L’AEI, le volet africain de l’Interconnexion Énergétique Mondiale

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L’AEI, le volet africain de l’Interconnexion Énergétique Mondiale

Bulletin de Mars 2020

Auteur: Sibi Bonfils, CEO. Contactez l’auteur :

Ce numéro du bulletin revient sur l’Initiative Interconnexion Énergétique Mondiale (Global Energy Interconnexion - GEI) présentée dans ces colonnes le mois dernier[1]. Il s’intéresse au volet de cette initiative concernant l’Afrique, l’Interconnexion Énergétique Africaine (Africa Energy Interconnexion – AEI) qui est l’une des 5 composantes régionales du réseau électrique planétaire constituant la GEI.

Il donne, à partir des documents produits par la GEIDCO[2][3][4], l’Agence de mise en œuvre de la GEI, un aperçu des principales caractéristiques de l’AEI, s’agissant notamment de la demande et des ressources énergétiques du continent, des grands ouvrages de production et de transport du réseau d’interconnexion et des bénéfices escomptés

  1. Un demande en forte croissance

Sur la période visée pour la mise en place de l’AEI, la demande en énergie primaire du Continent doublerait, passant de 1150 Mtep en 2016 à 2550 Mtep en 2050. En ce qui concerne l’électricité, la demande serait multipliée par un facteur 6 atteignant 4000 TWh pour une pointe de consommation de 710 GW contre 130 en 2016. La consommation per capita triplerait, approchant 1600 kWh/an (fig.1).

 

L’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Australe apparaissent être les principaux pôles de consommation en 2050.

 

Dans l’esprit du « deux remplacements, une restauration et un accroissement » de l’initiative GEI[5], l’Interconnexion Énergétique Africaine (AEI) ferait principalement appel aux énergies propres. L’évolution projetée des coûts de production de l’électricité à partir des renouvelables (fig.2) conforte de tels choix.

Le mix électrique devrait évoluer comme ci-dessous (fig.3). L’hydroélectricité, le solaire et l’éolien représenteraient 80% de la consommation en 2050.

  1. D’abondantes ressources en énergie propre sous-exploitées

Les ressources d’énergie propre du continent seraient à la hauteur de cette ambition avec la mise en valeur du potentiel hydroélectrique de ses quatre grands fleuves (Niger, Nil, Congo, Zambèze), de 21 sites solaires et de 12 sites éoliens (fig.4) dont la puissance techniquement exploitable se chiffrerait à 3 300 GW.

En ce qui concerne l’hydroélectricité, la puissance installée planifiée pour 2050 serait de 200 GW sur un potentiel techniquement exploitable de 330 GW dont seulement une part de 10% est aujourd’hui équipée (fig.5)

Le potentiel techniquement exploitable du solaire atteindrait 665 PWh/an, soit 665 000TWh/an, les principaux sites se situant dans le désert du Sahara et en Afrique Australe, dans le désert Kalahari notamment (fig.6). La puissance installée planifiée pour 2050 se chiffrerait à 220 GW.

En ce qui concerne l’éolien, le potentiel techniquement exploitable serait de 67 PWh/an, soit 67 000TWh/an. Les principaux sites se trouvent au nord, à l’est et au sud du Continent (fig.7). D’ici 2050, 50 GW de puissance seraient installés.

  1. Un vaste réseau interconnecté régional et continental

Les grands axes de déploiement des interconnexions conçues pour tirer avantage de tous ces sites de production d’énergie propre et alimenter les régions où la demande est la plus forte seraient les suivants (fig.8)  :

 

Le schéma détaillé ci-dessous (fig.9) distingue trois réseaux régionaux synchrones qui seraient reliés en 2050 par des lignes à courant continu de 800 kV et 1 000 kV. Il s’agit des réseaux synchrones d’Afrique du Nord tirant avantage de l’immense potentiel solaire du Sahara et des ressources éoliennes régionales, d’Afrique Centrale et de l’Ouest organisés autour des potentiels hydroélectriques des bassins du Congo et du Niger, d’Afrique australe et de l’Est exploitant les ressources hydroélectriques du Nil et du Zambèze ainsi que l’important potentiel solaire de la zone.

Les trois figures suivantes (10, 11 et 12) donnent une bonne idée des investissements envisagés d’ici 2050 pour établir l’Interconnexion énergétique africaine (AEI) constituée de plusieurs lignes d’interconnexion intra- et inter-régionales ainsi que de lignes intercontinentales, déployées sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètre pour un investissement total de USD 2 trillions. On distingue ainsi :

  • Douze (12) lignes interrégionales à courant continu (600 à 1 100 kV) avec une capacité de transit de 85 GW se déployant sur plus de 33 000 km
  • Cinq (5) grands corridors de transit de grande puissance à 1 000 et 765 kV en courant alternatif construits d’ici 2050 sur un total de 25 000 km : un transversal reliant les grands pôles de production solaire de l’Afrique du Nord et 4 longitudinaux dont celui qui relie le bassin du Congo à l’Afrique de l’Ouest
  • Huit (8) lignes d’interconnexions à courant continu (500 à 800 kV) reliant l’Afrique à l’Europe et au Moyen-Orient avec une capacité de transit de 54 GW, dont 43 en direction de l’Europe.

