L’Hydrogène au cœur de la grande transition
Bulletin GSI
Août 2019
- L’hydrogène, un regain d’intérêt
La transition énergétique est au cœur des grands défis de ce siècle. Le Conseil Mondial de l’Énergie (CME), le club des géants de l’énergie, l’appelle, à juste raison, la Grande Transition dans une de ses récentes publications où il donne la parole aux futurs leaders du secteur.
La publication est centrée sur l’hydrogène auquel elle se réfère comme le catalyseur (enabler) de la Grande Transition.
L’hydrogène connaît, ces dernières années, un regain d’intérêt que sont venues confortées différentes publications de renom.
Il y a bien entendu celle du CME, Hydrogen an enabler of the Grand Transition, Futur Energy Leaders position papers 2018[1], dans laquelle ces leaders évaluent dans quelle mesure l’hydrogène peut contribuer à la réussite de cette transition.
Il y a ensuite l’important travail réalisé en 2019 par l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) à la demande du Japon, pour le G20 dont ce pays assurait la présidence. Ce travail a été publié en juin 2019 sous le titre The Future of Hydrogen, Seizing Today’s Opportunities[2]. Le premier message de cette étude, sans doute le plus important, est que « Le moment est venu d’exploiter le potentiel de l’hydrogène pour qu’il joue un rôle clé dans un avenir énergétique propre, sûr et abordable ».
On doit aussi à l’AIE, Global Trends and Outlook for Hydrogen[3], paru en décembre 2017. Un document plutôt pédagogique dans lequel l’Agence répond à différentes questions qu’on peut se poser sur l’hydrogène quant à sa place dans la transition. Pourquoi l’hydrogène dans la solution aux impacts des systèmes énergétiques sur l’environnement? Quels sont ses usages actuels, ses sources et les méthodes de production? Quel est l’état des techniques de conversion, électrolyseur et pile à combustible? Quels usages et dans quels secteurs, et quel est l’état des technologies et des applications à ces différents niveaux (transport, électricité et chaleur, industries…)? Quelles infrastructures pour sa distribution? Qui fait quoi et qui sont les leaders aujourd’hui? En quels termes se posent les questions de sécurité?
Voici en quel termes l’AIE introduit ce travail : « L’hydrogène offre une solution élégante à la grave crise environnementale èa laquelle nous sommes confrontés. Le vecteur énergétique hautement flexible qu’il est, peut offrir une approche système holistique, propre, intégrée et multisectorielle, qui contribuera de façon décisive à la résolution de cette crise et à la préservation de l’avenir énergétique de la planète ».
- Un avis porteur d’avenir
La publication en 2018 de l’Avis et de la Fiche technique de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), L’hydrogène dans la transition énergétique[4], est, pour les professionnels de l’énergie, un des signaux forts marquant la sortie de l’hydrogène des laboratoires d’idées pour entrer dans le monde respectable des professionnels de l’énergie et dans la catégorie des solutions incontournables pour réussir la Grande Transition énergétique et écologique. Rappelant avec force que « la transition énergétique repose avant tout sur des actions en faveur de la maîtrise des consommations d’énergie et de gains en efficacité énergétique dans tous les secteurs », l‘ADEME présente quatre contributions majeures du vecteur hydrogène à cette transition :
- Dans le cadre d’un mix électrique futur associant fortement les sources renouvelables, l’hydrogène apporte des solutions de flexibilité et d’optimisation aux réseaux énergétiques.
L’hydrogène étant stockable, il peut contribuer à pallier la variabilité temporelle des renouvelables (solaire, éolien, hydraulique) et des usages énergétiques, à des échelles de durée permettant l’équilibrage intersaisonnier des réseaux électriques. Par ailleurs, en l’injectant directement dans les réseaux de gaz, on réduit progressivement le contenu en carbone de ces réseaux et des usages associés.
- L’hydrogène donne de nouvelles opportunités pour l’autoconsommation d’énergies locales, à l’échelle d’un bâtiment, d’un îlot, d’un village, tout particulièrement pour les zones non interconnectées au réseau électrique.
Le stockage est une nécessité pour la valorisation des ressources énergétiques locales, renouvelables notamment, en ce qui concerne les sites non connectés aux réseaux nationaux. Là où les batteries n’apportent que des solutions de court terme (heures), les durées permises par l’hydrogène se chiffrent en jours, semaines et mois. Une chaîne locale de production d’hydrogène à partir des surplus des ENR, de stockage et de réinjection dans le réseau électrique local après conversion, constitue ainsi une solution élégante pour renforcer l’autonomie des systèmes à énergie répartie et assurer l’accès de tous à une énergie durable (SE4ALL). La pertinence économique tient en partie de ce dernier impératif.
- L’hydrogène embarqué apporte des solutions nouvelles pour l’électromobilité, notamment pour des véhicules lourds, ou pour garantir autonomie et disponibilité aux véhicules utilitaires légers.
