vert américain qu’elle décrit comme « un nouveau pacte social…, radicalement plus humain que tout ce qui est actuellement proposé », un plan de mobilisation industrielle et économique capable de rendre l’économie américaine neutre en carbone tout en promouvant la justice économique et environnementale, et l’égalité. « Il ne s’agit pas, [écrit-elle], d’une approche au coup par coup qui braque un pistolet à eau-jouet sur un feu ardent, mais d’un plan complet et holistique pour éteindre l’incendie ». Son livre, Plan B pour la planète : le New Deal vert, publié en 2019, y est entièrement consacré.
Un autre essayiste de renom et aussi prospectiviste, Jeremy Rifkin, publie la même année Le New Deal vert mondial: Pourquoi la civilisation fossile va s’effondrer d’ici 2028 – Le plan économique pour sauver la vie sur Terre, présenté comme un plaidoyer en faveur de solutions à la dépendance fossile de la civilisation actuelle, ou comme un plan de transformation de la société pour faire face au changement climatique en construisant un monde post-énergies fossiles. Il reprend ainsi l’idée d’un New Deal Vert Mondial proposé en 2009 par le PNUE en documentant d’avantage les propositions de l’époque à la lumière des progrès récents dans les technologies énergétiques et les stratégies des acteurs publics en Europe et en Amérique du Nord.
Un article scientifique (Galvin R. et col, 2020), The Green New Deal in the United States: What it is and how to pay for it, paru dans la revue ELSEVIER explore les implications du Green New Deal (GND) américain dans l’élaboration des politiques et la recherche en énergie basée sur les sciences sociales. Il trouve crédible le Green New Deal Sanders-AOC au plan économique et social, notamment dans ses approches combinant la protection du climat et la lutte contre la pauvreté. Il propose, en conclusion, un nouveau champ de recherche confrontant ces approches avec les thèses néoclassiques concernant la dette publique, l’inflation et la création de la monnaie.
Le Green Deal Européen
Au Canada, en Corées du Sud ou au Japon[15], on commence à se référer au New Deal Vert pour construire les plans de reprise post-Covid. Au niveau de l’Union Européenne, la nouvelle présidente de la Commission, Ursula von der Layen, ne jure, pour cette relance, que par le Green Deal, le Pacte Vert, un succédané du GND, auquel ne manque que le qualificatif New. Le document de référence, Le Pacte Vert pour L’Europe, est celui présenté par la commission au Parlement Européen le 11 décembre 2019[16]. Voici comment il se décrit : « Le pacte vert pour l’Europe définit la marche à suivre pour faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050, tout en stimulant l’économie, en améliorant la santé et la qualité de vie des citoyens, en préservant la nature et en ne laissant personne de côté ».
Le graphique ci-dessous donne un bon aperçu de ses différentes composantes qui le situent bien dans la perspective des autres Green New Deals, avec cependant l’avantage d’être porté par une Communauté d’États et surtout de citoyens très concernés par les transitions (sociales, économiques et écologiques) à réussir, et très impliqués dans leur réalisation.
Ces citoyens donnent de la voix dans leurs organisations sociales et politiques, les Organisations Non Gouvernementales et les Partis politiques nationaux ou communautaires, sous forme de critiques, parfois acerbes, et aussi de propositions constructives en ce qui concerne le contenu et les approches du Nouveau Pacte Social que le monde cherche à se donner.
- Des critiques sans concession des GND…
Les critiques rappelées ici concernent l’ensemble des GND tels qu’ils sont portés aujourd’hui tant au niveau de l’Amérique du Nord que de l’Europe. Elles sont bien entendu le fait des néolibéraux, mais aussi des mouvements citoyens et des ONG environnementales.
Pour les néolibéraux[17], le coût de la mobilisation de l’économie prônée par les GND serait astronomique. Les GND embrasseraient trop avec le risque de mal étreindre. Aux États-Unis, certains démocrates considèrent l’approche trop large. Tel que pensé, selon des économistes, le GND Sanders-AOC pourrait « signifier que trois quarts de toute l’activité économique des États-Unis proviendraient à terme des dépenses publiques ». Le président Trump a beau jeu, dans ces conditions, de qualifier le plan de « cauchemar socialiste » qui ruinerait l’économie américaine.
