Analyse comparée de 18 Scénarios de transition énergétique : de multiples convergences

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Bulletin GSI de mai 2021

Analyse comparée de 18 Scénarios de transition énergétique : de multiples convergences

Les scénarios de transition énergétique visant l’objectif Zéro émissions nettes à l’horizon 2050 se sont multipliés depuis l’adoption de l’Accord de Paris dont le principal objectif est de limiter l’élévation de la température moyenne de la planète “nettement en dessous de 2°C“, en visant 1,5°C. Le graphique ci-dessous, issu des travaux du GIEC et mis à jour ici par IRENA dans une de ses dernières publications[1], résume les écarts d’émission à creuser et les efforts nécessaires dans les différents secteurs d’activité.

L’année 2020 et le début de 2021 ont vu des pays et des organismes internationaux de référence pour l’énergie mettre au point, adopter ou publier des scénarios énergétiques Zéro émissions nettes à l’horizon 2050, visant la cible de 1,5°C. Ce bulletin s’en est fait l’écho à de multiples reprises au cours des derniers mois[2].

Dans le présent numéro, le bulletin fait part des résultats d’une méta-analyse conduite par une équipe d’IRENA sur 18 scénarios de transition énergétique comprenant le scénario 1.5°C de l’IRENA publié en mars dernier, le Scénario Zéro Émissions Nettes à l’Horizon 2050 de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) lancé courant mai 2021, quatre études pour les États-Unis, cinq pour la Chine, cinq pour l’Union Européenne et deux pour l’Inde. Le choix de ces trois pays et de l’Union Européenne pour cette analyse repose sur le fait qu’ils représentent les deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre comme on peut le voir sur la figure ci-dessous. Les trajectoires de développement de leur secteur de l’énergie seront déterminantes quant à l’atteinte de l’objectif zéro émissions nettes à l’horizon 2050, nécessaire pour limiter le réchauffement climatique mondial à 1,5°C.

Les résultats de la méta-analyse ont été publiés en mai de cette année dans Energypost[3]. L’essentiel de l’information communiquée ici provient de cet article.

Un consensus général se dégage sur les principales stratégies relatives à la réalisation de l’objectif zéro émissions nettes à l’horizon 2050: i) un mix énergétique dominée au niveau de la production par les énergies renouvelables, avec, ii) au niveau de l’utilisation finale de l’énergie, l’électrification directe et indirecte, lesquels assurent deux tiers à trois quarts des réductions d’émissions. En ce qui concerne le reliquat des réductions, les avis divergent sur le rôle futur de la bioénergie et du captage du CO2 et de ses différentes déclinaisons (Utilisation, Stockage ou Retrait).

Plus spécifiquement, IRENA a développé un jeu de 32 indicateurs qui ont permis de caractériser les 18 scénarios et de dégager des points précis de convergence et de divergence. Le tableau ci-dessous résume les résultats les plus importants de l’Analyse.

On retiendra en particulier que :

  • Pour toutes les régions et l’ensemble des études, les énergies renouvelables ont un rôle essentiel à jouer dans la transition énergétique. Pour les 18 études, leur part dans l’approvisionnement en énergie primaire passe ainsi de 15% aujourd’hui à 48-94% à l’horizon 2050. Dans le secteur électrique, cette part se situe entre 61 et 95% au même horizon.
  • L’électrification des utilisations finales de l’énergie a un rôle central à jouer, avec une fourchette de part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie comprise entre 46% et 73%.
  • L’hydrogène a un rôle important à jouer dans la plupart des études.
  • Il y a cependant moins de consensus sur le rôle de la bioénergie et les options de gestion du CO2, s’agissant notamment du Captage et du Stockage du CO2 (CSC – stockage souterrain) et du Captage du CO2 et de son Utilisation (CCU – utilisation du CO2 pour fabriquer des matériaux, des carburants, etc.). Alors que les études de l’AIE et de l’IRENA suggèrent un rôle significatif (notamment pour le CSC), les études nationales et européennes suggèrent un rôle plus limité.
  • Une moindre utilisation du CSC et de la biomasse est dans la plupart des cas compensée par des hypothèses généreuses concernant le Retrait (l’élimination) du dioxyde de carbone (CDR – Captage du Dioxyde et Retrait), principalement basé sur le changement d’affectation des terres et la foresterie.

Ce qui ressort globalement de la méta-analyse, c’est que les grandes tendances sont les mêmes dans tous les scénarios considérés. Le fait que des pays et des régions avec des structures économiques et des dotations en ressources différentes adoptent des stratégies similaires est significatif.

Cependant, disent les auteurs, « l’unique “ vrai “ scénario de ce à quoi 2050 ressemblera n’existe pas ». Les progrès technologiques, les cadres institutionnels et règlementaires habilitants et l’acceptation sociale, entre autres, détermineront la voie de transition idoine. Par conséquent, il est essentiel de mener régulièrement des études par scénarios et d’ajuster les stratégies pour refléter les dernières découvertes, car, ajoutent-ils, « les stratégies doivent et vont évoluer ».

C’est dans cette dernière perspective qu’il faut situer leur demande de mise à jour des publications du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat, IPCC) relatives aux scénarios pour un réchauffement mondial de 1,5°C. Son étude IPCC SR1.5 publié en 2018[4], n’ayant pas anticipé les récents progrès fulgurants dans les domaines des renouvelables et de l’électrification des usages, fait bien plus de place dans le mix énergétique mondial futur à la biomasse et au CSC qu’aux renouvelables et à l’hydrogène comme on peut du reste le voir dans le tableau des résultats (cf dernière colonne).

En guise de conclusion, les auteurs insistent sur l’importance des analyses par scénario en ce qui concerne l’appréhension du futur et recommandent le développement de cadres plus robustes de comparaison entre scénarios. Ils rappellent à cet effet l’Initiative et le Réseau LTES (Long-terme Energy Scenarios Initiative and Network)[5] que l’IRENA anime et qui a développé des directives visant le renforcement de l’utilisation des scénarios dans l’élaboration des stratégies de transition énergétique.

Cependant, indiquent-ils, la priorité est désormais à l’action. La méta-analyse révèle en effet une quasi-unanimité sur ce qui doit être fait, même si les stratégies diffèrent. C’est en conséquence sur les cadres habilitants, les conditions pour faire ce qui doit l’être, que toute l’attention devra désormais porter.

[1] IRENA, World Energy transitions outlook: 1,5°C pathways, mars 2021, https://irena.org/publications/2021/March/World-Energy-Transitions-Outlook

[2] Global Shift Institute, Bulletin de Liaison, https://www.globalshift.ca/bulletins/

[3] Dolf Gielen et col., 18 Energy transitions scenarios to watch: where they agree and disagree, Energypost.eu, may 21, 2021, https://energypost.eu/18-energy-transition-scenarios-to-watch-where-they-agree-and-disagree/

[4] IPCC, Global warming of 1.5°C, 2018, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/06/SR15_Full_Report_High_Res.pdf

[5] IRENA, Long-terme Energy Scenarios Initiative and Network https://irena.org/energytransition/Energy-Transition-Scenarios-Network