L’avenir que nous voulons, l’ONU dont nous avons besoin

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Bulletin d’octobre 2020

L’avenir que nous voulons, l’ONU dont nous avons besoin

  1. Introduction

« À travers le monde, les personnes interrogées, indifféremment de leur origine, de leur sexe et de leur classe d’âge, sont apparues remarquablement unies dans leurs craintes et leurs espoirs pour l’avenir ». C’est la conclusion générale de la vaste enquête lancée en janvier dernier par Mr Antonio Guterres, le secrétaire Général des Nations Unies, dans le cadre des activités prévues pour la commémoration du 75e anniversaire des Nations Unies (ONU75). Le thème en est « L’avenir que nous voulons, l’ONU dont nous avons besoin [1]»

En lançant cette enquête dès les premiers jours de l’année 2020, Mr Guterres visait les principaux objectifs suivants :

  • Permettre à l’ONU d’écouter les personnes qu’elle sert et de recenser leurs priorités et leurs suggestions en ce qui concerne le renforcement de la coopération mondiale,
  • Faire avec elles le point sur leurs préoccupations et recueillir leurs avis sur le type de coopération requis à l’échelle mondiale,
  • Repenser avec elles le rôle que l’Organisation pourrait et devrait jouer pour aider à relever les défis mondiaux.

La COVID-19 s’étant généralisée au cours de l’enquête au point d’en perturber le déroulement prévu, des questions ont été introduites sur la manière d’assurer le relèvement après la pandémie.

Ce numéro du bulletin est centré sur cette enquête dont il donne les principaux résultats après un bref rappel historique sur l’ONU.

  1. Une organisation pour préserver les générations futures du fléau de la Guerre

L’Organisation des Nations Unies (ONU) a été créée le 26 octobre 1945 en remplacement de la Société des Nations (SDN) qui a gravement failli dans les missions de désarmement, de prévention des guerres et de résolution des conflits par la négociation qui lui ont été confiées à sa mise en place au lendemain de la première guerre mondiale (1914-18). La SDN s’est en effet révélée incapable d’empêcher la seconde guerre mondiale qui reste de loin la plus meurtrière avec ses 50 à 85 millions de morts[2]. Si l’URSS (27 millions de morts) et la Chine (20 millions) ont payé le plus lourd tribut, les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki au Japon , les 6 et 9 août 1945, incarnent toute l’horreur de cette guerre. 75 ans après, ce désastre humain continue de hanter le monde.

Ce contexte particulier dans lequel l’organisation des Nations Unies a vu le jour imprègne les premiers mots de la Charte[3] qui l’institue « Nous peuples des nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la Guerre… ». Il dicte aussi les principaux buts de l’organisation « Maintenir la paix et la sécurité internationales…. Développer entre les nations des relations amicales… Réaliser la coopération internationale … Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes ».

La Charte institutionnalise ce nouvel espace de collaboration entre les nations en créant six principaux organes chargés de l’animer : i) l’Assemblée générale comme espace de dialogue entre les nations; ii) le Conseil de sécurité traitant des menaces contre la paix; iii) le Conseil économique et social pour promouvoir la coopération économique et sociale, et le développement, iv) le Conseil de tutelle pour la gestion des territoires placés sous la tutelle des Nations Unies, v) la Cour internationale de justice pour trancher les différends entre les États, et vi) le secrétariat pour la gestion au jour le jour de l’Organisation.

Des programmes comme le PNUE, des Fonds comme le FNUAP et des institutions spécialisées comme la Banque Mondiale viendront progressivement compléter l’architecture pour donner un Système des Nations Unies présent sur tous les fronts, notamment pour maintenir la paix et la sécurité internationales, protéger les droits humains, fournir de l’aide humanitaire, garantir le droit international et promouvoir le développement durable.

L’Organisation des Nations Unies qui compte aujourd’hui 193 membres après la vague d’adhésions des années 60 et 90 liées respectivement à la dislocation des empires coloniaux et de l’Union soviétique, définit elle-même ses valeurs ajoutées avec les mots clés paix, dignité et égalité sur une planète saine.