Les critiques des mouvements citoyens, souvent de gauche ou verts, et des ONG environnementales, sont d’une toute autre nature. Elles insistent plutôt sur les manques. « Même absence de critique du culte de la croissance, du productivisme et du consumérisme, même absence de l’exigence de sobriété et du thème de la réduction du temps de travail », résume Gadrey[18]. Il relève, s’agissant en particulier du GND américain, ce qu’il appelle les deux grandes failles du plan :
- L’absence de la sobriété matérielle et énergétique comme exigence incontournable pour réduire fortement la pression anthropique sur la biosphère (mais aussi sur les ressources du sous-sol). Il n’y a rien, écrit-il, dans le GND de Sanders et d’AOC qui permettrait de freiner l’avidité consumériste propulsée par la publicité et le crédit (Gadrey, 2020),
- La foi excessive dans les progrès technologiques, la sorte de fuite en avant que dénonçait déjà Benjamin Dessus[19]. Ces progrès permettraient, pour ceux qui rêvent « d’une croissance verte dans une vision high tech» de réaliser « des objectifs climatiques ambitieux sans recourir à la sobriété » (Gadrey, 2020)
Il parle d’aveuglement, de déni des limites matérielles qui caractérisent aussi le Pacte vert européen qu’il qualifie de « pâle variante » du GND américain.
Mais sa critique va bien au-delà de ces failles. Elle est d’une radicalité qui se veut à la hauteur de ce qui est vraiment en jeu, à savoir :
- Le rapport entre les humains et la Nature dont ils font partie, un rapport de destruction de la nature par les humains, et
- L’anthropocentrisme comme représentation multiséculaire des relations humains/Nature, avec comme référence, le remarquable article publié en 1967 par Lynn T. White sur Les racines historiques de notre crise écologique[20] .
« De tels enjeux vitaux, [conclut Gadrey], ne sont plus négociables au sens d’un deal politique où tout le monde gagnerait : dominants et dominés, humains et Nature, travail et capital ». Le vrai deal pour lui, cet « autre nécessaire imaginaire » qui motive et mobilise déjà différents mouvements citoyens et ONG, c’est « de reconnaître les écosystèmes et entités du Vivant comme sujets de droits et membres de la communauté interdépendante de la vie : la Communauté de la Terre »et de les traiter comme tels.
- …Et cependant les GND vus comme leviers de transformation
Il y a cette radicalité propre aux militants d’une cause qui met les jeunes dans la rue, à l’image de la jeune Greta Thunberg, et leur donne la force et l’audace d’interpeler, voire d’enguirlander, leurs parents et grands-parents à la tribune des Nations Unies avec le fameux « comment osez-vous? ». Et puis il y a le principe de réalité propre aux politiques qui sont « d’avis qu’il faut s’engouffrer dans chaque brèche en politique et l’exploiter au maximum ». Pour l’eurodéputée Aurore Lalucq qui s’exprime ainsi dans une interview à LVSL[21], toutes les occasions qui permettent de faire évoluer ne serait-ce que les mots décrivant la réalité sont bonnes à prendre.
Les Green New Deals apparaissent dans ce contexte comme d’excellents véhicules à bord desquels il convient d’être pour faire évoluer, au-delà des mots, la pensée qu’ils véhiculent, et de la sorte, espérer transformer les contenus et les projets qu’ils portent. « Le GND est un cheval de bataille plus ou moins obligé dans le contexte actuel », indique Gadrey (2020). Son contenu et les interprétations sont suffisamment flexibles pour que tout le monde y trouve son compte et collabore à sa mise en œuvre:
- Les tenants d’un projet écologique et social ambitieux permettant de réussir les nécessaires transitions vers un monde sans pauvreté, plus résilient et plus soucieux de la santé de la planète
- Les tenants de l’économie de marché, pour qui la croissance, même vert pâle, est un impératif.