Sous forme comprimée, l’hydrogène embarqué constitue une importante réserve d’énergie pour les véhicules à traction ou à propulsion électrique dont il permet ainsi d’accroître la puissance (utilisation de véhicules lourds) et surtout l’autonomie énergétique. L’hydrogène est converti en électricité et en chaleur via une pile à combustible. L’électricité alimente le moteur électrique et la chaleur l’habitacle pour le chauffage ou la climatisation. Les choix qui s’opèrent aujourd’hui privilégient une association batterie – pile à combustible
- L’hydrogène renouvelable produit à partir des nouvelles technologies peut permettre de réduire les impacts liés à l’emploi actuel d’hydrogène d’origine fossile dans l’industrie.
L’hydrogène est abondamment utilisé aujourd’hui dans l’industrie comme intrant chimique ou matière dans le raffinage du pétrole, la sidérurgie et la production d’engrais chimiques. Seulement 2% de cet hydrogène provient de l’électrolyse de l’eau et donc de source propre (?). Le reste, soit 98%, provient de procédés utilisant le gaz naturel et le charbon minéral, générant autant de CO2 que l’Indonésie et le Royaume Uni réunis[5]. La réduction des émissions à ce niveau passe bien sûr par l’amélioration de l’efficacité des procédés, mais surtout par un recours progressif à ceux reposant sur les renouvelables, l’électrolyse notamment, ou sur le captage et le stockage du CO2.
- Conclusion
Comme l’indique l’AIE dans l’étude commandée par le Japon pour le G20 de 2019, « l’hydrogène est déjà avec nous à l’échelle industrielle partout dans le monde… » avec des normes de production, d’exploitation et de diffusion qu’il s’agit d’adapter aux défis de la lutte contre le changement climatique et aux enjeux du développement durable pour en généraliser l’utilisation. Pour ce faire, l’AIE a identifié 4 opportunités de court terme qu’elle recommande de saisir pour porter l’utilisation de l’hydrogène aux échelles qui garantissent la réduction des coûts et des risques pour les gouvernements et les investisseurs privés.
- Faire des ports industriels les centres névralgiques pour l’intensification de l’utilisation de l’hydrogène propre. C’est là en effet que se trouvent les grandes installations produisant et utilisant l’hydrogène qu’il suffirait de basculer sur l’hydrogène propre en termes de production et de consommation;
- Tirer avantage des infrastructures existantes, notamment les millions de kilomètres de gazoducs sillonnant déjà les territoires. Le remplacement de 5% du volume de gaz naturel par de l’hydrogène propre dans ces réseaux stimulerait notablement la demande de cet hydrogène et en réduirait les coûts;
- Développer l’utilisation de l’hydrogène dans les transports en l’introduisant notamment dans les flottes de taxis, d’autobus et de camions de marchandises sur les circuits courants. C’est le meilleur gage pour rendre les piles à combustible compétitifs;
- Lancer les premières routes maritimes internationales du commerce de l’hydrogène en tirant avantage de l’expérience acquise sur le marché mondial du Gaz Naturel Liquéfié (GNL). C’est de la sorte que l’hydrogène peut avoir un impact significatif sur le système énergétique mondial.
L’AIE en appelle à la coopération internationale « pour accélérer la croissance de l’hydrogène polyvalent et propre ». Elle se propose « en tant qu’organisation mondiale de l’énergie qui couvre tous les carburants et toutes les technologies, de fournir des analyses et des conseils stratégiques rigoureux pour soutenir la coopération internationale » dans la quête d’une transition énergétique et écologique réussie grâce à l’hydrogène propre.
[1] Conseil Mondial de l’Énergie (CME – WEC), Hydrogen an enabler of the Grand Transition, Futur Energy Leaders position papers 2018, https://www.worldenergy.org/assets/downloads/1Hydrogen-an-enabler-of-the-Grand-Transition_FEL_WEC_2018_Final.pdf
[2] Agence Internationale de l’Énergie (AIE – IEA), The Future of Hydrogen, Seizing Today’s Opportunities, Juin 2019, https://webstore.iea.org/download/direct/2803?fileName=The_Future_of_Hydrogen.pdf
[3] AIE, Global Trends and Outlook for Hydrogen, Décembre 2019, http://ieahydrogen.org/pdfs/Global-Outlook-and-Trends-for-Hydrogen_Dec2017_WEB.aspx
[4] Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), L’hydrogène dans la transition énergétique, Mars 2018, https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/fiche-technique_hydrogene_dans_la_te_avril2018_2.pdf
[5] AIE, The Future of Hydrogen, Seizing today’s Opportunities, Juin 2019, https://webstore.iea.org/download/direct/2803?fileName=The_Future_of_Hydrogen.pdf