La GEI, une initiative radicale pour la transition énergétique
- Introduction
Plusieurs numéros de ce bulletin[1] ont traité de la transition énergétique sous différents aspects, ses raisons d’être, sa nature, les moyens pour la réussir, différentes solutions envisagées pour qu’elle relève les multiples défis sociétaux pendants, et qu’elle soit notamment aux rendez-vous de l’accès universel aux services énergétiques modernes et de réduction des émissions de gaz à effet de serre à des niveaux compatibles avec une élévation de la température mondiale bien en deçà de 2°C, tout en visant à la limiter à 1,5°C.
On se rappelle sûrement le numéro de novembre 2017[2] présentant le travail méticuleux réalisé par 27 universitaires nord-américains et européens pour relever les défis posés par l’Accord de Paris et l’Agenda 2030. Sous le titre « Une feuille de route pour décarboniser l’énergie dans 139 pays », ce numéro présentait l’approche de ces universitaires utilisant d’une part, l’électrification de tous les processus nationaux de consommation d’énergie, et d’autre part, le triplet Éolien-Solaire-Hydroélectricité (ESH) pour répondre en 2050 à l’ensemble des besoins en énergie des 139 pays étudiés, sans faire appel aux combustibles fossiles, permettant ainsi de réaliser les ambitions de la carboneutralité et de l’accès, tout en s’inscrivant dans la perspective de l’Agenda 2030.
- L’Initiative GEI
L’Initiative Interconnexion Énergétique Mondiale (Global Energy Interconnexion – GEI) que nous présentons ici est de la même veine. Son envergure est inusitée mais cependant à la hauteur des défis et des infrastructures auxquelles elle cherche à se substituer. Les défis concernent rien de moins qu’une profonde transformation du système énergétique mondial visant le remplacement rapide, en dedans de trois décennies (!), des combstibles fossiles par des sources d’énergie propre pour réaliser l’ambition de carboneutralité en même temps que celle d’accès, ambition portée par l’Accord de Paris et l’Agenda 2030. Les infractrutures visées sont celles d’une industrie qui fournit encore plus de 80% de la consommation mondiale d’énergie avec ses millions de km de gazoducs et d’oléoducs, ses milliers de raffineries et de plateformes on- et offshore, ses pétroliers géants et autres méthaniers qui sillonnent les océans, ses installations portuaires spécialisées (GSI, novembre 2017) sans compter les gigantesques mines à ciel ouvert du « king coal »
L’Initiative GEI a été lancée le 26 septembre 2015, par Mr. Xi Jimping, le Président de la Chine, lors du Sommet des Nations Unies sur le Développement durable qui adopta l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs globaux (ODD). Avec la GEI, M. Xi proposait à ses pairs, de « répondre à la demande mondiale de l’énergie par des alternatives propres et vertes ». Il s’agit, précisera-t-il plus tard, de « saisir les opportunités qu’offre la nouvelle vague de changements dans le mix énergétique et la révolution des technologies énergétiques pour construire l’Interconnexion énergétique mondiale et réaliser un développement vert et sobre en carbone [3]».
- Le monde du développement est pour
L’initiative GEI, aujourd’hui dotée d’une puissante agence de mise en œuvre, l’Organisation de développement et de Coopération pour l’Interconnexion Énergétique Mondiale (Glabal Energy Interconnection Developement and Cooperation Organisation – GEIDCO[4]), a été généralement bien accueillie autant dans le monde des affaires qu’auprès des agences de coopération mondiale.
Voici ce qu’en dit M. Antonio Guterres, le Secrétaire Général des Nations Unies. « L’initiative GEI fournit une clé pour des solutions qui peuvent utiliser efficacement des ressources énergétiques riches et renouvelables telles que l’énergie éolienne, solaire et hydraulique, pour fournir des services énergétiques modernes à tous, même les plus éloignés » (Guterres, 2018). On trouvera à cette adresse[5] les points de vue sur la GEI d’éminentes personnalités comme la Secrétaire Exécutive de la Convention Climat, la Première Ministre de Norvège, le Directeur exécutif de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), le président du Groupe de la Banque Mondiale, le Secrétaire Général de la Ligue Arabe, le Vice-Président de la Commission de l’Union Africaine, pour en citer quelques-unes.