Les tenants d’un GND-Cheval de Troie ne sont pas avares de propositions pour que, comme déjà cité, le GND ne soit pas qu’« une rustine verte sur un capitalisme prédateur ». La proposition de l’Eurodéputée Aurore Lalucq, Green New Deal, vers une Europe-providence post-croissance[22], participe de cette dynamique. Il s’agit bel et bien d’un Green New Deal revisité qui se veut un projet visant à « changer radicalement notre système économique pour i) mettre l’économie au service de la société et ii) qu’elle respecte les limites de la biosphère ». Voici quelques-uns des chantiers proposés dans cette perspective, en appui au contenu déjà publicisé des GND :
- Réformer les indicateurs de développement et de richesse pour y intégrer les variables environnementales et compléter les variables sociales. L’un des indicateurs visés ici est le PIB;
- Mettre la finance au service de la transition, en encadrant l’activité bancaire, en y intégrant les risques écologiques et sociaux, en instaurant une agence d’autorisation de mise sur le marché de produits financiers;
- Réformer les politiques commerciales pour stopper l’ultra-libéralisation des échanges mondiaux avec par exemple la mise en place d’un dispositif de taxe carbone aux frontières pour stopper les dumpings environnementaux, ou la suppression des tribunaux d’arbitrage;
- Développer un programme d’état employeur en dernier ressort comme dans le New Deal de Roosevelt, en tirer avantage pour investir massivement dans les infrastructures végétales.
La capacité exceptionnelle de mobilisation des GND est un autre des facteurs déterminants de leur adoption par les mouvements citoyens et les partis de gauche ou Verts. Naomi Klein (2018), pour sa part, met l’accent sur cette capacité, au moins en ce qui concerne l’Amérique du Nord. Le GND Sanders-AOC y a mis en mouvement, indique-t-elle, des membres du congrès bien enracinés dans leurs communautés, mais aussi des parlementaires d’ailleurs, tous prêts aujourd’hui à entendre et à traduire en politique ce que la société civile qui n’a jamais baissé sa garde et une jeunesse plus que jamais mobilisée, ont à leur proposer. Avec le GND, cette dernière ne prêche plus dans le désert comme quelques années plus tôt, selon Klein.
- Conclusion
Les Green New Deals (GND), les Nouveaux Pactes Verts, ont gagné en popularité au point que plusieurs gouvernements dans le monde s’y réfèrent désormais pour construire et mettre en œuvre leurs politiques de relance, post-Covid-19 notamment.
Ce bulletin donne un aperçu de leurs contenus en s’appuyant principalement sur une publication du PNUE proposant un GND mondial, sur le GND Sanders-AOC de l’aile gauche du Parti démocrate américain et sur le Pacte Vert de l’Union Européenne.
Les critiques les concernant, négatives ou positives, voire enthousiastes, sont nombreuses. Elles ont été passées en revue en s’appuyant sur diverses publications dont les références ont été données pour ceux qui souhaitent approfondir la compréhension et l’analyse des GND.
Car les GND sont là pour rester. Ils sont porteurs de propositions audacieuses qui vont dans le sens des bons gestes à poser pour « relever l’ensemble des défis actuels posés par le changement climatique, l’insécurité énergétique, la raréfaction croissante de l’eau potable, la détérioration des écosystèmes et, surtout, l’aggravation de la pauvreté mondiale et des inégalités°» (PNUD 2008). Ils s’inscrivent aussi dans la perspective des transformations que prônent l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs globaux adoptés en 2015, et visant un monde sans pauvreté, plus résilient et plus soucieux de la santé de la planète.
Ils doivent cependant être habités et fermement portés par ceux qui ont ces transformations chevillées au corps, si l’on veut que les fruits tiennent effectivement les promesses des fleurs.
