Bulletin GSI d’août 2021
Changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante.
Ce numéro du bulletin emprunte son titre « Changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante » au Communiqué de presse publié le 9 août 2021[1], à Genève, par le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC), à l’occasion du lancement du rapport de son Groupe de travail I.
Ce rapport (AR6G1), un pavé de 3949 pages résumé pour les décideurs dans un document de 42 pages, est le premier du 6e cycle des évaluations que conduit le GIEC depuis sa création pour fournir à ces décideurs, à intervalles réguliers, des évaluations scientifiques concernant les changements climatiques, leurs conséquences et leurs risques, et pour leur présenter des stratégies d’adaptation et d’atténuation. Il est intitulé Changement climatique 2021: les éléments scientifiques. L’AR6G1 sort, à l’image du titre du communiqué de presse, du ton neutre, voire distant, auquel les scientifiques du GIEC ont habitué le monde. Il s’inscrit résolument dans la volonté de mettre les décideurs face à une réalité qui se fait pressante et à leurs responsabilités, à moins de 3 mois d’une Conférence des parties[2] décisive en ce qui concerne la mise en œuvre de l’Accord de Paris.
Il fournit, dit le communiqué, « de nouvelles estimations de la possibilité que le réchauffement planétaire excède 1,5 °C au cours des prochaines décennies et fait valoir qu’à moins de réductions immédiates, rapides et massives des émissions de gaz à effet de serre, la limitation du réchauffement aux alentours de 1,5 °C, ou même à 2 °C, sera hors de portée ».
Il souligne sans filtre, les conséquences du dépassement de ces limites. « Dans le cas d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, les vagues de chaleur seront plus nombreuses, les saisons chaudes plus longues et les saisons froides plus courtes. Avec une hausse de 2 °C, les chaleurs extrêmes atteindraient plus souvent des seuils de tolérance critiques pour l’agriculture et la santé publique ».
Ce ton, inhabituellement alarmiste, rappelle à tous égards, celui du rapport spécial, Global warming of 1,5°C, présenté dans notre bulletin d’octobre 2018[3] et qui indiquait, également sans fard, que «les activités humaines ont déjà provoqué un réchauffement de la planète d’environ 1,0°C » et que les conséquences de ce réchauffement « sont bien réelles, comme l’atteste l’augmentation des extrêmes météorologiques… ». On est loin, indiquions-nous alors, du timide « un faisceau d’éléments suggère qu’il y a une influence perceptible de l’homme sur le climat global », l’une des principales conclusions du rapport du 2e cycle d’évaluation du GIEC (AR2), publié en 1995, quelques 26 années plus tôt!
Ce bulletin porte sur le rapport AR6G1 lancé ce 9 août 2021. Il en propose une brève présentation centrée sur ses messages clés, après un retour succinct sur le GIEC, notamment i) sur ses multiples contributions à la science du changement climatique, ii) sur les processus d’établissement de ses rapports et iii) sur le 6e cycle d’évaluation, pour mieux situer la portée de son travail et la place du rapport AR6G1.
Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC) a été créé en 1988 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM)[4] et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE)[5] comme l’organe des Nations Unies chargé d’évaluer les travaux scientifiques consacrés aux changements climatiques. Selon la notice d’information Le GIEC et le sixième cycle d’évaluation[6] dont est tiré l’essentiel de l’information donnée ci-après, ses rapports, spéciaux, méthodologiques ou d’évaluation, proposent aux décideurs et à tous les acteurs de développement « des évaluations régulières du fondement scientifique de l’évolution du climat, des incidences et des risques associés et des possibilités d’adaptation et d’atténuation »
Il importe de rappeler que le GIEC n’effectue pas de recherche propre. Il détermine, à partir des travaux et des publications scientifiques sur le climat, les éléments qui font consensus dans la communauté scientifique, ceux sur lesquels les avis divergent et ceux qui doivent encore être approfondis. Il met à contribution pour ce faire, des milliers de scientifiques du monde entier qu’il réunit dans trois Groupes de travail et une équipe spéciale ainsi que schématisé ci-dessous[7].
