La COP de Fidji

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La COP de Fidji

Bulletin de décembre 2017

 

La Conférence des Nations sur le Climat s’est tenue cette année, du 6 au 17 novembre, à Bonn en Allemagne. Elle regroupait entre autres, la 23ème session de la Conférence des Parties (COP 23) à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changement Climatiques (CCNUCC), la 2ème session de la réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA 1-2), et les 47èmes sessions des organes subsidiaires de la CCNUCC (SBSTA et SBI).

C’était la COP de Fidji !

Fidji est un archipel de 332 îles et 500 îlets, situé dans le Pacifique Sud à plus de 4 700 km des côtes est d’Australie. Il compte environ 900 000 habitants sur une superficie de 18 300 km2 de terre. 87 % de la population vit dans les deux plus grosses îles de l’archipel, Viti Levu (10 388 km2) et Vanua Levu (5 587 km2). La capitale Suva, se trouve sur Viti Levu qui abrite les trois quarts des Fidjiens.

Fidji fait partie du groupe de négociation reconnu par les Nations Unies sous l’appellation Petits États Insulaires en Développement (PEID). Les PEID étant parmi les plus vulnérables aux changements climatiques, à la variabilité du climat et à l’élévation du niveau marin, ils constituent la force de négociation la plus pressante et la plus déterminée en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique. Ils sont derrière la limite de 1,5°C fixée par l’Accord de Paris en ce qui concerne l’élévation de la température moyenne.

C’était la COP de Fidji ! Mais pour des raisons non explicitées, sans doute liées à la capacité d’accueil du pays, c’est le siège du Secrétariat de la Convention qui a accueilli cette 23ème  édition de la Conférence des Parties à la CCNUCC, la première organisée par un PEID. C’est ainsi, Frank Bainimarama, Premier Ministre de Fidji, qui en présidera les travaux.

Deux sites distincts ont été aménagés pour la Conférence :

  • La Bula Zone, l’espace des officiels, a accueilli, selon le site de la COP23[1], plus de 16 000 personnes dont 9 200 représentants des gouvernements, 5 500 des agences des Nations Unies et de la société civile, 1 200 des médias;
  • La Bonn Zone, l’espace des évènements parallèles et des expositions a vu passer plus de 5 900 visiteurs.

C’est donc près de 22 000 personnes qui ont directement participé à cette édition de la Conférence des Nations Unies sur le climat.

A ce chiffre on devrait ajouter les milliers de personnes qui ont battu le pavé ou organisé des évènements parallèles hors de ces deux sites.

Le principal objectif de la COP23 était d’élaborer les règles d’application de l’Accord de Paris. Rappelons-nous, l’Accord de Paris a été adopté par 195 États à la suite de la COP21 de décembre 2015. Le schéma ci-dessous, tiré d’un article de Novethic [2], en résume :

  • L’ambition : limiter la hausse de la température globale “bien en dessous”de 2°C en visant de fait 1,5°C, ce qui exigerait une économie carboneutre dès 2050;
  • Les moyens dédiés : des CPDN [3] à la hauteur de cette ambition et révisés tous les 5 ans à partir de 2023, les transferts des technologies économiquement rationnelles, des financements du Nord vers le Sud (accord de Copenhague), des mécanismes de compensations des pertes et des dommages pour les pays les plus vulnérables comme les PEID;
  • Les caractéristiques : tous les pays et tous les gaz à effet de serre sont concernés, responsabilité partagée mais différentiée des pays, implication des acteurs non-étatiques (entreprises, villes et collectivités territoriales)

Cet Accord est entré en vigueur en 2016, à la veille de la COP22 accueillie à Marrakech, par le Maroc.