[1] GSI, La Covid-19 s’est invitée dans l’édition 2020 du Rapport sur le Développement durable, juillet 2020, https://www.globalshift.ca/?p=1394
[2] GSI, Covid-19, un plan de relance pour le secteur de l’énergie, août 2020, https://www.globalshift.ca/?p=1407
[3] Tribune, Le Green Deal ne peut pas être une rustine verte sur un capitalisme prédateu, Le Monde, 15 janvier 2020
[4] Thomas Friedman, A warning from the garden, The New Yok Time , Janvier 2007, https://www.nytimes.com/2007/01/19/opinion/19friedman.html
[5] UNEP, Rethinking the Economic Recovery : A Global Green New Deal, https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/7727
[6] Resolution OAC, Recognizing the duty of the Federal Government to create a Green New Deal, 7 février 2019, https://www.congress.gov/116/bills/hres109/BILLS-116hres109ih.pdf
[7] Jean Gadrey, Le « Green New Deal » aux États-Unis et en Europe , Les Possibles – n°23 printemps 2020, https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-23-printemps-2020/dossier-la-planification-pour-la-transition-sociale-et-ecologique/article/le-green-new-deal-aux-etats-unis-et-en-europe
[8] Aurore Lalucq, Grean New Deal : Vers une Europe-providence et post-croissance, 2019, https://aurore-lalucq.eu/wp-content/uploads/2019/12/GND-AURORE-LALUCQ-1.pdf
[9] L’essentiel de l’information donnée ici est tirée du site https://fr.wikipedia.org/wiki/New_Deal de Wikipedia
[10] La Toupie, le Dictionnaire de politique, New Deal, http://www.toupie.org/Dictionnaire/New_deal.htm
[11] Deborah Dsouza, The Green New Deal Explained, octobre 2018, https://www.investopedia.com/the-green-new-deal-explained-4588463
[12] Thomas Friedman, A warning from the garden, The New Yok Time , Janvier 2007, https://www.nytimes.com/2007/01/19/opinion/19friedman.html
[13] Resolution OAC, Recognizing the duty of the Federal Government to create a Green New Deal, 7 février 2019, https://www.congress.gov/116/bills/hres109/BILLS-116hres109ih.pdf
[14] Naomi Klein, The Game-Changing Promise of a Green New Deal, The Intercept, November 2018, https://theintercept.com/2018/11/27/green-new-deal-congress-climate-change/
[15] Hasgawa Uiko, Why Japan Needs an Anti-Austerity Green New Deal After Covid-19, july 2020, https://hk.boell.org/en/2020/07/28/why-japan-needs-anti-austerity-green-new-deal-after-covid-19
[16] Commission Européenne, Le Pacte Vert pour l’Europe, Décembre 2019, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1588580774040&uri=CELEX:52019DC0640
[17] L’information donnée sur ce point provient de l’article d’Andrew Chatzky, Envisionning a Green New Deal : A Global Comparison, janvier 2020, https://www.cfr.org/backgrounder/envisioning-green-new-deal-global-comparison
[18] Jean Gadrey, Le « Green New Deal » aux États-Unis et en Europe , Les Possibles – n°23 printemps 2020, https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-23-printemps-2020/dossier-la-planification-pour-la-transition-sociale-et-ecologique/article/le-green-new-deal-aux-etats-unis-et-en-europe
[19] Benjamin Dessus, Atlas des énergies pour un Monde Viable, (page 54), 1994, Édition Syros
[20] Lynn Townsend White Jr, The Historical Roots of Our Ecological Crisis, 1967, Science 155 – 1203-1207, http://www.cmu.ca/faculty/gmatties/lynnwhiterootsofcrisis.pdf
[21] Pierre Gilbert, Aurore Lalucq : « Le Néolibéralisme est en état de mort cérébrale », Le Vent Se Lève (LVSL), 1 Mars 2020, https://lvsl.fr/aurore-lalucq-le-neoliberalisme-est-en-etat-de-mort-cerebrale/
[22] Aurore Lalucq, Green New Deal: Vers une Europe post-croissance, 2019, https://aurore-lalucq.eu/wp-content/uploads/2019/12/GND-AURORE-LALUCQ-1.pdf