Retour sur les Revues Nationales volontaires de 2017

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Introduction

Au moment où le monde se prépare pour l’édition 2018 du Forum Politique de Haut Niveau (FPHN – HPLF) et que près de 50 pays s’activent pour soumettre à leurs pairs, à l’occasion de ce Forum, leur rapport de Revue Nationale Volontaire (RNV – VNR), il nous a paru indiqué de présenter ici, dans ses grandes lignes, le Rapport de Synthèse des Revues Nationales Volontaires de 2017 (Voluntary National Reviews Synthesis Report 2017 [1]) publié en février dernier par le Département Développement Durable de UNDESA. Ce rapport donne un aperçu des efforts déployés par les pays pour placer les ODD au cœur de leurs plans de développement. Il évalue les défis, les opportunités et les leçons à tirer de la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD).

L’édition 2017 du FPHN s’est tenue du 10 au 19 juillet à New York, au siège des Nations Unies. Quarante-et-trois (43) pays, presque 2 fois plus qu’en 2016, y ont présenté leur RNV. Ce qui portait à 65, plus du tiers des pays membres de l’ONU, le nombre de pays ayant réalisé une revue nationale volontaire et accepté de partager avec leurs pairs les progrès réalisés, l’expérience acquise, les leçons apprises et les défis relevés ou à relever dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le Développement durable. Un pays, le Togo, en était à sa deuxième revue.

On sait déjà qu’ils seront 47 à présenter leur revue en 2018, 4 en seraient à leur 2ème fois, le Togo à sa 3ème.

Le Rapport de Synthèse des Revues Nationales Volontaires de 2017 rend compte du travail accompli par les pays, ODD par ODD, et traite de façon spécifique certains enjeux comme celui de ne « laisser personne de côté », celui des données, de l’intégration des ODD dans les plans nationaux de développement, de l’implication des parties prenantes, de la sensibilisation ou des moyens de mise en œuvre.

ODD et cibles

Les pays, dans leur majorité, ont conduit des revues et analyses, ODD par ODD. Près d’un tiers des pays ont traité de tous les ODD et notamment des ODD 1,2, 3, 4, 5, 9, 14 et 17 sous examen approfondi pour l’édition 2017 du FPHN. Pour plusieurs pays, les choix ont été faits sur la base des priorités nationales. Dans tous les cas, les revues ont été conduites dans le respect de la nature intégrée et de l’indivisibilité des ODD.

Ces redditions de compte se sont faites suivant les circonstances ou le génie propres à chaque pays. Pas d’uniformité donc. Mais ils sont plusieurs à avoir inclus une section sur les défis posés par la mise en œuvre des ODD, à faire part des efforts déployés pour « nationaliser » les ODD et leurs cibles. En voici un aperçu pour quelques-uns des ODD.

Toutes les revues ont traité de l’ODD1 relative à l’éradication de la pauvreté en abordant cette question sous ses multiples aspects, au-delà de son évaluation traditionnelle basée sur les revenus. Les défis identifiés par les pays tiennent du sous-financement des programmes sociaux, de la prise en compte de la pauvreté des enfants et des familles monoparentales, et du chômage des jeunes.

En ce qui concerne la sécurité alimentaire (ODD2), ce sont ses liens avec les autres ODD qui ressortent le plus des analyses. Il s’agit notamment de l’éradication de la pauvreté (ODD1), de  la création d’emplois (ODD8),de  l’autonomisation des femmes (ODD5), de la lutte contre les changements climatiques (ODD13)… Beaucoup de pays ont fait part des cadres législatifs et des politiques mis en place pour garantir le droit à la nourriture ou de programmes dédiés aux couches les plus vulnérables du point de vue de la sécurité alimentaire.  Les défis ici concernent la mise en place de systèmes de production durables et de pratiques agricoles résilientes.

L’égalité genre et l’autonomisation des femmes et des filles (ODD5) constituent, pour certains pays, des prérequis pour la réalisation de l’Agenda 2030. Plusieurs rendent compte des cadres légaux et règlementaires, des mécanismes institutionnels et des politiques mis en œuvre pour mettre fin à toutes formes de discrimination les concernant et garantir leurs droits. L’intégration de la perspective genre dans la conception et la mise en œuvre des politiques est mise de l’avant dans les solutions suggérées. La violence faite aux femmes et aux filles est un des principaux défis soulignés, de même que la faible participation des femmes à la prise de décision tant dans les sphères publique que privées.

