Agenda 2063, L’Afrique Que Nous Voulons

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Agenda 2063, L’Afrique Que Nous Voulons

Auteur: Sibi Bonfils, CEO. Contactez l’auteur :

  1. Introduction

L’Afrique que nous voulons, tel est le titre de l’Agenda 2063, le plan d’action que l’Afrique s’est donné en 2015 pour les 50 prochaines années. Sa préparation a été lancée en 2013, lors du Jubilé d’or, le 50e anniversaire, de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), devenue aujourd’hui l’Union Africaine (UA). C’est à cet Agenda que se référaient les conclusions du numéro de mars de ce bulletin qui portait sur l’Interconnexion Énergétique Africaine (AEI)[1].

L’Agenda 2063, avec plus de 3 000 000 de résultats Google, est solidement référencé et sans doute aussi bien connu… Mais, pour ce véhicule du développement désiré par tout un continent, ce que l’Agenda 2063 est vraiment, cette connaissance est-elle tout à fait à la hauteur des enjeux d’appropriation et de domestication nécessaires pour passer de ce grand rêve à la nouvelle réalité escomptée en 2063? Le Premier Rapport de mise en œuvre de l’Agenda 2063[2], publié en février dernier, indique que le compte n’y est pas encore. « Des efforts supplémentaires devraient être faits pour approfondir la domestication et l’intégration de l’agenda de développement continental dans la planification, la budgétisation et la mise en œuvre aux niveaux sous-national, national, régional et continental ».

Ce numéro de notre bulletin se veut une modeste contribution à ces efforts. Il présente l’agenda 2063 dans la vision qu’il porte, les aspirations populaires qu’il cherche à réaliser, les dispositions opérationnelles imaginées, et dont la mise en œuvre est engagée, pour y arriver, les premiers résultats engrangés.

Le lien opérationnel évident entre l’Agenda 2063 et le Projet Interconnexion Énergétique Africaine (AEI) susvisé, motive aussi le désir de faire également connaître dans ces colonnes, l’Afrique que veulent les africains.

  1. Aux sources de l’Agenda 2063

C’est en mai 2013 que s’est tenu le Sommet du Jubilé d’Or, cinquante ans, jour pour jour, après la création de l’Organisation de l’Unité Africaine, devenue depuis 2002, l’Union Africaine. A l’occasion de ce Sommet, les Chefs d’État et de Gouvernement du Continent ont dressé un bilan motivé de ces cinquante années d’effort collectif centré sur la décolonisation, la lutte contre l’apartheid et pour l’indépendance politique. Tirant les leçons de ces années qui ont marqué l’histoire du Continent, ils ont renouvelé leur engagement à mettre en œuvre, au cours des cinquante prochaines années, la vision panafricaine d’une «Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens, et représentant une force dynamique sur la scène internationale ». Dans la déclaration solennelle[3] qui a conclu le Sommet du Jubilé d’Or, ils ont indiqué les 8 domaines clés dans lesquels des progrès doivent être faits au cours des 50 années à venir.

Dans son émouvant courriel du futur, daté du 24 janvier 2063[4], Dre Nkosazana Dlamini Zuma, la Présidente alors en exercice de l’UA , fait part de l’Afrique qu’elle veut pour les générations futures, une Confédération avec « des centres de fabrication régionaux pour la valorisation de nos ressources minérales et naturelles,    passée d’exportatrice de matières premières, à exportatrice de produits alimentaires, et plateforme de production industrielle ». Mme Zuma écrit par ailleurs, « Nous sommes à présent la troisième puissance économique mondiale… Nous avons éclairé l’Afrique, continent autrefois sombre, au moyen de l’énergie hydraulique, solaire, éolienne, géothermique, en plus des combustibles fossiles ».

C’est sur ces bases, ce futur rêvé par la présidente de l’Union et les 8 priorités de la Déclaration Solennelle, que les Chefs d’État et de Gouvernement ont donné mandat aux Agences spécialisées de l’Union de préparer un programme continental de développement dont le terme serait 2063.

