La CLD, une convention de Rio « oubliée? »

Global Shift Institute Ltd > Bulletins > 2017 > La CLD, une convention de Rio « oubliée? »

La CLD, une convention de Rio « oubliée? »

Bulletin d’octobre 2017

La Conférence des Parties (CdP ou COP) à la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (CNULD ou CLD comme elle est plus couramment désignée) a tenu sa 13ème session (COP13) du 6 au 16 septembre 2017 à Ordos, Mongolie intérieure, Chine, sous le radar des grands médias.

Le compte rendu qu’en fait le Bulletin des Négociations de la Terre[1] peut se résumer comme suit :

[Près de 1 200 participants. Un total de 37 décisions prises. Les décisions portent notamment sur la désertification, la dégradation des sols et la sécheresse, sur la neutralité de la dégradation des terres (NDT) et sur l’alignement des objectifs de la Convention et des programmes d’action des partis sur les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.
Un segment de haut niveau regroupant Ministres et chefs de délégation, s’est tenu les 11 et 12 septembre, avec 3 Tables rondes ministérielles parallèles et 3 séances de Dialogue. Les Tables rondes ont traité des thèmes suivants : « Dégradation des terres: un défi pour le développement, la prospérité et la paix »; « a sécheresse et les tempêtes de sable et de poussière: l’alerte précoce et au-delà » et « La neutralité de la dégradation des terres (NDT): passer des objectifs à l’action … qu’est-ce que cela prendra?».
Les Dialogues avec des représentants d’organisations de la société civile (OSC), des gouvernements locaux et du secteur privé ont respectivement porté sur « La parité hommes-femmes et les droits fonciers », « Les gouvernements locaux » et « Le secteur privé et la NDT ».
Les deux organes subsidiaires de la CNULD ont tenu leurs sessions respectives, parallèlement à la COP13. Le Comité de la science et de la technologie (CST) a travaillé sur six décisions pour examen par la COP, portant, notamment, sur la coopération avec d’autres groupes et organes scientifiques intergouvernementaux (comme le GIECC), sur l’amélioration de l’efficacité de l’interface science-politique et sur la promotion de l’analyse, de la diffusion et de l’accessibilité des bonnes pratiques, ainsi que sur le Centre d’information de la Convention. Le Comité pour l’examen de la mise en application de la Convention (CEAC) a également préparé six décisions, portant, entre autres, sur l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies par le biais des programmes d’action nationaux pour la réalisation des objectifs de la Convention à la lumière de la cible 15.3 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, sur la mobilisation de ressources pour la mise en œuvre de la Convention, sur la collaboration avec le Fonds pour l’environnement mondial, et sur l’amélioration des procédures de communication des données ainsi que de la qualité et des formats des communications à soumettre à la Conférence des Parties.
Outre l’adoption des décisions préparées par le CST et le CEAC, la COP13 a examiné et adopté des décisions clés concernant i) le Programme de développement durable pour l’horizon 2030 et ses implications pour la CNULD; ii) le futur cadre stratégique de la Convention; iii) la mise en œuvre effective de la Convention aux niveaux national, sous-régional et régional; et iv) l’établissement d’un lien entre les connaissances scientifiques et les processus décisionnels.
À travers ces décisions, la COP13 a approuvé le cadre conceptuel scientifique de la NDT, i) demandant aux Parties qui travaillent pour la réalisation de la NDT d’examiner les orientations fournies dans ce cadre; ii) invitant les Parties à réaliser des études de cas sur la mise en œuvre de la NDT et à en préparer une synthèse à soumettre à la COP 14; et proposant à l’ISP d’utiliser la synthèse pour l’élaboration d’un rapport sur les enseignements tirés et de collaborer avec d’autres organismes scientifiques. La COP a également lancé le Fonds pour la NDT et les Perspectives territoriales mondiales (PTM).]

D’importantes décisions ont donc été prises au cours de la COP13. Ces décisions tendent, entre autre, à intégrer d’avantage la CLD au cadre mondial de collaboration, L’Agenda 2030 pour le Développement durable, adopté en septembre 2015 pour coordonner l’effort mondial de construction du développement durable. Des grands pays comme l’Inde et ou le Brésil ont pris des engagements fermes en ce qui concerne notamment la NDT. Ces décisions et informations ont peu filtré du cercle restreint des initiés pour ne pas dire pas du tout.

La Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (CLD) est pourtant l’une des trois Conventions issues de Rio [2] comme la Convention sur la Diversité Biologique des Nations Unies (CDB) et la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) qui elles, sont sur le devant de la scène, voire surexposées pour la dernière.

De fait, contrairement à ses deux consœurs, la CLD n’a été adoptée que deux ans après Rio, soit en juin 1994 à Paris, sous l’appellation Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (CLD).

La question de la désertification et de la sécheresse était pourtant bien à l’ordre du jour de la CNUED. Elle y fut abordée dans une perspective globale prônant une approche intégrée s’inscrivant dans la perspective du développement durable. Le chapitre 12 de l’Agenda 21 [3] est ainsi intitulé « Gestion des écosystèmes fragiles : lutte contre la désertification et la sécheresse ».

