Le rapport 2021 sur les ODD

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Bulletin GSI juillet 2021

Le rapport 2021 sur les ODD

« Malgré le ralentissement économique mondial [dû à la COVID-19], les concentrations des principaux gaz à effet de serre continuent d’augmenter. Avec une température moyenne mondiale atteignant environ 1,2 °C au-dessus des niveaux préindustriels, la crise climatique est bel et bien arrivée et ses impacts se font sentir dans le monde entier. » C’est l’un des nombreux constats plus qu’alarmants que fait le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres, dans sa brève présentation de l’édition 2021 du Rapport annuel sur les Objectifs de développement durable (SDGR2021)[1].

La vague de chaleur qu’a connue en juin dernier la Colombie Britannique dans l’ouest du Canada, et qui a fait plus de 230 morts, souligne la justesse de ces propos. On pourrait en dire autant des « tornades » de feu en Sibérie (Russie) et en Oregon (États-Unis) et des inondations record que connaissent actuellement la Chine Centrale et l’Europe du Nord, en Allemagne tout particulièrement[2].

Mais ce sont surtout les impacts délétères de la pandémie sur les processus engagés pour transformer le monde en réalisant les ODD qui préoccupent le plus Mr Guterres dans son Avant-propos au SDGR2021. « La crise actuelle menace des décennies de progrès en matière de développement, retarde davantage la transition urgente vers des économies plus vertes et plus inclusives et retarde encore plus les progrès des ODD », estime-t-il.

Lancé le 6 juillet 2021, dans le cadre de l’édition 2021 du Forum Politique de Haut Niveau (FPHN) qui s’est tenue du 6 au 16 juillet, le SDGR2021 décrit l’état de la mise en œuvre en 2021 de chaque ODD qu’il illustre par ailleurs à travers des infographies extrêmement parlantes.

Au-delà de ces infographies, le rapport préparé par le Département des affaires Économiques et Sociales des Nations Unies (UNDESA) en collaboration avec plus de 50 organisations internationales et régionales, ne déroge pas à la tradition consistant à attirer l’attention de la Communauté internationale sur un ou des domaines nécessitant une action urgente et coordonnée de sa part. Pour des raisons évidentes, l’emphase a été mise cette année sur la COVID-19. Le choix a aussi porté sur les données dont la disponibilité en qualité est critique, selon le Secrétaire Général des Nations Unies, « pour aider les décideurs à comprendre où les investissements peuvent avoir le plus grand impact. »

Ce numéro du bulletin donne quelques faits et chiffres clés tirés du rapport SDGR2021et concernant la mise en œuvre des ODD ainsi que quelques-unes de infographies qui le caractérisent. Il donne par la suite un aperçu de ses conclusions et recommandations regardant les données dans lesquelles, indique-t-il, il faut investir pour sauver des vies et reconstruire en mieux.

Selon Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint pour les Affaire Économiques et Sociales, le rapport SDGR2021 « utilise les dernières données et estimations disponibles pour révéler les impacts dévastateurs de la crise sur les ODD et souligner les domaines qui nécessitent une action urgente et coordonnée ». Voici les impacts et les leçons tel qu’il les ressort :

  • Des années, voire des décennies, de progrès ont été stoppés ou inversés. L’année 2020 a ainsi vu, pour la première fois, l’augmentation du taux mondial d’extrême pauvreté avec le refoulement de centaine de millions de personnes dans l’extrême pauvreté et la faim chronique.