Le processus d’établissement de ses rapports, résumé ci-dessous, permet de produire, dans le respect des principes d’intégrité, d’objectivité, de clarté et de transparence, une information crédible pour l’ensemble des décideurs et des autres agents de développement.
Les rapports produits à intervalles réguliers et dans certains cas sur demande de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement climatique (CCNUCC), ont apporté des contributions déterminantes aux négociations sur le climat qui s’en sont inspirées pour construire les consensus et prendre des décisions, ou construire les protocoles (Kyoto) et les Accords (Paris) entre les Parties. Le schéma ci-dessous donne une idée relativement claire de la place de ces contributions dans l’évolution des négociations.
Le rapport d’évaluation pour le sixième cycle (AR6), s’inscrit dans cette dynamique d’ensemble comme on peut le voir sur ce schéma.
Ce cycle, ainsi que schématisé ci-dessous, a déjà produit trois rapports spéciaux, en octobre 2018, en août et septembre 2019, et un rapport méthodologique en mai 2019. Les rapports d’évaluations des Groupes II et III sont attendus respectivement en septembre et en octobre 2021, le rapport de synthèse pour l’ensemble du cycle étant lui, attendu pour mai 2022.
Le rapport d’évaluation du Groupe de travail 1 (AR6G1), objet de ce numéro du bulletin, a été lancé le 9 août 2021, à Genève, en Suisse, comme indiqué plus haut. Il s’appuie sur la contribution du groupe de travail 1 au 5e rapport d’évaluation (AR5G1), sur les rapports spéciaux publiés en 2018 et 2019 et sur des preuves nouvelles ultérieures. Intitulé Changement climatique 2021: les éléments scientifiques[8], il est organisé autour des quatre principaux chapitres suivants :
- L’état actuel du climat
- Évolutions possibles du climat
- Informations climatiques pour l’évaluation des risques et l’adaptation régionale
- Limiter le changement climatique futur
Les chiffres du tableau ci-contre donnent un bel aperçu du volume de travail abattu, ainsi que de la quantité et de la qualité des scientifiques mobilisés pour réaliser ce travail. Les 14 000 références citées dans le rapport sont autant de publications scientifiques consultées et distillées, pour en construire le contenu. Les 78 007 commentaires reçus d’experts gouvernementaux et non gouvernementaux et pris en compte dans la version finale du rapport témoignent de l’ampleur de la consultation menée et de la volonté de produire une information crédible, acceptée par l’ensemble des acteurs de développement.
Cette information a été synthétisée dans un document de 41 pages, Le résumé pour les décideurs (SPM), formulant les principales conclusions sous la forme d’énoncés de faits présentés ici suivant les 4 chapitres du rapport AR6G1. Les preuves scientifiques de ces énoncés sont accessibles dans le résumé technique et le rapport principal (cf. note n°8).
- L’état actuel du climat
Depuis le 5e rapport d’évaluation (AR5, 2013), la compréhension de l’influence humaine sur les variables climatique s’est renforcée, grâce à différentes améliorations, notamment au niveau de l’observation, de l’interprétation des archives paléoclimatiques et des modèles climatiques, ce qui crédibilise davantage les énoncés de faits suivants contenus dans l’AR6G1 :
A1. Il est aujourd’hui établi, sans équivoque, que l’atmosphère, l’océan et la terre se sont réchauffés sous l’influence des activités humaines. Des changements généralisés et rapides dans l’atmosphère, l’océan, la cryosphère et la biosphère l’attestent.
Les deux graphiques ci-dessous, élaborés à partir des archives paléoclimatiques, ainsi que des résultats de l’observation directe et des simulations, montrent comment la température de surface mondiale a évolué sur les 2 derniers millénaires par rapport à la période 1850-2020.
