Session 2018 du Forum Politique de Haut Niveau

Global Shift Institute Ltd > Bulletins > 2018 > Session 2018 du Forum Politique de Haut Niveau

Introduction

L’édition 2018 du Forum Politique de Haut Niveau pour le Développement Durable (FPHN 2018HPLF 2018) se tient du 9 au 18 juillet sous les auspices du Conseil Économique et Social (ECOSOC). Comme les précédentes, cette troisième édition comporte un Segment de Haut Niveau du 16 au 19 juillet, comprenant le Segment Ministériel les 16, 17 et 18 juillet.

Le thème général retenu pour cette année est “La transformation vers des sociétés durables et résilientes“. Les Objectifs de Développement Durable (ODD) dont il est prévu d’examiner la mise en œuvre en profondeur sont au nombre de 5, outre l’ODD17, Renforcer les moyens de mettre en œuvre le partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser, qu’il a été décidé de considérer à chaque année. Ces 5 ODD sont :

  • L’ODD6, Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources; en eau
  • L’ODD7, Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable;
  • L’ODD11, Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables;
  • L’ODD12, Établir des modes de consommation et de production durables;
  • L’ODD15, Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité.

L’examen de la mise en œuvre de ces ODD se déroulera comme suit[1]: i) brève présentation statistique donnant l’état des lieux pour chaque ODD, (ii) échange d’expériences et de leçons apprises entre pays, (iii) discussions sur le renforcement des synergies et le traitement des compromis entre les ODD sous examen et avec les autres ODD. L’occasion sera mise à profit pour écouter ce que la science dit aux décideurs et découvrir les enjeux nouveaux et émergents. La parole sera donnée à tous les participants dont on attend une pleine contribution aux débats (les Pays; le Système des Nations Unies et les autres Organisations Internationales, Régionales et Sous-régionales; les Institutions Intergouvernementales; les Grands Groupes et toutes les autres Parties Prenantes).

Outre l’analyse du thème général et l’examen de la mise en œuvre des 6 ODD, le plan de travail[2] de presque deux semaines comprend :

  • La présentation, dès l’entame du Forum, du rapport d’activité du Secrétaire Général sur la mise en œuvre des ODD et de l’Agenda 2030;
  • La présentation des Revues Nationales Volontaires (RNV – VNR), pendant le Segment Ministériel. 47 pays se sont portés volontaires pour cette édition du Forum comme nous l’indiquions dans le numéro de mars de ce bulletin[3];
  • Le Dialogue de haut niveau de l’ECOSOC avec les institutions internationales de financement et du Commerce, sur le thème « Où allons-nous? Vision et projection pour le futur des ODD»;
  • Le Dialogue thématique de l’ECOSOC sur le thème « Mettre les nouvelles technologies au service des ODD»;
  • La discussion et l’adoption de la Déclaration ministérielle.

Ce bulletin présente dans leurs grandes lignes le Rapport  du Secrétaire Général sur les ODD, les messages des RNV et le dossier sur le thème du Dialogue thématique

Rapport du SG sur la mise en œuvre des ODD[4]

Ce rapport préparé sur demande de l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 70/1 pour éclairer les débats lors du FPHN, donne, sur la base des dernières données disponibles, un aperçu des progrès accomplis vers la réalisation des 17 ODD depuis leur adoption en septembre 2015. Il ressort pour chacun, les lacunes restant à combler, et examine certaines des interconnexions entre les objectifs et les cibles.

Le rapport propose par la suite un examen approfondi des 6 ODD sous examen dans le cadre de l’édition 2018 du FPHN. Il traite aussi des défis rencontrés dans la collecte, le traitement, l’analyse et la diffusion de données fiables, opportunes, accessibles et suffisamment désagrégées. Car, selon Antonio Guterres, le nouveau Secrétaire Général des Nations Unies, « Sans une claire appréhension de notre position actuelle, nous ne pouvons pas tracer avec confiance notre chemin vers la réalisation des objectifs de développement durable ».

Le constat général du rapport est que les gens vivent globalement mieux qu’il y a dix ans, mais que les progrès pour s’assurer que personne ne soit laissé de côté ne sont pas assez rapides pour espérer atteindre les objectifs de l’Agenda 2030. Le rythme des progrès mondiaux ne sont en effet pas à la hauteur des ambitions de cet Agenda.

Voici un aperçu des contenus extrêmement instructifs de ce rapport pour quelques-uns des ODD.