Pour Jeffrey Sachs, la « GEI est de loin la meilleure solution au changement climatique et la seule solution concrète à l’échelle mondiale [6]». Mr, Sachs est Professeur à l’Université Columbia (USA). Mais il est surtout connu pour le rôle joué, comme Conseiller de trois Secrétaires Généraux des Nations Unies depuis Koffi Annan, dans la formation des idées et la conception des OMD et des ODD. Il est actuellement conseiller de M. Guterres pour les ODD et Chef du Réseau des Nations pour le Développement Durable.
- Mais de quoi parle-t-on?
Voici comment les concepteurs de la GEI la présentent. Un système énergétique moderne, dominé par les énergies propres, centré électricité et mondialement interconnecté, construit conjointement et mutuellement bénéfique pour tous. Il s’agit d’une plateforme de grande envergure conçue pour développer à grande échelle les ressources énergétiques propres, les transporter et les consommer dans le monde entier. La GEI, c’est en substance « Réseau Électrique Intelligent + Réseau à Ultra Haute Tension (UHT) + Énergie Propre[7] »
L’ossature du système est un réseau électrique planétaire reliant tous les continents, et tous les pays dans tous les continents, s’appuyant sur la production centralisée et l’énergie répartie et mettant à contribution le processus EITI (Intégration de l’Énergie, de l’Information et du Transport) pour réaliser à l’optimum ses différents objectifs
Les réseaux électriques intelligents ou Smart Grids constituent la base de ce système. Un réseau électrique UHT, à 1 000kv et plus en courant alternatif (CA), ou à ± 800kV, ±1 100kV et plus en courant continu (CC), en est la clé de voûte. L’énergie propre tirée de l’hydraulique, de l’éolien, du solaire, de l’océan, du nucléaire (?) et de la biomasse) constitue la priorité.
Le processus EITI qui est l’un des moyens d’action de la GEI se décrit comme suit
Au niveau du cheminement retenu, la GEI est appelé à réaliser deux remplacements, une restauration et un accroissement comme énoncé par les concepteurs.
Le schéma ci-dessous résume la vision d’ensemble et la stratégie de développement de la GEI.
La feuille de route pour la réalisation de la GEI comprend trois principales étapes : La réalisation des interconnexions nationales avec comme base le développement des ressources d’énergie propre locales; la construction des interconnexions intracontinentales puis en 3e lieu des interconnexions intercontinentales permettant ainsi de tirer avantage des complémentarités géographiques, horaires et saisonnières entre les différentes sources mondiales d’énergie propre.
Le résultat, en 2070, serait un réseau électrique de 180 000km, soit 4,5 fois la circonférence de la terre, rejoignant 80% de la population mondiale et 90% des économies dans plus de 100 pays, avec :
- Ses 9 canaux horizontaux : Arctique, Asie-Europe du Nord, Asie-Europe du Sud, Asie-Afrique du Nord, Asie-Afrique du Sud, Amérique du Nord-Nord, Amérique du Nord -Sud, Amérique du Sud-Sud
- et ses 9 canaux verticaux : Europe-Afrique de l’Ouest, Europe-Afrique Centrale, Europe-Afrique de l’Est, Asie de l’Ouest, Asie Centrale, Asie de l’Est, Amérique de l’Ouest, Amérique centrale, Amérique de l’Est.
- GEIDCO, l’Agence de mise en œuvre de la GEI
Comme indiqué au paragraphe 3, l’Initiative Interconnexion Énergétique Mondiale (GEI) a été dotée dès sa création d’une puissante Agence de mise en œuvre. L’Organisation de Développement et de Coopération pour l’Interconnexion Énergétique Mondiale (Global Energy Interconnection Development and Cooperation Organisation – GEIDCO) a été créée en mars 2016, soit 6 mois après le lancement de l’Initiative GEI.