A2. L’ampleur des changements récents dans l’ensemble du système climatique et l’état actuel de nombreux aspects du système climatique sont sans précédent depuis des siècles voire des milliers d’années. Le graphique ci-dessous, produit par l’OMM, en donne un aperçu.
A3. Le changement climatique induit par l’homme affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. Les preuves des changements observés dans les extrêmes tels que les vagues de chaleur, les fortes précipitations, les sécheresses et les cyclones tropicaux, et, en particulier, leur attribution à l’influence humaine, se sont renforcées depuis l’AR5.
Les trois graphiques suivants donnent un aperçu des changements observés dans les différentes régions du monde en ce qui concerne les extrêmes météorologiques et climatiques (vagues de chaleur, fortes précipitations et sécheresse).
A4. Une meilleure connaissance des processus climatiques, des preuves paléoclimatiques et de la réponse du système climatique à l’augmentation du forçage radiatif donne une meilleure estimation de la sensibilité climatique à l’équilibre. Cette estimation est de 3 °C avec une intervalle de confiance plus étroit par rapport au 5e rapport d’évaluation.
La sensibilité climatique à l’équilibre est une quantité importante utilisée pour estimer comment le climat réagit au forçage radiatif[9]. La plage d’évolutions probable est de 2,5 °C à 4 °C pour l’AR6G1, contre1,5 °C à 4,5 °C pour l’AR5.
Forçage radiatif[10]
Écart entre le rayonnement solaire reçu par une planète et le rayonnement infrarouge qu’elle émet sous l’effet de facteurs d’évolution du climat, tels que la variation de la concentration en gaz à effet de serre.
- Le forçage radiatif est calculé au sommet de la troposphère et il est exprimé en watts par mètre carré (W/m2).
- Un forçage radiatif positif contribue à réchauffer la surface de la planète tandis qu’un forçage radiatif négatif contribue à la refroidir.
- évolutions possibles du climat
Pour déterminer les évolutions possibles du climat, cinq nouveaux scénarios d’émissions ont été considérés dans l’AR6G1 pour « explorer la réponse du système climatique à un éventail plus large de futurs gaz à effet de serre (GES), d’utilisation des terres et de polluants atmosphériques que celui évalué dans l’AR5 », les simulations prenant aussi en compte l’activité solaire et le forçage radiatif. Les scénarios couvrent la période allant de 2015 à 2100. Les deux graphiques ci-dessous donnent les résultats des simulations en termes a) de futures émissions de GES par scénario et b) d’élévation résultante de la température de surface par rapport à la période 1850-1900.
On trouvera ci-dessous les 5 principales conclusions tirées de l’analyse de ces résultats
B1. La température de surface mondiale continuera d’augmenter jusqu’au milieu du siècle au moins dans tous les scénarios d’émissions considérés. Les réchauffements climatiques de 1,5°C et 2°C seront dépassés au cours du 21e siècle, à moins que des réductions importantes des émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre ne se produisent dans les décennies à venir.
Le tableau ci-dessous, tiré du rapport, l’atteste. Il donne pour chaque scénario et pour les différentes périodes considérées, les meilleures estimations et leurs très probables plages d’évolutions.
B2 : De nombreux changements dans le système climatique deviennent plus importants en relation directe avec l’augmentation du réchauffement climatique. Ils comprennent i) l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des extrêmes de chaleur, ii) des vagues de chaleur marines et des précipitations fortes, iii) des sécheresses affectant l’agriculture et les écosystèmes dans certaines régions et iv) une proportion de cyclones tropicaux intenses, ainsi que v) des réductions de la banquise arctique, de la couverture neigeuse et du pergélisol.
Les graphiques suivants illustrent quelques-uns de ces changements.
B3 : Le réchauffement climatique continu devrait intensifier davantage le cycle mondial de l’eau, y compris sa variabilité, les pluies de mousson à l’échelle mondiale et la gravité des événements humides et secs.