Outre la préparation des directives de mise en œuvre de Paris prévues pour être adoptées en 2018, la COP23 devait aussi créer le cadre et les termes des négociations devant permettre de hisser les moyens de mise en œuvre à la hauteur des ambitions. On sait par exemple aujourd’hui, selon un rapport du PNUE présenté dans le  dernier numéro de ce Bulletin [4], que « les CPDN qui constituent le socle de l’accord de Paris, ne couvrent qu’environ un tiers des réductions d’émissions nécessaires pour suivre la trajectoire la moins onéreuse permettant de tenir l’élévation de la température bien en dessous de 2 ° C »

La présidence fidjienne a innové pour ce nouveau cadre de négociation devant aboutir à des engagements plus ambitieux. Le Talanoa Dialogue qu’elle propose, s’inspire de la tradition fidjienne. C’est un dialogue qui se veut inclusif, participatif et transparent et qui se construit autour d’un narratif partagé. Selon la décision 1/CP.23 [5] de la COP, « Le but de Talanoa est de partager des histoires, de construire de l’empathie et de prendre des décisions sages dans le sens de l’intérêt collectif.  Blâmer les autres et faire des observations critiques sont incompatibles avec la construction d’une confiance mutuelle et du respect, en tout cas avec le concept même de Talanoa ».

Le Dialogue Talanoa de facilitation qui démarrera en janvier 2018 sera structuré autour des trois thèmes suivants : où en sommes-nous ? où voulons-nous aller ? comment y parvenir ? Il devrait permettre de dresser collectivement le bilan des émissions de gaz à effet de serre des Parties, de repréciser les ambitions par rapport aux enjeux et de proposer des actions de réduction à la hauteur de ces enjeux.

La Conférence de Bonn aura au total pris une trentaine de décisions, selon le Bulletin des Négociations de la Terre [6]. Elle a, entre autres, donné les directives pour le programme de travail relatif à l’opérationnalisation de l’Accord de Paris, ii) lancé le Dialogue Talanoa, iii) remis de l’avant l’engagement des pays développés à mobiliser 100G$ d’ici 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement, iv) décidé que le Fonds d’Adaptation servira pour l’Accord de Paris, v) rendu opérationnelle la plateforme d’échange d’expérience et de partage des bonnes pratiques pour les communautés locales et les peuples indigènes, vi) établi le Plan d’Action Genre exigeant l’association des femmes aux différents aspects des processus concernant la Convention…

Il n’y a pas d’avancées spectaculaires comme deux ans plutôt à Paris. On s’y attendait. Cette COP n’en était qu’une de transition, centrée sur la préparation du cadre des âpres négociations à venir pour déterminer la façon dont les pays rendront explicitement compte de leurs actions en faveur du climat et des efforts de réduction de leurs émissions pour respecter les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris.

La présidence fidjienne se dit fière d’avoir conduit ce processus avec succès et d’avoir amené à Bonn et aux négociations sa culture et ses valeurs : l’esprit Bula [7] qui a imprégné l’ensemble la Zone de Bonn; l’approche Talanoa qui encadre désormais les négociations; son peuple; ses artistes qui se sont produits devant les participants de la COP. « Ce n’est pas que du divertissement, rappelle Frank Bainimarama. C’est pour rappeler au monde que nous ne sommes pas en train de négocier des mots sur une page. Nous discutons des intérêts de nos gens et des endroits qu’ils appellent “MAISON, MAISON“… »

Vinaka Vakalevu – Merci beaucoup

 

[1] CCNUCC, http://unfccc.int/resource/docs/2017/cop23/eng/inf04.pdf

[2] Novethic, Accord de Paris, novembre 2016,  http://www.novethic.fr/

[3] CPDN, Contributions Prévues Déterminées au niveau National, http://unfccc.int/focus/indc_portal/items/8766.php

[4] Bulletin de novembre 2017, https://www.globalshift.ca/?page_id=483

[5] UNFCC, 2018 Talano Dialogue; http://unfccc.int/items/10265.php

[6] IISD, Bulletin des Négociations de la Terre, http://enb.iisd.org/download/pdf/enb12714f.pdf

[7] Esprit Bula, l’engagement à faire cet effort supplémentaire pour s’assurer que le visiteur apprécie le meilleur de l’hospitalité, un service chaleureux et réfléchi et la gentillesse qui a fait de Fidji une destination spéciale parmi les destinations dans le monde. https://www.go-fiji.com/bula.html

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