Les défis auxquels l’Organisation fait aujourd’hui face tiennent dans ces mots clés. S’il n’y a pas eu de guerre mondiale depuis 1945, des conflits régionaux actifs ou larvés, le terrorisme et les tensions géopolitiques alimentés par des antagonismes idéologiques, continuent de menacer la paix mondiale. La menace nucléaire reste d’une actualité oppressante face au recul perceptible du multilatéralisme. La pauvreté et la pauvreté extrême persistent dans un monde où les inégalités économiques et sociales ne cessent de se creuser entre les nations et dans les pays, renvoyant la quête de dignité aux calendes grecques. Avec la crise climatique, la perte soutenue de la biodiversité, la dégradation des sols et la pollution de l’air et des eaux, le désir d’une planète saine tient encore du rêve. Les progrès réalisés en ce qui concerne la santé humaine restent fragiles avec les pandémies qui se succèdent. Tous ces défis, indique ONU75, « mettent en péril les acquis durement engrangés au cours des 75 dernières années, dans des domaines tels que l’éducation, l’égalité des sexes, la santé et la lutte contre la pauvreté extrême ». Ce constat constitue la principale motivation de l’Initiative ONU75.

 

  1. La grande conversation mondiale sur les défis de l’heure

C’est en janvier 2020 que le Secrétaire Général des Nations Unies lance l’Initiative ONU75, une vaste consultation internationale considérée comme « la plus grande conversation mondiale sur les défis mondiaux actuels et l’avenir vers lequel nous nous dirigeons ».  Au 21 septembre 2020, plus d’un million de personnes de tous les états membres et de tous horizons avaient pris part à cette conversation sous des formes variées, notamment suivant 5 canaux de recueil de données.

L’enquête-minute d’ONU75 est de loin le canal par lequel le plus de personnes ont pu être atteintes. Il s’agit d’une enquête en ligne en 64 langues à laquelle il est encore possible de participer, à l’adresse www.un75.online. Elle a permis de recueillir les priorités des personnes interrogées pour l’avenir, leur perception des obstacles à la réalisation de ces priorités et le rôle que joue la coopération mondiale dans ce domaine. Des adaptations ont dû être faites en ce qui concerne i) le questionnaire pour tenir compte de la COVID-19 et ii) la méthodologie pour toucher les personnes hors ligne, notamment via une application mobile, par sms ou des sondages en présentiel. Le graphique ci-dessous ventile les personnes touchées par région, sexe, âge et niveau d’instruction.

Les dialogues d’ONU75 constituent le second canal à travers lequel ont pu être consultés des groupes représentant les enfants des rues, des populations autochtones, des militants de base, des réseaux de jeunes, des organisations non gouvernementales, des villes, des autorités locales et des entreprises. Un millier de dialogues dans 80 pays ont ainsi été organisés grâce à une boîte à outil mise au point par ONU75 et des formulaires de retour d’information. Les questions traitées, les mêmes que pour l’enquête-minute, sont ici approfondies en fonction des priorités des groupes.

Des sondages par échantillonnage scientifique constituent le 3e canal d’acquisition de données. ONU75 s’est appuyé sur deux organismes de recherche pour conduire cet exercice. Edelman Intelligence a ainsi interrogé un échantillon 35 777 personnes dans 36 pays et Pew Research Center un échantillon de 14 276 personnes de 18 ans et plus dans 14 des principaux pays donateurs des Nations unies.

L’analyse des médias traditionnels, le 4e canal d’acquisition de données, a été conduite à l’échelle mondiale dans 70 pays sur les médias écrits, audiovisuels et en ligne, les médias sociaux compris. Sur la période allant de mai 2019 à mai 2020 des outils automatisés et des analystes locaux ont été mis à contribution pour recueillir des informations sur la manière dont les mégatendances sont couvertes et sur le rôle de la coopération internationale dans ces domaines, celui des nations Unies notamment.

Une cartographie de la recherche universitaire et politique portant sur le multilatéralisme, l’ONU, sa modernisation et ses domaines clés d’action, représente le 5e canal d’acquisition de données. Pour les publications universitaires, ce sont les articles publiés au cours des 5 dernières années qui ont été retenus contre 2 années pour les autres publications. Les revues sélectionnées sont celles qui sont les plus citées publiées en anglais, en arabe, en chinois, en espagnol, en français et en russe.

  1. Les Résultats de la consultation

Comme indiqué en introduction « les personnes interrogées, indifféremment de leur origine, de leur sexe et de leur classe d’âge, sont apparues remarquablement unies dans leurs craintes et leurs espoirs pour l’avenir [4]».