Selon le SPM, il est clairement établi depuis l’AR5, avec des preuves renforcées, i) qu’un climat plus chaud entraînera des temps, des évènements climatiques et des saisons très humides et très secs avec des risques importants d’inondations et de sécheresse, ii) que les pluies de mousson augmenteraient à moyen et long terme à l’échelle mondiale, en particulier en Asie du Sud et du Sud-Est, en Asie de l’Est et en Afrique de l’Ouest, à l’exception de l’extrême ouest du Sahel.
B4. Dans les scénarios avec des émissions élevées de CO2, les puits de carbone océaniques et terrestres se révéleraient moins efficaces pour ralentir l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère.
Comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, les puits océaniques et terrestres absorbent 70% de CO2 dans le Scénario SSP1-1.9 avec le plus bas niveau cumulé d’émissions, contre seulement 38% dans le scénario SSP5-8.5 avec le plus haut niveau cumulé d’émissions.
B5. De nombreux changements dus aux émissions de gaz à effet de serre passées et futures sont irréversibles pour des siècles voire des millénaires, s’agissant en particulier des changements dans l’océan (stratification, acidification, désoxygénation), des calottes glaciaires et du niveau mondial de la mer.
- Informations climatiques pour l’évaluation des risques et l’adaptation régionale
Un effort particulier a été fait dans l’AR6G1 pour produire de nouvelles informations sur le changement climatique dans les différentes régions du globe, tant au niveau de ce qui est observé actuellement que de ce qui est à venir, surtout si le réchauffement devait s’accentuer. L’objectif est de permettre aux décideurs i) de mieux comprendre et visualiser les impacts du réchauffement planétaire au niveau de leur région, voire de leurs pays et ii) de prendre les décisions appropriées à cette échelle en ce qui concerne notamment l’adaptation. La façon dont le système climatique réagit à l’interaction entre l’influence humaine, les facteurs naturels et la variabilité interne fait partie de ces informations, ainsi que cela ressort du premier énoncé de fait de ce chapitre.
C1. Les facteurs naturels et la variabilité interne moduleront les changements causés par l’homme, en particulier à l’échelle régionale et à court terme, avec peu d’effet sur le réchauffement climatique centenaire. Ces modulations sont importantes à prendre en compte dans la planification de toute la gamme des changements possibles.
Une éruption volcanique majeure est l’exemple d’un facteur naturel susceptible de modifier notablement les paramètres climatiques à différentes échelles (baisse de la température de surface et des précipitations, altération de la circulation mondiale des moussons) et de masquer momentanément (2 à 3 ans) l’influence humaine, sans cependant l’annuler.
C2. Avec la poursuite du réchauffement climatique, chaque région devrait connaître de plus en plus de changements simultanés et multiples dans les facteurs d’impact climatique. Les changements de plusieurs de ces facteurs seraient plus répandus pour un réchauffement planétaire de 2°C que pour celui de 1,5°C et encore plus répandus et/ou prononcés à des niveaux de réchauffement plus élevés.
Facteur d’impact climatique
Les facteurs d’impact climatique (CID) sont les conditions physiques du système climatique (par exemple, les moyennes, les événements, les extrêmes) qui affectent un élément de la société ou des écosystèmes. En fonction de la tolérance du système, les CID et leurs modifications peuvent être préjudiciables, bénéfiques, neutres ou un mélange de chacun dans les éléments et les régions du système en interaction. Les types de CID comprennent la chaleur et le froid, l’humidité et la sécheresse, le vent, la neige et la glace, les côtes et l’océan ouvert.
Ainsi, à 2°C ou plus de réchauffement planétaire, indique le rapport, les fortes précipitations et les inondations associées devraient devenir plus intenses et plus fréquentes dans les îles du Pacifique et dans de nombreuses régions d’Amérique du Nord et d’Europe (degré de confiance moyen à élevé). Ces changements seraient également observés dans certaines régions d’Australasie et d’Amérique centrale et du Sud (confiance moyenne). Plusieurs régions d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Europe devraient connaître une augmentation de la fréquence et/ou de la gravité des sécheresses affectant l’agriculture et les écosystèmes avec un niveau de confiance moyen à élevé; des augmentations sont également prévues en Australasie, en Amérique centrale et du Nord et dans les Caraïbes avec une confiance moyenne.
