Comme nous l’indiquions dans l’édition de juillet de votre Bulletin, la session 2018 du Forum Politique de Haut Niveau (FPHN – HLPF) s’est tenu du 9 au 18 juillet, à New York, au siège des Nations Unies.
Les chiffres clés donnés dans la figure 1 ci-dessous indiquent que la FPHN-2018[1] a réuni plus de 2200 personnes (certaines sources citent plus de 2500 – IISD[2]) dont plus de 125 personnalités, Chefs d’État, Premiers Ministres, Ministres et autres officiels de rang ministériel.
Comme prévu, 46 pays ont présenté à leurs pairs leurs Revues nationales volontaires (figure 2). Près de 61% de ces pays sont d’Europe et d’Asie Pacifique.
En marge des rencontres officielles et formelles, ce sont 260 évènements parallèles (side events) qui ont permis aux participants de divers horizons, géographiques, professionnels, organisationnels, de se rencontrer et de se parler sans le formalisme rigide des tribunes onusiennes, des nombreux problèmes à résoudre pour construire le monde sans pauvreté, ne laissant personne de côté, que prône l’Agenda 2030.
La variété des thèmes[3] couverts par ces évènements est à l’image de la diversité des organisateurs et des participants, et surtout de la panoplie des questions d’importance auxquelles le monde doit répondre pour construire le monde rêvé. Au-delà des thématiques traditionnelles, celles des ODD du reste abondamment prises en compte par ces évènements, ces tribunes se voulant reflets des préoccupations des acteurs de développement et occasions de partages d’expériences, traitaient aussi de sujets moins sexy et moins populaires comme la place des peuples indigènes, l’exclusion, les personnes handicapées, le dialogue intergénérationnel, les catastrophes naturelles, les flux migratoires… Elles ont aussi traité des sciences comportementales, du rôle des parlements, de la localisation des ODD, de la mode, du sport, de la sécurité des personnes, de l’entreprenariat, de l’intelligence artificielle, des diasporas africaines, du rôle des parlements…, trahissant la volonté des acteurs de revisiter, à l’aune des ODD, leurs pratiques dans tous leurs champs de compétences et d’intervention.
C’est dans ce cadre que le « Think Tank » Overseas Development Institute (ODI) a publié son Indice Ne laisser personne de côté[4] calculé à partir des Revues Nationales Volontaires présentées en 2017 et en 2018. Il s’agit d’un indice composite prenant en compte :
- Les DONNÉES mises à contribution pour identifier qui est laissé de côté et évaluer les progrès. Le pays dispose-t-il de telles données ? Ou a-t-il pris les moyens pour en disposer ?
- Les politiques mises en œuvre pour s’assurer que les communautés susceptibles d’être laissées pour compte reçoivent les ressources dont elles ont besoin comme, i) l’accès légal à la terre, notamment pour les femmes, ii) l’accès légal à la santé pour tous (avec la couverture sociale idoine), iii) des lois non-discriminatoires pour l’emploi, dont celles interdisant la discrimination à ce niveau, iv) la résilience au changement climatique et aux désastres naturels ;
- Le financement des services essentiels, la santé, l’éducation et la protection sociale, la mesure étant les dépenses publiques affectées à ces secteurs suivant les seuils sur lesquels les pays se sont accordés au plan mondial (20% des dépenses gouvernementales pour l’éducation, 15% pour la santé, et 2,9% du produit national brut pour la protection sociale).
Cet indice a permis de déterminer si les 86 pays qui ont soumis leurs RNV en 2017 et 2018 sont prêts au regard de cette mesure essentielle de la réussite de l’Agenda 2030 qu’est l’inclusion de tous, sans faire de laissés pour compte. Voici le résultat de cet exercice (figure 3).
Seulement 55 pays sur les 86 sont vraiment prêts à relever ce défi majeur. Voici, ci-dessous (fig.4), la situation pour chacune des composantes de l’indice en ce qui concerne les pays « pas prêts ».