Leur priorité immédiate, dans le contexte d’une pandémie à l’origine d’une crise profonde et multiforme, est « l’amélioration de l’accès aux services de base – soins de santé, eau potable, assainissement et éducation, suivi d’une plus grande solidarité internationale et d’un soutien accru aux personnes les plus durement touchées. Il s’agit notamment de s’attaquer aux inégalités et de reconstruire une économie plus inclusive »

En ce qui concerne l’avenir, « les préoccupations écrasantes sont la crise climatique et la destruction de notre environnement naturel. Parmi les autres priorités figurent : assurer un plus grand respect des droits de l’homme, régler les conflits, lutter contre la pauvreté et réduire la corruption. »

En ce qui concerne la coopération internationale et le rôle de l’ONU, les personnes interrogées se félicitent du rôle joué par l’ONU au cours des 75 dernières années, mais les attentes restent fortes.

  • En effet, « plus de 87 % des répondants estiment que la coopération mondiale est essentielle pour faire face aux défis d’aujourd’hui et que la pandémie a rendu la coopération internationale plus urgente. »
  • Pour plusieurs d’entre eux, l’ONU a donné satisfaction et reste essentielle. « Soixante-quinze ans après sa fondation, six répondants sur dix estiment que l’ONU a rendu le monde meilleur. En ce qui concerne l’avenir, 74 % considèrent que l’ONU est « essentielle » pour relever les défis.»
  • Les répondants sont plusieurs cependant à souhaiter que « l’ONU change et innove: être plus inclusive sur la diversité des acteurs au XXIe siècle, et devenir plus transparente, responsable et plus efficace.».

Sur la diversité des acteurs, ils suggèrent d’associer davantage les femmes, les jeunes et les groupes vulnérables à la prise de décision, de collaborer davantage avec les autorités locales ou les acteurs économiques.

Ils ont aussi clairement pris position sur la réforme des Nations Unies en ce qui concerne notamment i)le Conseil de sécurité qu’ils veulent plus représentatif et ii) les mécanismes de soutien de la paix qu’ils souhaitent centrés sur la prévention des conflits et les activités de consolidation de la paix « dirigées par les femmes ».

Ils demandent à l’ONU de « communiquer et dialoguer régulièrement avec les publics du monde entier » au sujet de ses actions et de ses programmes, notamment à travers les médias traditionnels.

  1. Conclusion

Tels sont, dans leurs grandes lignes, les éléments qui composent le rapport L’avenir que nous voulons, l’ONU dont nous avons besoin » du Bureau ONU75. Ce Bureau a été créé pour conduire la vaste conversation lancée en janvier 2020 par l’ONU pour « écouter les personnes qu’elle sert » sur leurs priorités à court terme s’agissant notamment de la sortie de la COVID-19, du moyen et du long terme, et surtout de l’ONU qu’il faut pour faire face aux défis, nombreux, auxquels le monde est aujourd’hui confronté.

Ces défis ont été rappelés en revenant brièvement sur les circonstances de la création de l’Organisation des Nations Unies, sur des éléments de la Charte que ces nations se sont données en 1945, sur les activités de l’Organisation et sur la façon dont elle se projette dans le monde 75 ans après.

Cinq canaux distincts d’acquisition de données ont été mis en place dans le cadre de l’Initiative ONU75 pour s’assurer d’atteindre les mandants de l’ONU dans toutes leurs diversités, géographiques, sociales, culturelles, économiques ou organisationnelles. Ces canaux ont été présentés de façon succincte.

Un aperçu des résultats obtenus conclut le bulletin. Le souhait ici est que cet aperçu donne envie d’aller découvrir par soi-même ce que Nous, les Peuples, avons dit sur L’avenir que nous voulons et l’ONU qu’il nous faut.

[1] Bureau ONU75, L’avenir que nous voulons, les Nations Unies dont nous avons besoin,

[2] Les chiffres donnés ici proviennent de Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Pertes_humaines_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale

[3] ONU, La Charte des Nations Unies, https://www.un.org/fr/charter-united-nations/

[4] Les éléments de conclusion donnés ici sont tirés du site UN75 : https://www.un.org/en/un75/presskit

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