Les villes connaîtraient des vagues de chaleur plus graves et, du fait d’une urbanisation soutenue, des précipitations moyennes et fortes avec l’intensité des ruissellements qui en résultent. Les villes côtières expérimenteraient de surcroît, avec l’augmentation du niveau de la mer en plus, des inondations plus fréquentes (degré de confiance élevé)
C3. Des résultats à faible probabilité, tels que l’effondrement de la calotte glaciaire, des changements brusques de la circulation océanique, certains événements extrêmes composés et un réchauffement nettement plus important que la plage très probable évaluée de réchauffement futur, ne peuvent être exclus et font partie de l’évaluation des risques.
Ainsi, indique le rapport, la Circulation Thermohaline, et notamment la Circulation Méridienne de Retournement[11] dans l’Atlantique, est très susceptible de s’affaiblir au cours du 21e siècle pour tous les scénarios d’émission. Selon le rapport, si un tel effondrement devait se produire, il provoquerait très probablement de brusques changements dans les régimes météorologiques régionaux et le cycle de l’eau, tels qu’un déplacement vers le sud de la ceinture des pluies tropicales, l’affaiblissement des moussons africaines et asiatiques et le renforcement des moussons de l’hémisphère sud, et des sécheresses en Europe.
- LIMITER LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES FUTURS
Depuis l’AR5, le GIEC a beaucoup appris, et amélioré les méthodes d’évaluation du budget carbone. Il sait désormais évaluer de manière cohérente les effets de diverses hypothèses sur les évolutions du climat et de la pollution atmosphérique. Avec la capacité de déterminer quand les réponses climatiques aux réductions d’émissions deviendraient discernables au-dessus de la variabilité naturelle du climat, de la variabilité interne et des réponses aux facteurs naturels, il est à même d’indiquer les mesures permettant de limiter le réchauffement induit par l’activité humaine.
D1. Du point de vue des sciences physiques, limiter le réchauffement climatique d’origine humaine à un niveau spécifique nécessite de limiter les émissions cumulées de CO2, en atteignant au moins zéro émissions nettes de CO2, avec de fortes réductions des autres émissions de gaz à effet de serre. Des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de CH4 limiteraient également l’effet de réchauffement résultant de la baisse de la pollution par les aérosols et amélioreraient la qualité de l’air.
La relation quasi linéaire entre les émissions anthropiques cumulées de CO2 et le réchauffement climatique qu’elles provoquent a été réaffirmée dans l’AR6G1 avec un degré de confiance élevé. Ainsi, chaque 1000Gt d’émissions de CO2 cumulées est susceptible de provoquer une élévation de la température de surface de 0,45C, avec un intervalle de confiance de 0,27 °C et 0,63°C.
Sur la période allant de 1850 à 2019, un total d’environ 2390 Gt de CO2 d’origine humaine a été émis. Voici, à partir de différentes hypothèses considérées dans l’AR6G1, une estimation des budgets carbone restants pour différentes températures limites visées.
Le budget carbone restant serait ainsi de 300 GTCO2 si l’on veut limiter le réchauffement mondial à 1,5°C avec la plus haute probabilité (83%) de réussite. Cela fixe les idées quant aux efforts de réduction à faire pour rester en dessous de 1,5°C. Il importe cependant de noter ici que les autres gaz à effet de serre (GES) n’ont pas été considérés dans ces calculs et que la réponse climatique résultante est déterminée par les trajectoires individuelles des différent GES.