La pandémie a par ailleurs eu un impact dévastateur sur les systèmes de santé, sur l’apprentissage et le bien-être des enfants et des jeunes, et sur les femmes, lesquelles ont le plus souffert des pertes d’emplois et de l’augmentation inconsidérée du travail de soins à domicile;

  • La pandémie a révélé et intensifié les inégalités au sein des pays et entre eux. Les plus vulnérables ont été les plus exposés quant aux risques de contamination par le virus et au poids des retombées économiques négatives. Les petits États insulaires ont été affectés de façon disproportionnée par l’effondrement du tourisme. La distribution des vaccins a été le parfait révélateur de la profondeur des inégalités entre les pays riches et les autres. Au 17 juin 2021, dit le rapport, « environ 68 vaccins ont été administrés pour 100 personnes en Europe et en Amérique du Nord, contre moins de 2 en Afrique subsaharienne»;
  • La crise climatique, la crise de la biodiversité et la crise de la pollution persistent, malgré la pandémie. Les émissions de gaz de gaz à effet de serre repartent à la hausse après le léger fléchissement de 2020, ce qui compromet terriblement le respect de l’Accord de Paris. Le déclin de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes sont sans répit, de même que la pollution plastique. « Cinq trillions (5 000 milliards) de sacs en plastique à usage unique sont jetés chaque année», indique le rapport;
  • La pandémie de COVID-19 sert de miroir au monde. Elle aura été un exact reflet des problèmes profondément enracinés dans nos sociétés : protection sociale insuffisante, systèmes de santé publique faibles et couverture sanitaire insuffisante, même pour les pays développés; inégalités structurelles, dégradation de l’environnement et changement climatique;
  • La résilience, l’adaptabilité et l’innovation nous apportent l’optimisme. Face à la crise, le monde a fait montre d’une créativité remarquable qu’il s’agisse de protection sociale, de nouvelles formes de collaboration et d’interaction. La vitesse à laquelle plusieurs nouveaux vaccins ont été mis au point l’atteste, comme la transformation numérique du monde. « La pandémie a accéléré la transformation numérique des gouvernements et des entreprises, modifiant profondément nos façons d’interagir, d’apprendre et de travailler», affirme-t-il

Mais il y a encore bien loin de la coupe aux lèvres en ce qui concerne l’avenir que nous voulons. C’est l’une des principales raisons des orientations suivantes:

  • Des changements transformationnels sont nécessaires et les ODD fournissent la feuille de route. La crise aura montré que la santé, le bien-être social sont étroitement liés au climat et à la santé des écosystèmes. Elle a mis au jour des vulnérabilités que les Gouvernements et la Communauté internationale se doivent de corriger avec des transformations structurelles utilisant les ODD comme cadre de référence. Le rapport propose ainsi « de renforcer considérablement les systèmes de protection sociale et les services publics, d’accroître les investissements dans la science, la technologie et l’innovation; de créer un espace budgétaire dans les pays en développement; d’adopter une approche d’économie verte et d’investir dans l’énergie et l’industrie propres ; et de faire la transition vers des systèmes alimentaires durables»;
  • Il est essentiel d’investir dans l’infrastructure des données et de l’information. Aux premières heures de la pandémie, la faiblesse notoire de cette infrastructure a constitué un important handicap pour les processus décisionnels des États. « Les politiques, les programmes et les ressources visant à protéger les personnes pendant cette période difficile seront inévitablement insuffisants sans les preuves pour cibler et affiner les interventions », dit le rapport qui recommande d’accroître les investissements affectés aux systèmes nationaux de données et de statistiques, et de mobiliser à cette fin les ressources supplémentaires aux niveaux international et national « si nous voulons mieux sortir de la crise et accélérer la mise en œuvre des ODD»;
  • Reconstruire mieux exige un multilatéralisme efficace et la pleine participation de toutes les sociétés. La pandémie affecte le monde entier sans distinction. L’action et la participation de tous à tous les niveaux est, de ce fait, une exigence. « Cette crise mondiale exige une réponse mondiale partagée» indique le rapport, rappelant au monde le rôle déterminant du système multilatéral quand il est besoin d’une vision unifiée, de réponses cohérentes, coordonnées et mondiales.

Dans le chapitre consacré aux données et intitulé « Investir dans les données pour sauver des vies et reconstruire en mieux », le rapport détaille les éléments d’analyse et les recommandations résumées ci-dessus.

Répondre à une demande sans précédent de données.