GEIDCO a été créée dans le but de promouvoir la mise en place d’un système mondial d’interconnexion énergétique avec des responsabilités précises :
- Élaborer les plans de développement et promouvoir la création de normes techniques pour cette interconnexion;
- Construire un cadre de coopération et de collaboration mondiale visant à i) favoriser la recherche et l’innovation dans ce domaine, ii) réaliser les études clés et la mise en œuvre des projets d’ingénierie et ii) fournir les services conseil nécessaires;
- Assurer un leadership actif dans le déploiement de la GEI
La GEIDCO, c’est aujourd’hui, 4 ans après sa création, une puissante organisation internationale à but non lucratif revendiquant plus de 600 membres d’une centaine de pays et de régions du monde. Elle compte 7 bureaux régionaux, au Chili pour l’Amérique du Sud, aux États-Unis pour l’Amérique du Nord, en Belgique pour l’Europe, en Russie pour l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale, en Égypte pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, en Éthiopie pour le reste de l’Afrique et en Thaïlande pour l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Sud, sans compter les 36 représentations à travers le monde.
Outre les départements traditionnels de gestion d’une organisation de son envergure, GEIDCO est dotée d’un Institut de Recherche en Science économique et en Technologie et d’un Centre d’Information et de Multimédia. La mise en place en 2017 d’un Conseil Consultatif et d’un Comité Technique composés d’experts de différents horizons, géographiques, institutionnels et disciplinaires, fait aujourd’hui de GEIDCO un Think Tank de premier plan. Issus de départements gouvernementaux, d’organisations internationales, d’universités, d’établissements de recherche et d’entreprises de plus de 10 pays, dont la Chine, les États-Unis, l’Allemagne et la Russie, les membres du Conseil et du Comité sont des universitaires de renommée mondiale dans des domaines tels que l’énergie, l’environnement, le changement climatique, la finance, l’information, le transport et les médias publics.
Les résultats sont déjà là. Plus de 100 projets de recherche ont été achevés et les résultats publiés.
Une multitude d’accords multilatéraux signés dont trente à fin 2018. À cette date, une quarantaine d’évènements de portée mondiale ont été consacrés à la GEI. L’Initiative dispose d’une revue scientifique, Global Energy Interconnection, qui paraît tous les deux mois depuis 2017. Le Journal des membres de GEIDCO, Member Journal of GEIDCO, est publié par ailleurs, avec la même périodicité.
- Conclusion
Comme le montrent ces résultats et d’autres disponibles sur le site de GEIDCO[8], la création de cette agence de mise en œuvre de l’Initiative GEI a permis de passer rapidement du concept à un projet concret, bien à la hauteur des enjeux et des défis de ce siècle. La mise en synergie des ressources et des savoir-faire de l’ensemble de la communauté internationale est au cœur de la dynamique proposée pour conduire ce projet à bon port. Dans un monde qui se connecte à une vitesse et une efficacité redoutables, le « travail ensemble » est en effet la clé pour mieux faire face à la complexité des enjeux et des défis auxquels ce monde se trouve aujourd’hui confronté. L’Initiative Interconnexion Énergétique Mondiale (GEI) participe des outils qui permettraient de tirer avantage des synergies que rendent possibles les nouvelles façons de faire réseau pour « construire et mettre en œuvre les infrastructures que requiert un avenir plus propre, plus sain et plus prospère pour l’humanité[9] »
[1] Bulletins GSI de mars, avril et septembre 2019, mai et décembre 2018, septembre et novembre 2017, https://www.globalshift.ca/?page_id=483
[2] Global Shift Institute, Une feuille de route pour décarboniser l’énergie dans 139 pays, novembre 2017, https://www.globalshift.ca/?p=828
[3] Xi, Jimping, https://en.geidco.org/aboutgei/initiative/
[4] GEIDCO, https://en.geidco.org/overview/
[5] GEIDCO, https://en.geidco.org/overview/brochure/
[6] GEIDCO, Members Journal, vol.13, https://en.geidco.org/journal/2019/0727/1500.shtml
[7] GEIDCO, Global Energy Interconnexion, https://en.geidco.org/aboutgei/concept/
[8] GEIDCO, https://en.geidco.org/overview/
[9] Gerge Kell, Founding Executive Director of UN Global Compact, GEI – An idea whose time has come, janvier 2019, http://www.gei-journal.com/enqkxx/contents/105/403.html