  1. Processus préparatoire de l’Agenda 2063

Mais l’Agenda 2063, l’Afrique que nous voulons, résulte aussi du vaste processus de consultation engagé par les mandataires et qui a permis aux africains de toutes les catégories de dire quelle Afrique ils veulent en 2063. Le processus a permis d’écouter les jeunes, les femmes, les organisations de la société civile, la diaspora africaine, les groupes de réflexion et les instituts de recherche africains, les planificateurs des gouvernements, les représentants des Communautés Économiques Régionales (CERs), le secteur privé, les médias africains et les chefs religieux des réseaux interconfessionnels, le Forum des anciens chefs d’État et de gouvernement, le PanWise[5] et les États insulaires africains et d’autres parties prenantes qui ont soumis des mémoires, comme l’Association des administrations publiques, les Syndicats africains ou l’association des compagnies aériennes[6]

« L’Agenda 2063 a été également élaboré sur la base d’un examen approfondi des expériences africaines en matière de développement, l'analyse des défis et des opportunités qui se présentent aujourd’hui, ainsi que sur l’examen des plans nationaux, des cadres régionaux et continentaux, les études techniques et les consultations approfondies ci-dessus mentionnées[7] ».

  1. Les 7 aspirations consensuelles

Le résultat de ce vaste processus de consultation est résumé dans le graphique ci-dessous représentant les 7 aspirations autour desquelles l’Agenda 2063 a été construit.

A chacune de ces aspirations correspondent des résultats concrets attendus en 2063. L’Aspiration 2 (un continent intégré, politiquement uni, fondé sur les idéaux du panafricanisme et de la vision de la renaissance de l'Afrique) suppose ainsi l’accélération « des progrès vers l'unité et l’intégration du continent pour une croissance soutenue avec le renforcement du commerce, des échanges de biens et de services, de la libre circulation des personnes et des capitaux par: (i) l'édification d'une Afrique unie; (ii) la mise en œuvre accélérée de la ZLEC (Zone de Libre Échange Continental); (iii) l'amélioration de la connectivité grâce à des initiatives nouvelles et audacieuses pour relier le continent par voie, ferroviaire, terrestre, maritime et aérienne ; et (iv) le développement de pools énergétiques régionaux et continentaux, et des TIC. »

  1. Structure de l’Agenda 2063

L’Agenda 2063 a été construit à partir de l’ensemble de ces éléments, la vision panafricaine des pères fondateurs de l’Union, les priorités et les rêves portés par les chefs d’état et de gouvernement d’aujourd’hui, les aspirations des peuples. Il tire avantage des stratégies et cadres de développement des pays, des CERs et du continent. La PAC (Position Africaine Commune), le Rapport de 2014 sur la Transformation de l’Afrique[8], les rapports économiques CEA/UA sur l’Afrique[9] ont aussi été des sources importantes d’information stratégique, comme l’Agenda 2030 pour le Développement Durable des Nations Unies et ses 17 Objectifs Globaux[10].

L’Agenda 2063 se définit comme « Un Cadre stratégique partagé pour une croissance inclusive et un développement durable et une Stratégie globale pour optimiser l’utilisation des ressources de l’Afrique au profit de tous les Africains » et a pour ambition de « mobiliser et d’unir tous les Africains et la diaspora dans l’action autour de la vision commune d’une Afrique pacifique, intégrée et prospère ».

Le schéma suivant, qui le représente, rappelle ii) les 7 aspirations qu’il cherche à réaliser et quelques-uns des 20 objectifs à atteindre d’ici son terme et ii) les textes fondateurs sur lesquels il s’est bâti.