Le rapport souligne que la pandémie a mis au premier plan l’importance cruciale des données de base dont les politiques et le monde des affaires ont besoin pour prendre des décisions concernant la santé, le social et l’économique. Les Systèmes Statistiques Nationaux (SSN) ont ainsi eu à répondre à une demande sans précédent de données, parfois de type nouveau. Ils ont dû s’ajuster en adoptant de nouvelles méthodes et de nouveaux outils mettant par exemple à contribution les données de recherche Google ou, comme au Ghana, les données de mobilité fournies par un opérateur de téléphone mobile, notamment pour aider à surveiller le respect du confinement. La crise n’a pas que confirmé le rôle déterminant des SSN dans sa gestion, elle l’a élargi, les conduisant à « répondre à une demande sans précédent de données ».

Faire progresser les données pour assurer le suivi des ODD et améliorer la vie des gens.

Le rapport reconnaît les progrès déjà réalisés dans la disponibilité des données comparables au niveau international avec, notamment, l’augmentation significative du nombre d’indicateurs globaux des ODD passés de 115 en 2016 à 211 en 2021. Il souligne, avec un exemple de terrain, combien « les progrès de la disponibilité des données ont eu un impact direct sur la vie des gens ». Seules les bonnes données peuvent en effet permettre aux gouvernements de déterminer quelles sont les populations les plus à risque pour un situation donnée, et comment les atteindre au mieux.

Identifier les lacunes en matière de données pour atteindre les ODD

Des lacunes continuent cependant d’exister en termes de couverture géographique, de disponibilité à temps et de niveau de désagrégation. Par exemple, pour l’ODD 13 sur le climat, moins de 20% des pays disposent des données requises pour en assurer le suivi idoine, comme on peut le voir sur la figure ci-dessous.

On observe le même type de lacunes au niveau des données concernant les enfants. Le rapport indique que, « en moyenne, 74 % des indicateurs des ODD liés aux enfants disposent de données insuffisantes ou montrent des progrès insuffisants pour atteindre les cibles mondiales d’ici 2030 ». Un tel manque de données, déplore-t-i, « limite gravement la capacité d’un pays à atteindre les enfants et leurs familles – pour s’assurer qu’ils disposent des services, des opportunités et des choix qu’ils méritent pour vivre pleinement ». Identifier ces lacunes est donc la clé utile pour réaliser les ODD.

Lutter contre la vulnérabilité des infrastructures de données et d’informations

Le rapport rappelle combien la pandémie a fait ressortir la vulnérabilité des infrastructures nationales des données et de l’information. Dans plusieurs pays, parmi lesquels des pays développés, on n’était par exemple pas en mesure de déterminer combien de personnes mouraient de la COVID-19. Beaucoup ont été confrontés aux interruptions de la collecte des données du fait du confinement, ne disposant pas de moyens alternatifs pour ce faire. Près de 42% des pays ont ainsi dû reporter d’au moins un an les recensements prévus en 2020 ou en 2021.

On s’est aperçu que « dans l’ensemble, les pays dotés de l’infrastructure et des compétences nécessaires en matière de technologies de l’information (TI) ont été plus résilients et leurs opérations statistiques ont été moins affectées ». Ce constat conduit à recommander des investissements conséquents pour doter les SSN des infrastructures et des ressources humaines dont ils ont besoin. C’est le gage pour qu’ils puissent continuer à fonctionner en temps de crise, et surtout à participer pleinement, grâce à leur capacité d’innovation ainsi restaurée, à la production des données requises pour la reprise et l’atteinte des ODD.

Stimuler l’innovation pour faire avancer la mise en œuvre des ODD

La crise a ouvert de nouvelles perspectives en ce qui concerne la collecte des données et les outils d’analyse. On relève, parmi ces innovations, le recours au téléphone intelligent pour remplacer les entrevues face-à face, l’intégration d’informations géospatiales et de données d’enquêtes auprès des ménages pour produire des données plus désagrégées et en temps opportun, le couplage des algorithmes d’apprentissage automatique avec les sciences sociales pour mieux comprendre les perceptions du public sur des questions telles que la discrimination. Ces innovations doivent être encouragées tout en restant vigilant sur les risques d’accès aux données personnelles qu’elles permettent, et en s’assurant que les algorithmes mis à contribution ne viennent pas renforcer les inégalités.