« Alors que l’extrême pauvreté s’est considérablement atténuée depuis 1990, des poches des pires formes de pauvreté persistent. Mettre fin à la pauvreté exige des systèmes universels de protection sociale visant à protéger tous les individus tout au long de leur vie. Il nécessite également des mesures ciblées pour réduire la vulnérabilité aux catastrophes et pour cibler des zones géographiques mal desservies dans chaque pays.

  • Le taux d’extrême pauvreté a rapidement baissé: en 2013, il représentait un tiers de la valeur de 1990. La dernière estimation mondiale suggère que 11% de la population mondiale, soit 783 millions de personnes, vivaient en dessous du seuil de pauvreté extrême en 2013.
  • Selon les estimations de 2016, seulement 45% de la population mondiale était couverte par au moins une prestation de protection sociale
  • La proportion des travailleurs du monde vivant avec leur famille avec moins de 1,90 dollar par personne et par jour a considérablement diminué au cours des deux dernières décennies, passant de 26,9% en 2000 à 9,2% en 2017…»

« Après un déclin prolongé, la faim dans le monde semble à nouveau en hausse. Les conflits, la sécheresse et les catastrophes liés au changement climatique comptent parmi les principaux facteurs à l’origine de ce renversement de tendance.

  • La proportion de personnes sous-alimentées dans le monde est passée de 10,6% en 2015 à 11,0% en 2016. Cela représente 815 millions de personnes dans le monde en 2016, contre 777 millions en 2015.
  • En 2017, 151 millions d’enfants de moins de 5 ans souffraient d’un retard de croissance (faible taille pour leur âge), 51 millions souffraient d’émaciation (faible poids pour la taille) et 38 millions de personnes en surpoids.
  • En 2016, 26 pays ont connu des niveaux élevés ou modérément élevés de prix alimentaires généraux, ce qui a pu avoir un impact négatif sur la sécurité alimentaire… »

 « Trop de personnes n’ont pas encore accès à des installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement gérées en toute sécurité. La pénurie d’eau, les inondations et le manque de gestion adéquate des eaux usées entravent également le développement social et économique. L’augmentation de l’efficacité hydrique et l’amélioration de la gestion de l’eau sont essentielles pour équilibrer les demandes concurrentes et croissantes en eau de divers secteurs et utilisateurs.

  • En 2015, 29% de la population mondiale ne disposait pas d’un approvisionnement en eau potable géré de manière sûre et 61% ne disposaient pas de services d’assainissement gérés de manière sûre. En 2015, 892 millions de personnes ont continué à pratiquer la défécation à l’air libre.
  • En 2015, seulement 27% de la population des PMA disposait d’installations de lavage des mains de base.
  • Les estimations provisoires tirées des données sur les ménages de 79 pays à revenu moyen-élevé et à revenu intermédiaire-élevé (à l’exclusion d’une grande partie de l’Afrique et de l’Asie) indiquent que 59% des eaux usées domestiques sont traitées en toute sécurité…»

« On s’est notablement rapproché de l’objectif « Garantir l’accès à une énergie abordable, fiable et moderne pour tous » grâce aux progrès récents en matière d’électrification, en particulier dans les PMA, et d’amélioration de l’efficacité énergétique dans l’industrie. Cependant, les priorités nationales et les ambitions politiques doivent encore être renforcées pour que le monde puisse atteindre les objectifs relatifs à l’énergie d’ici 2030.

  • De 2000 à 2016, la proportion de la population mondiale ayant accès à l’électricité est passée de 78 à 87%, le nombre absolu de personnes vivant sans électricité passant à un peu moins d’un milliard.
  • Dans les pays les moins avancés, la proportion de personnes ayant accès à l’électricité a plus que doublé entre 2000 et 2016.
  • En 2016, 3 milliards de personnes (41% de la population mondiale) cuisinaient encore avec des ensembles de combustibles et de foyers polluants… »

 

 « La protection des écosystèmes forestiers et terrestres est en hausse et la perte de forêts a ralenti. Cela dit, d’autres aspects de la conservation terrestre continuent d’exiger une action accélérée pour protéger la biodiversité, la productivité des terres et les ressources génétiques et pour réduire la perte d’espèces.

