L’efficacité énergétique au cœur de la transition vers un système énergétique durable

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L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE – IEA) vient de publier (courant 2018) un nouveau dossier sur l’efficacité énergétique intitulé « Perspectives pour la Transition Énergétique : le rôle de l’efficacité énergétique [1]». Ce numéro du bulletin vous en donne un bref aperçu.

Pour toutes les activités humaines, les activités économiques notamment, l’énergie est un besoin incontournable. Elle est en outre source de confort et de bien-être pour tous. Le dénuement énergétique est un trait caractéristique, si non une des principales causes de la pauvreté. C’est cependant l’énergie qui est la principale source des risques pesant sur l’environnement et la santé humaine. Sa production et son usage contribuent pour deux-tiers (2/3) aux émissions de gaz à effet de serre. On lui impute plus de 5 millions de décès précoces par an[2] dus pour 2,7 millions à la pollution de l’air extérieur et pour 2,5 millions à la pollution de l’air intérieur. Selon l’AIE[3], près de 16% de la population mondiale n’a pas accès à l’électricité en 2016, près de 40% ne dispose pas de moyens de cuisson propres.

Ces raisons, et d’autres dont la sécurité d’approvisionnement aux impacts géopolitiques ravageurs, militent en faveur d’une transformation profonde du système énergétique mondial actuel pour opérer une transition vers un système énergétique respectant l’équité intra- et intergénérationnelle, et compatible avec le bien-être humain et l’équilibre écologique à long terme, et donc DURABLE.

La transition énergétique est aujourd’hui largement documentée. Tout un numéro de Liaison Énergie Francophonie (LEF)[4] lui a été consacré en 2013. Les articles publiés par Sibi Bonfils[5] et Alexandre Rojey[6] dans ce numéro de LEF tirent les leçons des transitions passées et donnent quelques clés pour réussir la présente. Le graphique suivant proposant les axes majeurs de déploiement de la transition énergétique[7] est inspiré des travaux d’Alexandre Rojey.

Ce qui ressort de l’analyse de ces axes, c’est la place prépondérante que tient l’efficacité énergétique aux différents niveaux.

Plusieurs travaux d’envergure dont le Global Energy Assessment de l’IIASA[8] confirment cette prépondérance. L’une des principales conclusions et recommandations de cette étude est la suivante : « Le système énergétique actuel peut être transformé pour répondre aux besoins d’un futur durable. Une telle transformation requiert des actions immédiates. L’efficacité énergétique est l’option à prendre immédiatement. »

C’est dans ce contexte historique, nourri notamment par l’adoption en 2015 de l’Agenda 2030 pour le Développement durable et de l’Accord de Paris sur le climat, qu’il convient de situer l’étude « Perspectives pour la Transition Énergétique : le Rôle de l’Efficacité Énergétique » de l’AIE (AIE, 2018).  L’AIE a conduit cette étude à la demande du Gouvernement Allemand. Elle vient en suivi de deux autres études réalisées en 2017 dans le cadre du processus préparatoire du G20 sous présidence allemande. Ces études traitaient respectivement de « Perspectives pour la Transition Énergétique : Besoins en Investissement pour un système énergétique à faible émission de CO» (IEA/IRENA, 2017)[9] et « Investir dans le Climat, Investir dans la Croissance» (OCDE, 2017)[10] .

L’étude Perspectives pour la Transition Énergétique : le Rôle de l’Efficacité Énergétique (AIE, 2018) fait, elle, le point sur les progrès accomplis dans la construction d’un secteur énergétique sobre en carbone et pousse plus loin l’analyse du rôle que peut jouer l’efficacité énergétique dans les usages finaux de l’énergie pour réussir la décarbonisation profonde de l’économie tant recherchée. Elle est ainsi centrée sur le rôle de l’efficacité énergétique en tant que facteur déterminant de la transition énergétique dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’industrie.

L’étude s’appuie, pour cette analyse poussée, sur trois scénarios développés par ailleurs par l’AIE pour ses prospectives énergétiques : i) le Scénario Nouvelles Politiques, basé sur les annonces faites par les pays en amont de l’Accord de Paris dans leurs Contributions Prévues Déterminées au Niveau National (CPDN – INDC), ii) le Scénario Développement Durable combinant, tout en les adaptant, l’Initiative Énergie Durable pour Tous (SE4ALL) et deux scénarios antérieurs(450 PPM et Clean Air) de l’AIE, et iii) le Scénario 66% 2°C, prenant en compte les engagements contenus dans l’Accord de Paris et visant l’accélération de la décarbonisation pour garder l’élévation de la température moyenne du globe en dessous de 2°C.

Voici un aperçu des résultats de l’étude et des quelques messages clés dédiés aux différents porteurs d’enjeux.