Tirer parti de la puissance de la collaboration et des partenariats

Pour répondre aux demandes de données face à une infrastructure de données inadéquate, les partenaires aux niveaux national et international ont dû travailler en étroite collaboration pendant la crise. C’est ainsi qu’au Kenya, grâce à la collaboration entre le Bureau national des statistiques et la Commission nationale des droits de l’homme, le recensement de 2019 à pu inclure « pour la première fois », les communautés habituellement laissées pour compte, « les personnes intersexes, les personnes atteintes d’albinisme, les peuples autochtones et les populations apatrides ». Au niveau international, le rapport cite le cas du groupe technique consultatif composé d’épidémiologistes, de biostatisticiens, de démographes et de statisticiens nationaux chargé d’aider l’Organisation mondiale de la santé et les États membres à obtenir des estimations précises des décès attribuables à la pandémie. La crise a ainsi permis de « tirer parti de la puissance de la collaboration et des partenariats ».

Renforcer les capacités statistiques de manière plus efficace et durable

La crise, et notamment le confinement qu’il a induit, ont conduit les organismes nationaux ou internationaux de statistique à innover en matière de développement des capacités statistiques. La formation en ligne a été retenue dans 75% des cas contre 5% avant la crise. Tout indique qu’elle est là pour rester. Au titre des autres stratégies susceptibles d’assurer les nécessaires renforcements de capacités statistiques de manière plus efficace et plus durable, le rapport recommande d’établir les priorités en fonction des besoins internes. La coordination du système statistique national, l’engagement des utilisateurs, la gestion et le financement se révèlent être les domaines les plus demandés.

Améliorer l’accès aux données et aux métadonnées

C’est le gage pour obtenir « une réponse rapide et efficace à une crise ». En fournissant des tableaux de bord publics avec des mises à jour quotidiennes pour surveiller la propagation de la maladie, en donnant un accès direct aux données des services publics comme l’emplacement des services essentiels, on a permis à des millions de gens de mieux faire face à la crise et de se préparer à en sortir par le haut. Dans le même esprit, des plateformes de données nationales sur les ODD ont été adoptées permettant un accès ouvert à l’information et aux outils dont les utilisateurs ont besoin pour réussir la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et de ses objectifs globaux.

Ce qui ressort de ce focus sur les données, c’est bien sûr que beaucoup reste à faire pour faire mieux face à une nouvelle crise comme celle-ci. Cette dernière a cependant révélé des capacités d’innovation et des ressources nouvelles permettant de rester optimiste en ce qui concerne les pandémies à venir, pour autant cependant que les leçons tirées de cette crise ne soient pas perdues. C’est justement en ces termes que M Guterres conclut son introduction au Rapport annuel sur les Objectifs de développement durable. « Les défis sont immenses, mais il y a aussi des raisons d’espérer. La crise du COVID-19 a démontré une résilience communautaire inspirante, a mis en évidence le travail herculéen des travailleurs essentiels dans une myriade de domaines et a facilité l’expansion rapide de la protection sociale, l’accélération de la transformation numérique et une collaboration mondiale sans précédent sur le développement de vaccins. Un avenir meilleur est possible. Nous devons utiliser la crise pour transformer notre monde, réaliser le Programme 2030 et tenir notre promesse envers les générations actuelles et futures ».

 

[1] UN, Sustainable Development Goals Report 2021, june 2021, https://unstats.un.org/sdgs/report/2021/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2021.pdf

[2] BBC NEWS, Europe Flood: Drone footage shows mudslide in western Germany, https://www.bbc.com/news/av/world-europe-57860249