 

  1. Les projets à impact rapide

Lors du processus consultatif susmentionné, les citoyens africains ont retenu, en accord avec le Sommet de l’UA, douze projets phares qu’ils aimeraient voir mis en œuvre au plus tôt. Il s’agit de projets susceptibles d’apporter des gains rapides, de créer et de maintenir l’intérêt des citoyens d’Afrique pour l’Agenda 2063. Le tableau ci-dessous donne la liste de ces projets

  1. Le premier plan Décennal

La mise en œuvre de l’Agenda 2063 se fera à travers une série de 5 plans décennaux. Le premier, couvrant la période 2013-2023[11], a été organisé autour des 12 projets phares. Il identifie les domaines prioritaires, les cibles associées, les résultats attendus et les stratégies indicatives pour les parties prenantes. Il met clairement en évidence les programmes et les projets à impact rapide. Il définit et attribue les responsabilités et les obligations redditionnelles à toutes les parties prenantes dans la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation du plan et définit les stratégies nécessaires pour assurer non seulement la disponibilité des ressources et de la capacité, mais aussi l’engagement soutenu des citoyens dans l’exécution du plan.

La mise en œuvre se fait à trois principaux niveaux, du national au continental, comme défini dans le schéma ci-dessous.

Le plan décennal a été pourvu d’un cadre de résulats détaillé bâti autour des 7 aspirations et de 20 objectifs avec leurs domaines prioritaires connexes. Il précise les cibles visées aux échelles nationales, régionales et continentales avec les ambitions et les stratégies indicatives.

Le graphique ci-dessous reprend les 20 objectifs à partir desquels se mesurera la performance continentale.

Avec le premier plan décennal, l’ambition est de réaliser, d’ici 2023, des transformations visibles dans cinq domaines clés concernant notamment le niveau de vie des populations, les économies nationales, l’intégration politique et économique, la participation des femmes et des jeunes, la paix et le patrimoine culturel.

  1. Le premier rapport continental sur la mise en œuvre de l’Agenda 2063

Le Premier Rapport continental sur l’état de la mise en œuvre de l’Agenda 2063[12] a été publié le 20 février dernier. Préparé par la Commission de l’UA et L’Agence de Développement de l’UA-NEPAD, ce rapport regroupe les rapports de progrès de 31 États membres de l’UA et de six Communautés Économiques Régionales (EAC, CEEAC, COMESA, SADC, UMA[13]). Il présente une analyse détaillée des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Agenda 2063 aux échelles nationales, régionales et continentales au regard des 20 objectifs rappelés ci-dessus. Il propose des tableaux de bord pour les différentes régions du continent et pour l’ensemble de l’Afrique ainsi que des profils pour les différents pays, en faisant ressortir à chaque fois :

  • Les performances par objectif et la moyenne par aspiration,
  • Les domaines dans lesquels des progrès significatifs ont été réalisés,
  • Les domaines dans lesquels les progrès ont été les plus lents,
  • Les domaines où les appuis seraient nécessaires pour accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 2063.

Chacun des projets phares fait l’objet d’une note de synthèse rappelant son objectif, les progrès accomplis, les défis posés et les étapes à venir.

Les graphiques ci-dessous donnent un aperçu de ces résulats aux différentes échelles, continentales, régionales et nationales.

Ils témoignent des efforts déployés sur l’ensemble du continent pour donner vie et corps à l’Agenda 2063. Ils montrent les progrès réalisés dans la mise en œuvre, ce pendant, comme l’indiquent les auteurs, « des efforts supplémentaires seront nécessaires pour accélérer la réalisation du Premier plan décennal de mise en œuvre afin de ramener l’Afrique vers « l’Afrique que nous voulons ».

  1. Conclusion

L’Agenda 2063 se définit comme « un Cadre stratégique partagé pour une croissance inclusive et un développement durable, et une Stratégie globale pour optimiser l’utilisation des ressources de l’Afrique au profit de tous les Africains ». C’est le véhicule que l’Afrique s’est donné pour conduire, de façon endogène, son développement dans l’intérêt bien compris de ses filles et de ses fils. Il est organisé autour des 7 aspirations qui décrivent l’Afrique que veulent ses enfants d’ici 2063. Cinq plans décennaux, cinq étapes décisives sur le long cheminement qui mène à ce terme, sont prévus pour identifier les activités et les organiser dans le but de produire, à chacune de ces étapes, les résultats transformationnels à la fois quantitatifs et qualitatifs nécessaires pour réaliser « l’Afrique que nous voulons ».