Mais, Comme le soulignaient les auteurs du Guide des négociation de la CLD [4], « la CLD se distingue des autres conventions environnementales par le fait qu’elle résulte d’une demande expresse des pays en développement et particulièrement des pays d’Afrique. Contrairement aux autres conventions découlant du Sommet de Rio, qui furent initiées par les pays développés, la CLD rencontra une forte résistance de la part de ces derniers… Certains d’entre eux étaient plutôt réticents à aborder la question de la désertification comme un enjeu mondial et s’opposaient à l’allocation de nouveaux fonds à cette problématique [5] .».

Il aura fallu beaucoup de ténacité et de diplomatie de la part des pays africains pour que la CNUED retienne le principe d’une convention sur la désertification et la sécheresse.

En amont de la CNUED, les rencontres préparatoires n’accordant que peu d’importance à la désertification et à la sécheresse malgré une résolution de de l’Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU) le demandant, les Ministres africains de l’environnement prirent l’initiative d’une rencontre au Sommet pour élaborer et adopter la Position commune africaine sur l’environnement et le développement ainsi qu’une déclaration, la Déclaration d’Abidjan, réclamant une convention sur la désertification.

Pendant la CNUED, les pays africains étaient sur tous les fronts pour arracher la décision. L’Organisation Internationale de la Francophonie leur apporta son appui en créant des espaces de concertation, notamment entre ses pays membres du Nord et du Sud. L’appui du G77+la Chine fit tout le reste.

Il faudra cependant attendre la session de décembre 1992 de l’Assemblée Générale des Nations Unies pour prendre la décision transformant l’accord de principe de la CNUED en une Résolution établissant un Comité Intergouvernemental de Négociation sur la Désertification (CIN).

Le texte de la CLD est produit et adopté en juin 1994 au terme de cinq sessions du CIN. La Convention est soumise à ratification en octobre de la même année. L’entrée en vigueur intervient en décembre 1996 avec une 1ère Conférence des Parties, la COP1, à Rome, en Italie, du 29 septembre au 15 octobre 1997.

La dernière COP, la 13ème du nom, s’est tenue en septembre dernier à Ordos, Mongolie intérieure, Chine, sous le radar de pratiquement tous les médias. On dirait que cette convention issue de Rio n’en est jamais sortie ou qu’elle a tout simplement été oubliée.

Ceci explique sans doute cela. Les tensions qui ont marqué la mise au jour de la CLD ne se sont sans doute pas encore dénouées.

Rappelons-nous les tsunamis médiatiques jalonnant la seule COP que le grand public connaisse, celle de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. La dernière, la 22ème qui s’est tenue à Marrakech en novembre 2016, a regroupé PLUS DE 22 500 personnes dont i) 15 800 représentants des pays Parties à la convention, ii) 5 800 des Agences des Nations Unies, des Organisations intergouvernementales et des Organisations de la société et iii) 1 200 pour les médias, presse écrite, radios et télévisions nationales ou mondiales.

La 21ème, celle de Paris aura battu tous les records : plus de 36 000 participants, incluant près de 23 100 responsables gouvernementaux, 9 400 représentants des organes et agences des Nations Unies, d’organisations intergouvernementales et d’organisations de la société civile, et 3 700 membres des médias [6].

A Ordos, à la 13ème COP de la CLD, on ne dénombrait qu’un TOTAL de PRÈS DE 1 200 participants, tous représentants confondus [7].

Ce sont autant de pays, d’institutions et de personnes de bonne volonté qui continuent, vaille que vaille, de pousser à la roue pour que la CLD réponde aux attentes de tous ceux qui se sont battus pour qu’elle soit. Tous partagent sans doute cet adage chinois :

« Ne craignez pas de grandir lentement, ne craignez que de stagner »

 

[1] IISD, Compte rendu de la 13ème Session de la Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, Bulletin des Négociations de la Terre (BNT), vo.4 No. 278, septembre 2017, http://enb.iisd.org/desert/cop13/

[2] Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED) ou Sommet de la Terre, tenue à Rio de Janeiro, Brésil, du 3 au 14 juin 1992 https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C3%A9rence_des_Nations_unies_sur_l%27environnement_et_le_d%C3%A9veloppement 

[3] Agenda 21, le Programme d’action pour le 21ème siècle adopté à Rio pour réaliser le développement durable.

[4] IEPF/UNISFERA, Guide des négociations de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (CLD), juillet 2007.

[5] Johnson, Pierre Marc, Karel Mayrand et Marc Paquin, Governing Global Desertification :Linking Environmental Degradation, Poverty and Participation, Ashgate, 2006, p. 62.

[6] IISD, Compte rendu de la Conférence de Paris sur les changements climatiques, Bulletin des Négociations de la Terre, décembre 2015, http://enb.iisd.org/download/pdf/enb12663f.pdf

[7] IISD, Compte rendu de la 13ème Session de la Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, Bulletin des Négociations de la Terre (BNT), vo.4 No. 278, septembre 2017, http://enb.iisd.org/desert/cop13/

You must be logged in to post a comment.