  • Les superficies forestières de la Terre continuent de diminuer, passant de 4,1 milliards d’hectares en 2000 (soit 31,2% de la superficie totale) à environ 4 milliards d’hectares (30,7% de la superficie totale) en 2015. Cependant, le taux de perte de forêt a été réduit de 25% depuis 2000-2005.
  • Environ un cinquième de la surface de la Terre couverte de végétation a montré des tendances persistantes et en déclin de la productivité de 1999 à 2013, menaçant les moyens de subsistance de plus d’un milliard de personnes. Jusqu’à 24 millions de kilomètres carrés de terres ont été touchés, y compris 19 pour cent des terres cultivées, 16 pour cent des terres forestières, 19 pour cent des prairies et 28 pour cent des pâturages.
  • Depuis 1993, l’indice mondial de la Liste rouge des espèces menacées est passé de 0,82 à 0,74, indiquant une tendance alarmante au déclin des mammifères, des oiseaux, des amphibiens, des coraux et des cycadées. Les principaux facteurs de cette agression contre la biodiversité sont la perte d’habitat due à l’agriculture non durable, la déforestation, la récolte et le commerce non durables et les espèces exotiques envahissantes… »

  « L’objectif 17 vise à renforcer les partenariats mondiaux pour soutenir et atteindre les objectifs ambitieux du Programme 2030, en réunissant les gouvernements nationaux, la communauté internationale, la société civile, le secteur privé et d’autres acteurs. Malgré les progrès réalisés dans certains domaines, il reste encore beaucoup à faire pour accélérer les progrès. Toutes les parties prenantes devront recentrer et intensifier leurs efforts dans les domaines où les progrès ont été lents.

  • En 2017, l’APD nette s’élevait à 146,6 milliards de dollars en 2017, soit une diminution de 0,6% par rapport à 2016 en termes réels. L’APD en pourcentage du revenu national brut (RNB) des donateurs est restée faible, à 0,31%;
  • L’APD totale pour le renforcement des capacités et la planification nationale s’élevait à 20,4 milliards de dollars en 2016, soit 18% de l’aide totale ventilée par secteur, proportion qui est restée stable depuis 2010.
  • La part des régions en développement dans les exportations mondiales de marchandises a diminué pendant deux années consécutives… Pour les PMA, les exportations mondiales de marchandises sont passées de 1,1% à 0,9% entre 2013 et 2016, contre une augmentation de 0,6% à 1,1% entre 2000 et 2013… »

Principaux messages issus des Revues Nationales

Dans le processus de mise en œuvre de l’Agenda 2030, la production par les pays de Rapports Nationaux Volontaires (RNV – VNR) participe de la volonté de faciliter le partage des expériences nationales, en faisant part au Forum Politique de Haut Niveau (FPHN), des réussites, des défis relevés et des leçons apprises, dans le but d’accélérer la mise en œuvre des ODD. Il est demandé à chaque pays de fournir au FPHN, en amont de celui-ci, les «principaux messages» résultant du processus national de préparation du Rapport National Volontaire.

Ce qui ressort des 47 « messages »[5], c’est que la plupart des pays ont pris des dispositions institutionnelles pour faire avancer la mise en œuvre des ODD avec par exemple la mise en place d’une Task Force ODD, ou d’un Comité national rattaché au plus haut niveau de l’État, et/ou un Comité parlementaire. Tous soulignent l’importance d’engager dans ce processus de multiples parties prenantes. Selon les pays, les « messages » sont centrés sur les 6 ODD sous examen approfondi, ou portent, de façon ouverte, sur l’ensemble des 17 ODD. Certains pays comme le Laos ont introduit dans la reddition des comptes un 18e ODD, « Des vies à l’abri des bombes non explosées » en ce qui concerne ce pays où l’on dénombre encore 80 millions de bombes non explosées. La mise en œuvre se fait principalement à l’échelle nationale et moins souvent à l’échelle sub-nationale comme le rapportent quelques pays. On trouvera dans la référence 5 ci-dessus, l’ensemble des messages dont la lecture peut être du meilleur intérêt pour les pays désireux d’améliorer leur pratique dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et la réalisation des ODD

Mettre les nouvelles technologies au service des ODD[6]

Le Dialogue thématique de l’ECOSOC de l’édition 2018 du FPHN portera sur le thème « Mettre les nouvelles technologies au service des ODD ». A la demande du Forum, le Secrétaire Général des Nations Unies a produit un rapport centré sur ce thème aux fins d’amorcer le Dialogue entre les différentes parties prenantes associées à ce Dialogue.

Le rapport ressort les grands espoirs et les grandes inquiétudes que suscitent les nouvelles technologies, l’objectif étant de « pousser les États Membres et tous les acteurs à réfléchir ensemble à la façon d’exploiter la technologie en faveur de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030». Les technologies en jeu sont notamment l’intelligence artificielle, la biotechnologie, la robotique et les technologies des énergies renouvelables.