« Alors que la dotation en ressources fossiles et en énergies renouvelables diffère d’un pays à l’autre, il est une ressource énergétique à laquelle tous les pays ont accès, une ressource qui a tout ce qu’il faut pour construire un système énergétique durable et sécure : l’Efficacité Énergétique ». C’est ainsi que Fatih Birol, Directeur Exécutif de l’AIE, définit l’efficacité énergétique dans son introduction à l’étude.

L’Étude rappelle les multiples bénéfices de l’efficacité énergétique qui rendent l’investissement dans ce domaine attractif pour un large éventail de parties prenantes. Elle montre aussi l’intérêt économique patent de l’efficacité énergétique.

Elle donne par ailleurs une vue d’ensemble des investissements réalisés en 2016 dans le secteur de l’énergie. L’efficacité énergétique bénéficie de 14% des investissements totaux de 1,7G$. Ce qui montre toute la marge dont on dispose encore pour accroître sa part dans les investissements concernant le secteur de l’énergie.

Voici quelques messages clés tirés de l’étude à l’usage de différents porteurs d’enjeux aux différents niveaux de décision, mondial, régional ou national.

L’efficacité énergétique a un énorme potentiel qui reste encore inexploité. On sait en particulier que 68% des usages finaux de l’énergie dans le monde ne sont pas encore couverts par les standards et codes d’efficacité énergétique. L’exploitation de ce potentiel requerrait des déplacements substantiels des investissements dans le secteur de l’énergie, de l’approvisionnement vers la demande.

L’intérêt économique de l’efficacité énergétique est sans conteste pour tous les usages finaux de l’énergie. Dans le secteur des bâtiments par exemple, les efforts additionnels en efficacité énergétique suggérés dans le scénario 66% 2°C absorberaient tout l’accroissements de la demande de services énergétique d’ici 2050.

Il faudra des politiques robustes et déterminées pour libérer tout le potentiel de l’efficacité énergétique. Il faudra surtout un engagement gouvernemental de long terme clair, associant des ensembles de politiques judicieuses d’efficacité énergétique et de capacité adéquate de mise en œuvre.

Ces politiques sont connues. Le graphique ci-dessous, tiré l’étude, en donne un bel aperçu.

C’est en mettant en œuvre ces politiques avec détermination qu’on peut faire jouer à l’efficacité énergétique son rôle de première ressource énergétique susceptible de rendre la transition énergétique plus abordable, plus rapide et plus bénéfique pour tous les secteurs d’activité.

Pour l’AIE, toute stratégie de transition vers un système énergétique durable doit tirer avantage de l’efficacité énergétique. L’Agence conclut l’étude en indiquant qu’elle est disposée à poursuivre sa politique d’aide aux gouvernements pour l’exploitation de ses multiples avantages grâce à des analyses prospectives détaillées, le partage des meilleures pratiques et des activités de formation.

[1] AIE, Perspective for the Energy Transition: The Role of Energy Efficiency, 2018, https://webstore.iea.org/perspectives-for-the-energy-transition-investment-needs-for-a-low-carbon-energy-system

[2] IIASA, Global Energy Assessment, Toward a Sustainable Future, GEA 2012, Cambridge University Press, http://www.iiasa.ac.at/web/home/research/Flagship-Projects/Global-Energy-Assessment/Home-GEA.en.html

[3] AIE, Energy Acces Outlook 2017, From Poverty to Prosperity, 2017, https://webstore.iea.org/download/summary/274?fileName=English-Energy-Access-Outlook-2017-ES.pdf

[4] IFDD, La transition énergétique ou les énergies que nous aurons, Liaison Énergie Francophonie N°93, 1er trimestre 2013, http://www.ifdd.francophonie.org/media/docs/publications/542_LEF93_web.pdf

[5] Sibi Bonfils, La transition au crible de l’Histoire, LEF N°93, 2013, page 18, http://www.ifdd.francophonie.org/media/docs/publications/542_LEF93_web.pdf

[6] Alexandre Rojey, Réussir la transition énergétique : défis, contraintes et solutions à mettre en œuvre, LEF N°93, 2013, page 25, http://www.ifdd.francophonie.org/media/docs/publications/542_LEF93_web.pdf

[7] Sibi Bonfils, Réinventer notre avenir énergétique, Liaison Énergie Francophonie N°80 p12, 2008, http://www.ifdd.francophonie.org/media/docs/publications/291_LEF80_web.pdf

[8] IIASA, Global Energy Assessment, Towards a sustainable Future, 2012

[9] AIE/IRENA, Perspectives for the Energy Transition: Investment Needs for a Low-Carbon Energy System,2017, https://www.energiewende2017.com/wp-content/uploads/2017/03/Perspectives-for-the-Energy-Transition_WEB.pdf

[10] OECDE, Investing in Climate, Investing in Growth, OECD, 2017, https://read.oecd-ilibrary.org/economics/investing-in-climate-investing-in-growth_9789264273528-en#page2

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