Marrakech 2016, une COP de transition?
La 22e Conférence des Parties (COP22) à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) s’est terminée très tard dans la nuit du vendredi 18 au samedi 19 novembre 2016, à 3h du matin. Elle n’aura pas dérogé à la tradition des négociations marathons au dernier jour de cette conférence qui se tient tous les ans depuis sa 1ère édition en 1995, à Berlin.
Plus de 22 500 personnes ont participé à l’édition de Marrakech dont 15 800 représentants des pays Parties à la convention. Les Agences des Nations Unies, les Organisations intergouvernementales et les Organisations de la société civile y ont délégué 5 800 personnes. Elles étaient 1 200 pour les médias, presse écrite, radios et télévisions nationales ou mondiales. 70 chefs d’État et de Gouvernement ont pris part au Segment de Haut Niveau de la Conférence sans compter les Ministres.
Marrakech se voulait une COP de transition entre les longues années de négociation qui ont abouti à l’Accord de Paris[1] entré opportunément en vigueur le 4 novembre 2015 et la période qui s’ouvre, une période que les Parties à la CCNUCC et toutes les parties prenantes sont unanimes à, si non désireuses de considérer comme celle de l’action, celle de la mise en œuvre de la multitude d’engagements pris, de décisions arrêtées lors des COP précédentes, et surtout de l’Accord de Paris.
Toutes sont conscientes en effet du temps qui passe et des efforts colossaux à faire pour réaliser l’ambition affichée dans l’Accord de Paris, à savoir, « limiter la hausse de la température de la planète bien en deçà de 2°C ».
Le contenu des négociations de Marrakech a été entièrement dictée par ce désir pressant de passer rapidement à l’action, par cette urgence signalée. Elles ont été, de ce fait, centrées sur les dispositions à prendre pour engager dans les meilleurs délais la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Cet Accord, rappelons-nous, vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté (Article 2). Il fixe, dans cette perspective, les obligations de base des Parties, les pays développés comme les pays en développement, et définit les nouveaux mécanismes et procédures à mettre en place et en œuvre pour garantir ce renforcement.
Les négociations ont porté sur ces obligations et mécanismes et sur d’autres questions pendantes. Elles se sont conduites dans le cadre i) de la COP et de ses organes subsidiaires (SBI pour la science et la technologie et SBSTA pour la mise en œuvre), ii) de la COP agissant comme réunions des Parties au Protocole de Kyoto (CMP) et à l’Accord de Paris (CMA) et iii) du Groupe de travail ad hoc sur l’Accord de Paris (APA) créé à la COP21.
Les Parties ont adopté dans ce contexte 35 décisions dont 25 sous l’égide de la COP, huit sous celle de la CMP et 2 sous celle de la CMA. Ces décisions ont donné des directives claires pour compléter le programme de travail concernant l’Accord de Paris et son entrée effective en force. Elles concernent bien entendu les nouvelles dispositions arrêtées à Paris pour donner effet à l’Accord éponyme s’agissant notamment i) de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre à travers les INDC, ii) de l’adaptation aux impacts des changements climatiques, iii) des pertes et préjudices liés à ces impacts, iv) des ressources financières à fournir aux pays en développement pour l’application de leurs politiques, stratégies, règlements, plans d’action et mesures de lutte contre les changements climatiques, v) de la mise au point et du transfert de technologies socialement et écologiquement rationnelles, vi) du renforcement des capacités dans les pays en développement Parties, vii) de la transparence des mesures et de l’appui pour renforcer la confiance mutuelle entre les partie, …
Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Deux longues années de négociations seront encore nécessaires pour donner corps à l’Accord et commencer sa mise en œuvre effective. Les embûches sont nombreuses. Que fera par exemple la nouvelle présidence américaine? L’ombre du Protocole de Kyoto planerait-elle sur l’Accord de Paris?
Les participants de la COP22 n’en pensaient pas moins.
La Proclamation de Marrakech pour l’action en faveur de notre climat et le Développement durable[3], adoptée le 17 novembre par les Chefs d’État et de Gouvernement, avec « cet élan irréversible » qu’elle dit observer dans la lutte mondiale contre les changements climatiques, traduit en creux cette inquiétude.
La Déclaration de Marrakech[4] initiée par les mouvements sociaux marocains, maghrébins, africains et internationaux est, elle, plus directe, opposant « …Donald Trump et son monde » à « …un climat de convergence ». Pour ses initiateurs, « le monde ne peut pas attendre », « Zéro fossile, 100% renouvelables » constituent leur horizon et leur lutte, réaffirmant avec force qu’un autre monde est possible.
Un autre monde est nécessaire, ensemble il devient possible, affirmait courant août 2016 le Forum Social mondial[5] qui se tenait à Montréal .
Un autre monde? Le monde que nous voulons? N’est-ce pas celui que cherche à bâtir l’Agenda 2030 et ses 17 ODD adoptés en septembre 2015? L’année 2016 aura été, pour le monde entier, celle des processus préparatoires de la mise en œuvre de cet Agenda.
Puisse 2017 être celle de l’action.
Références:
[1] Accord de Paris
[2] UNDP, Pursuing the 1,5°C Limit : Benefits& Opportunities, 2016
[3] Proclamation de Marrakech
[4] Déclaration de Marrakech
[5] Forum Social Mondial