Le rapport passe en revue les promesses que portent ces technologies pour la réalisation des objectifs communs à l’humanité, mais aussi les risques qu’elles peuvent présenter pour nos valeurs communes. Les promesses de la cybersanté ne doivent pas occulter les risques que représente l’utilisation exponentielle des données dans le domaine des soins de santé sur la protection de la vie privée. Le génie génétique si prometteur pour la mise au point de traitements innovants soulève des questions éthiques graves en ce qui concerne le vivant en général et la vie humaine en particulier. Les technologies de l’information et les réseaux sociaux qui en résultent sont des facteurs essentiels de connectivité entre humains, mais aussi à l’origine de la cyber-violence et de la cyber-insécurité. « L’intelligence artificielle et la robotique annoncent le renforcement de la croissance économique,  mais elles peuvent aussi conduire au sous‑emploi et au chômage, ce qui peut exacerber les inégalités aux niveaux national et international ».

De multiples promesses, mais autant de dilemmes dont il faut savoir se sortir. Comme le souligne le rapport, « l’humanité semble parfois être entrée dans une course contre ses machines, étant donné que les personnes capables de comprendre, sans parler de programmer, ce que ces machines font ou peuvent faire, sont de moins en moins nombreuses ». Des investissements massifs dans l’éducation et la formation, mais aussi des changements structurels profonds dans les systèmes et les méthodes d’enseignement seront nécessaires  pour préparer les jeunes à acquérir certes des savoir-faire, mais aussi des compétences d’adaptation et de résolution de problèmes, et l’esprit d’entreprise plus adaptés aux nouvelles formes de travail.

Heureusement, indique le rapport, « l’humanité n’est pas impuissantes face à l’accélération des changements technologiques ». Elle a tout ce qu’il faut pour prendre son avenir en main. Il faudra pour cela qu’elle comprenne la nécessité d’œuvrer ensemble, dans un cadre multipartite rassemblant les gouvernements, les innovateurs, les investisseurs, le secteur privé, la société civile, les scientifiques et toutes autres  parties prenantes. Il faudra aussi qu’elle accepte que les pratiques actuelles ne sont peut-être pas durables et qu’il faudra en changerL’ONU se pose en constructeur et facilitateur des dialogues nécessaires pour mettre les nouvelles technologies au service du développement durable.

Le Secrétaire Général conclut son rapport en appelant  l’ONU et ses États Membres, les chefs d’entreprise, les responsables universitaires, les dirigeants de la société civile et les organisations internationales à bien se préparer pour mettre à profit les profonds changements engendrés par les nouvelles technologies et pour s’y adapter. Pour lui, « Le monde numérique et le rythme effréné des innovations nous rappellent quotidiennement que notre mission consistant à ne laisser personne de côté est de plus en plus nécessaire et urgente ».

Conclusion

La 3e édition du FPHN se tient au siège des Nations Unies du 9 au 19 juillet 2018. Ce numéro du bulletin qui se veut préparatoire à cette édition, a donné un aperçu des sujets qui vont y être traités (cf. le calendrier des travaux), le thème du Forum, les 6 ODD sous examen approfondi, le rapport du Secrétaire Général sur la mise en œuvre des ODD présenté de façon substantielle, la thématique du Dialogue de haut niveau de l’ECOSOC centrée sur les nouvelles technologies, et les messages contenus dans les RNV. Les références données tout au long du texte permettent d’approfondir l’ensemble des questions abordées.

Bonne lecture !

[1] UN-ECOSOC, Draft Programme for the High-Level Political Forum on Sustainable Development and the High-Level Segment of ECOSO, https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/19316DRAFT_HLPF_work_programme_LATEST_18_June_2018.pdf

[2] Idem

[3] Global Shift Institute, Retour sur les Revues Nationales Volontaires 2017, mars 2018, https://www.globalshift.ca/?p=917

[4] Secrétaire Général des Nations Unies, The Sustainable Development Goals Report 2018, juin 2018, https://unstats.un.org/sdgs/report/2018/overview/

[5] Nations Unies, Main Messages from 47 VNR, juin 2018, https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/19268VOLUNTARY_NATIONAL_REVIEWS_2018.v5Unedited_Version.pdf

[6] Secrétaire Général des Nations Unies, Mettre les nouvelles Technologies au Service des Objectifs de Développement Durable, juin 2018, http://undocs.org/fr/E/2018/66

You must be logged in to post a comment.