C’est donc un total d’environ 71 000 km de lignes à Ultra et Très Haute Tension en conrant continu et alternatif qui devraient avoir été construites d’ici 2050 pour installer l’Interconnexion Électrique Africaine (AEI).

L’investissement total se monterait à US$ 3,2 trillions, dont USD 1,2 trillion pour la production et USD 2 trillions pour les réseaux de transport et les postes de conversion et de transformation (fig.13)

  1. L’AEI comme pierre d’angle d’un projet de co-développement continental

L’AEI participe de fait d’un vaste projet dont l’ambition est de « transformer l’avantage en ressources du Continent en avantage économique ». Ce projet cherche à mettre en synergie le déploiement de l’AEI et la mise en valeur des abondantes réserves minérales dont le continent est doté (fig.14)[6] pour lui permettre d’apporter une réponse efficace aux défis de l’accès aux services essentiels, de la protection de la planète, de la prospérité, de la paix et de la justice, avec le souci de ne laisser personne de côté.

Le projet dit de co-développement se présente (fig.15) comme une « chaîne industrielle englobant et coordonnant le développement concomitant de l’électricité, des mines, de la métallurgie, de l’industrie et du commerce », visant à construire, pour le continent, un cercle vertueux mettant en synergie « investissement-développement-production-exportation-réinvestissement ».

  1. Les co-bénéfices

Les investissements à consentir pour mettre en place un tel modèle de développement sont considérables. Il faudrait ainsi USD 3,2 trillions rien que pour l’énergie. Mais on doit garder présent à l’esprit qu’il s’agit d’un projet pour les trente (30) prochaines années et pour l’ensemble les 54 pays du Continent. Le trésor de patience et de diplomatie qu’il faudra déployer pour créer la nécessaire convergence entre tous ces pays sera certainement plus important que le capital financier nécessaire. Mais le jeu en vaudrait vraiment la chandelle comme le suggèrent les nombreux co-bénéfices qu’induirait la réalisation d’un tel projet. Ils sont économiques, sociaux, environnementaux et mêmes politiques (fig.16).

  1. Conclusion

L’Interconnexion Énergétique Africaine (AEI) est l’une des 5 composantes régionales d’une vaste Initiative, l’Initiative Interconnexion Énergétique Mondiale (GEI), proposée au monde pour relever les défis de l’Agenda 2030 pour le développement durable dont ceux de carboneutralité, de l’accès Universel aux services énergétiques modernes et de prospérité visant un monde sans laissé-pour-compte.

L’AEI est un projet concret de mise en valeur et de partage intra et intercontinental des immenses ressources en énergie propre de l’Afrique, qu’il s’agisse de l’hydroélectricité, du solaire, de l’éolien ou de la géothermie.

Le modèle de co-développement des abondantes ressources minérales du Continent qui est associé à l’AEI, la place dans la dynamique transformatrice dont l’Afrique a besoin pour relever sa part des défis de l’Agenda 2030 et surtout pour inscrire, de façon résolue, son développement dans la perspective tracée par son Agenda 2063[7], celle d’« une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée et gérée par ses propres citoyens, et représentant une force dynamique sur la scène internationale°».

De l’énergie propre en abondance pouvant être partagée avec les autres continents, un projet mobilisateur permettant de transformer l’avantage en ressources du continent en avantages économiques, s’inscrivent pleinement dans cette dernière perspective.

Ne serait-ce que de ce point de vue, l’AEI mérite notre attention.

 

Source: GEIDCO

[1] Global Shift Institute, La GEI, une initiative radicale pour la transition énergétique, https://www.globalshift.ca/?p=1260, Février 2020

[2] GEIDCO, Developing Africa Energy Interconnexion to promote the Co-development of Electricity, Mining, Metallurgy, Manufacturing an Trade, Novembre 2019

[3] GEIDCO, Nouveau Modèle de Co-développement d’« Électricité-Mine-Métallurgie-Fabrication-Commerce » en Afrique, Novembre 2019

[4] GEIDCO, Étude sur l’interconnexion Énergétique en Afrique, Novembre 2019

[5] GSI, La GEI, une initiative radicale pour la transition énergétique, https://www.globalshift.ca/?p=1260, Février 2020

[6] Le graphique sur la part de l’Afrique dans la production mondiale de minéraux est tiré de Africa Energy Outlook de l’AIE, https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2019

[7] Union Africaine, Agenda 2063 : l’Afrique que nous voulons, 2013, https://au.int/fr/agenda2063/vue-ensemble; https://www.un.org/fr/africa/osaa/pdf/au/agenda2063-frameworkf.pdf

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