ODI a par ailleurs conduit, dans le même esprit, une analyse permettant d’évaluer dans quelle mesure les bénéfices des progrès réalisés avec les ODD atterrissent chez les plus pauvres, les plus désavantagés et les plus vulnérables. Cet indice qui détermine si le pays est ou non sur la bonne voie en ce qui concerne le défi « ne laisser personne de côté » utilise les indicateurs suivants : i) le taux de mortalité des moins de 5 ans, ii) le taux d’accès à l’électricité, iii) la part de la population sous-alimentée et iv) le taux d’inclusion financière mesurant la part des plus pauvres ayant un compte dans une institution financière formelle. La dernière colonne du tableau ci-dessous donne un aperçu des progrès sur le terrain faisant ressortir les pays « en bonne voie de… », « hors champ » ou ayant réalisé des progrès partiels.
Le Forum a suivi sans dérive le programme annoncé avec notamment i) l’analyse de son thème général “La transformation vers des sociétés durables et résilientes“, ii) l’examen détaillé de la mise en œuvre des 6 ODD (6, 7, 11, 12, 15 et 17) sous la loupe, iii) la présentation des 46 Revues Nationales Volontaires, iv) les Dialogues Thématique et de Haut niveau et v) le Segment de Haut Niveau réunissant les Ministres et les Chefs des délégations nationales. Ce Segment a adopté une Déclaration Ministérielle qui a conclu les travaux. Dans cette Déclaration, selon le Bulletin des Négociations de la Terres (BNT) d’IISD[5], le Forum :
- Souligne que l’éradication de la pauvreté, y compris l’extrême pauvreté, est le plus grand défi mondial et une condition indispensable au développement durable ;
- Reconnaît que le développement durable ne peut être réalisé sans la paix et la sécurité, qui seraient menacées sans développement durable ;
- Souligne l’importance d’associer les enfants, les adolescents et les jeunes à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de l’Agenda 2030 et de faire en sorte que leur participation soit significative ;
- Réaffirme son attachement à l’égalité des sexes, à l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles et à la pleine réalisation de leurs droits fondamentaux.
Les regards sont à présent tournés vers la prochaine session du Forum qui devrait se tenir courant septembre 2019. Ce sera la 4ème session depuis l’adoption de l’Agenda 2030. Comme prévu dans les textes fondateurs du Forum, cette session se déroulera sous les hospices de l’Assemblée Générale des Nations (AGNU) et verra la participation des Chefs d’État et de gouvernement à son Segment de Haut Niveau. Elle devrait, selon BNT, examiner rétrospectivement et prospectivement la totalité des ordres du jour des cycles quadriennaux passé et à venir, sur la base du Rapport mondial sur le développement durable qui sera produit pour la circonstance. Les chefs d’État et de gouvernement analyseront les obstacles rencontrés, formuleront éventuellement des recommandations sur les questions de ressources et produiront une déclaration politique. Ce devrait être l’occasion de mieux adapter le Forum à sa tâche de suivi-évaluation de l’Agenda 2030. Il est en outre prévu que l’AGNU fasse le point de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché et propose en conséquence des adaptations en ce qui concerne le format du Forum et les aspects organisationnels.
Il s’agit, comme on le voit, d’un grand rendez-vous à ne pas manquer. Il devrait repréciser la vision et fixer les cadres de l’action collective et individuelle sans lesquels on risquerait de tourner en rond comme par le passé.
« L’action sans vision n’est que passe-temps, la vision sans action n’est que rêve éveillé, mais la vision avec l’action peut changer le monde[6] ». – Nelson Mandela
[1] Forum Politique de Haut Niveau, session 2018, https://sustainabledevelopment.un.org/hlpf/2018
[2] International Institute for Sustainable Developement (IISD), Bulletin des Négociations de la Terre, vo.33 No.45, http://enb.iisd.org/download/pdf/enb3345f.pdf
[3] Programme des Évènements parallèles (side Events), https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/20158Tentative_programme_913_July_v9.pdf
[4] Overseas Development Institute (ODI), Leave no on behind Index, 2018, https://www.odi.org/publications/11159-leave-no-one-behind-index-2018
[5] International Institute for Sustainable Developement (IISD), Bulletin des Négociations de la Terre, vo.33 No.45, http://enb.iisd.org/download/pdf/enb3345f.pdf
[6] Cité par IISD, Bulletin des Négociations de la Terre, vo.33 No.45, http://enb.iisd.org/download/pdf/enb3345f.pdf