D2. Les scénarios avec des émissions de GES très faibles ou faibles (SSP1-1.9 et SSP1-2.6) conduisent en quelques années à des effets perceptibles sur les concentrations de gaz à effet de serre et d’aérosols, et la qualité de l’air, par rapport aux scénarios d’émissions de GES élevées et très élevées (SSP3-7.0 ou SSP5- 8.5). Dans ces scénarios contrastés, des différences perceptibles dans les tendances de la température de surface mondiale commenceraient à émerger de la variabilité naturelle dans un délai d’environ 20 ans, et sur des périodes plus longues pour de nombreux autres facteurs d’impact climatique (degré de confiance élevé).
Selon le rapport, les scénarios avec des émissions de GES très faibles ou faibles (SSP1-1.9 et SSP1-2.6) auraient des effets rapides et durables pour limiter le changement climatique d’origine humaine, par rapport aux scénarios avec des émissions de GES élevées ou très élevées (SSP3-7.0 ou SSP5-8.5). Ces scénarios (SSP1-1.9 et SSP1-2.6) sont en effet ceux qui limiteraient fortement le changement de plusieurs facteurs d’impact climatique (CID), comme l’augmentation de la fréquence des événements extrêmes, s’agissant de l’élévation du niveau de la mer, des fortes précipitations et des inondations pluviales, et du dépassement des seuils de chaleur dangereuse.
Le choix proposé par le GIEC aux décideurs dans le Résumé de son rapport qui leur est dédié est clair dans ces conditions. Ils doivent tout mettre en œuvre pour placer l’évolution du climat mondial sur la trajectoire des scénarios à très faibles ou faibles émissions de gaz à effet de serre.
Autrement, le monde s’expose à des évènements climatiques extrêmes généralisés et plus fréquents dont l’actualité de ces dernières semaines en Amérique du Nord, en Europe, en Russie, en Chine et partout ailleurs dans le monde nous a donné un avant-goût.
Le Temps du 9 août 2021 en témoigne[12]. « Les événements météorologiques extrêmes se succèdent, les morts aussi. Trois cents en Chine, 190 en Allemagne, 41 en Belgique, 35 au Niger, 60 en Afghanistan, 230 en Inde… Des vagues de chaleur mortelles entraînent des incendies catastrophiques en Turquie, en Grèce, en Californie et au Canada, dans un bilan restant à établir et qui a déjà vu des villages entiers rayés de la carte.
A ce titre, le nouveau rapport du GIEC paru le 9 août marquera peut-être un tournant. Pour beaucoup, les rapports élaborés par les scientifiques évoquaient jusqu’ici le futur, un avenir lointain assorti de probabilités et de marges d’erreur. Leurs travaux, aujourd’hui rattrapés par l’actualité, se conjuguent désormais au présent. »
[1] GIEC, Changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante, communiqué de presse, 9 août 2021, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2021/08/IPCC_WGI-AR6-Press-Release_fr.pdf
[2] UNFCC, 26e conférence des Parties des Nations Unies sur le changement climatique ( COP26), Glasgow, du 31 octobre au 12 novembre 2021, https://ukcop26.org/
[3] GSI, Le Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, octobre 2018, https://www.globalshift.ca/1068/
[4] Organisation Météorologique Mondiale (OMM) : https://public.wmo.int/fr
[5] Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE)
[6] GIEC, Le GIEC et le sixième cycle d’évaluation, avril 2020, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2020/05/2020-AC6_fr.pdf
[7] IPCC, Comment le GIEC est organisé, https://archive.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml
[8] IPCC, AR6 Climate Change 2021 : The Physical Science Basi, August 2021, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/
[9] Pour comprendre le forçage radiatif, Bon Pote, Forçage radiatif : à la base du changement climatique, https://bonpote.com/forcage-radiatif-a-la-base-du-changement-climatique/
[10] notre-planete.info, Forcage radiatif, https://www.notre-planete.info/environnement/definition_forcage-radiatif
[11] Wikipédia, Circulation thermohaline, https://fr.wikipedia.org/wiki/Circulation_thermohaline
[12] Fabien Goubet, La souffrance s’invite dans le climat, Le temps, 9 août 2021, https://www.letemps.ch/opinions/souffrance-sinvite-climat