Le continent devra, pour cela, mobiliser l’ensemble des ressources dont il est si abondamment pourvu, une population jeune dont le génie ne demande qu’à être libéré, des ressources naturelles, objets de toutes les convoitises.

C’est à ce niveau que se situe le lien opérationnel évoqué en introduction, entre l’Agenda 2063 et l’Interconnexion Énergétique Africaine (AEI)[14]. L’AEI, comme montré par ailleurs, participe d’un modèle de développement continental combinant i) le développement de l’immense potentiel énergétique du continent et ii) le développement minier, métallurgique, industriel et commercial, et permet de cette sorte, de « transformer l’avantage en ressources du continent en avantages économiques »

L’Agenda 2063 pourrait et devrait être le véhicule idoine pour réaliser ces avantages économiques dont l’Afrique a un pressant besoin dans sa quête des résultats transformationnels qu’attend toute sa population.

[1] Global Shift Institute, L’AEI, le volet Africain de l’Interconnexion Énergétique Mondiale, mars 2020, https://www.globalshift.ca/?p=1277

[2] Union Africaine, Premier Rapport sur l’État de la Mise en œuvre de l’Agenda 2063, février 2020, https://au.int/fr/documents/20200208/premier-rapport-continental-sur-letat-de-la-mise-en-oeuvre-de-lagenda-2063

[3] Union Africaine, Déclaration Solennelle sur le cinquantième anniversaires de l’OUA/UA, Mai 2013, https://au.int/sites/default/files/documents/36205-doc-50th_anniversary_solemn_declaration_fr.pdf

[4] Dr Nkosazana Dlami Zouma, Email du futur à Mon Cher Ami Kwamé, janvier 2014, https://au.int/sites/default/files/documents/33122-doc-02_email_from_the_future_french.pdf

[5] PanWise, Organe consultatif de l’Union Africaine chargé de fournir des avis au Conseil de Paix et Sécurité de l’UA sur les questions relatives à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, https://en.wikipedia.org/wiki/Panel_of_the_Wise

[6] Union Africaine, Agenda 2063, l’Afrique que nous voulons, Document-Cadre, septembre 2015, https://www.un.org/fr/africa/osaa/pdf/au/agenda2063-frameworkf.pdf

[7] Union Africaine, Agenda 2063, l’Afrique que nous voulons, Document-Cadre, septembre 2015, https://www.un.org/fr/africa/osaa/pdf/au/agenda2063-frameworkf.pdf

[8] African Center for Economic Transformation, Rapport sur la Transformation de l’Afrique : Croissance en Profondeur, 2014, http://africantransformation.org/wp-content/uploads/2014/02/acet-african-transformation-report-overview-french.pdf

[9] CEA/UN, Rapports Économique sur l’Afrique, https://www.uneca.org/sites/default/files/PublicationFiles/unera_report_final_french_web.pdf; https://www.uneca.org/fr/publications/rapport-%C3%A9conomique-sur-l%E2%80%99afrique-2013

[10]Nations Unies, Transformer notre monde : le Programmme de Développement Durable à l’Horizon 2030, septembre 2015, https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/development-agenda/; https://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F

[11] Union Africaine, Agenda 2063, l’Afrique que Nous voulons, Premier Plan Décennal de mise en œuvre 2013-2023, septembre 2015, https://www.nepad.org/fr/fr-nepad/publication/agenda-2063-premier-plan-decennal-de-mise-en-oeuvre-2014-2023

[12] Union Africaine, Premier Rapport continental sur l’état de la mise en œuvre de l’Agenda 2063, février 2020, https://au.int/fr/documents/20200208/premier-rapport-continental-sur-letat-de-la-mise-en-oeuvre-de-lagenda-2063

[13]EAC :  Communauté de l’Afrique de l’Est; CEEAC : Communauté économique des États de l’Afrique centrale; COMESA : Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique centrale; SADC : Communauté de développement de l’Afrique australe; UMA : Union du Maghreb arabe (UMA)

[14] Global Shift Institute, L’AEI, le volet Africain de l’Interconnexion Énergétique Mondiale, mars 2020, https://www.globalshift.ca/?p=1277

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