Plusieurs pays soulignent l’importance de l’accès de tous à une énergie propre et d’un coût abordable (ODD7) pour la réalisation d’un développement durable. Les mesures prises tiennent de la diversification des sources d’approvisionnement, du développement des énergies renouvelables, de l’amélioration de l’efficacité énergétique, de la sensibilisation du public sur l’énergie durable et du raccordement des familles isolées, notamment en milieu rural. Les défis relevés concernent le transport pour lequel on ne dispose pas encore de solution énergétique durable, l’efficacité énergétique dans les modes de consommation et de production, les réponses adaptées à une demande énergétique en croissance, le déficit énergétique en milieu rural…

Sur les modes de consommation et de production durables (ODD12), les revues soulignent l’importance de l’économie circulaire ou verte. C’est, cependant, au niveau des habitudes de consommation des populations qu’il importerait d’agir. Plusieurs pays ont avancé, comme moyens de changer ces habitudes, la sensibilisation, l’engagement des parties prenantes et l’accès à l’information. Les défis concernent aussi les achats publics durables, la taxation verte, les rapports sur le développement durable, le recyclage, la responsabilité sociétale des organisations…

Sur les partenariats pour la réalisation des ODD (ODD17), plusieurs appels à honorer les engagements pris par les pays développés sur l’Aide Publique au Développement (APD) ont été faits. De même, des pays donateurs ont rendu compte de leurs contributions au niveau de l’APD et aussi des Pays les moins Avancés (PMA). De nombreux pays ont souligné l’importance générale des données et des mécanismes de suivi et de responsabilisation. Les défis concernent les données désagrégées essentielles pour formuler des politiques efficaces ciblant des groupes défavorisés et des zones géographiques spécifiques dans un pays donné. Ils concernent aussi la généralisation des TIC et des services Internet qui peuvent servir de catalyseur pour le développement.

Ne laisser personne de côté

Ne laisser personne de côté est souvent considéré comme le principe clé de l’Agenda 2030. Tous les pays en parlent dans leurs revues. Les groupes risquant d’être laissés pour compte, tels qu’ils ressortent des rapports, sont les handicapés, les LGBTIQ, les victimes de violence domestique, les personnes âgées et les migrants. Les approches retenues pour ne laisser personne de côté soit, ciblent les groupes vulnérables, soit mettent en place des mécanismes d’accès universel aux services. Les défis concernent les équilibres géographiques qu’il faut assurer, en pensant notamment aux communautés rurales, de même que la disponibilité de données désagrégées.

Gestion des données

Il est largement reconnu qu’un exercice efficace de suivi/évaluation de l’Agenda 2030 requiert la collecte, le traitement, l’analyse et la diffusion d’un nombre sans précédent de données fiables, disponibles à temps, accessibles et suffisamment désagrégées. Des progrès notables ont été faits dans ce domaine à l’échelle mondiale avec l’adoption du cadre mondial d’indicateurs ODD et le lancement de la base de données des indicateurs ODD mondiaux. Parallèlement, des efforts substantiels ont été documentés au niveau des pays en ce qui concerne i) l’évaluation des gaps à combler quant aux données et aux méthodologies, et ii) la recherche de solutions adaptées aux contextes nationaux avec, notamment, la définition des cibles nationales et des indicateurs correspondants. Les trois principaux défis identifiés par les pays comprennent le manque de données désagrégées, le défaut de capacités de collecte et de gestion des données, l’insuffisance des soutiens techniques et financiers.

L’intégration des ODD au contexte national

Des approches variées sont utilisées pour assurer cette intégration comme l’alignement des plans et stratégies de développement sur les ODD, alignement souvent basé sur la priorisation des cibles ODD.  Des pays font ressortir les efforts faits pour responsabiliser les ministères et les agences gouvernementales dans la mise en œuvre des cibles des ODD. Ces exercices ont permis aux pays d’identifier des domaines où ils performent bien et ceux dans lesquels les efforts doivent être redoublés. Au-delà des plans et stratégies de développement qui sont les moyens privilégiés pour la mise en œuvre de l’Agenda 2030, des pays ont préparé des documents cadres avec des énoncés de vision et des axes prioritaires de développement.

Institutions

Tous les pays ont fait part des progrès accomplis dans la mise en place de nouveaux cadres institutionnels ou le renforcement de ceux qui existent avec des bureaux de coordination interministérielle, des comités et autres commissions. Ce qui caractérise principalement ces dispositifs institutionnels, c’est l’accent mis sur la cohérence, l’intégration, la coordination et la participation multisectorielle.

Les parlements nationaux sont actifs dans plusieurs pays. Ils ont en effet un rôle déterminant dans la mise en œuvre des ODD de par leurs responsabilités législatives en ce qui concerne notamment l’adoption des budgets. Plusieurs ont mis en place des comités ODD et des pays ont inclus des parlementaires dans leurs délégations au Forum.

Le défi majeur, pour la majorité des pays, reste cependant la cohérence des politiques et la coordination multisectorielle.

Implication des parties prenantes

Un consensus général ressort des revues quant à la nécessité d’un engagement significatif de tous les pays et de tous les peuples collaborant dans un partenariat fort à la mise en œuvre de l’Agenda 2030.  Plusieurs pays l’ont reconnu et ont intégré dans l’ensemble de leurs mécanismes institutionnels de mise en œuvre de l’Agenda 2030 des dispositifs dédiés pour la prise en compte des différentes parties prenantes.

Cette prise en compte va de la consultation au cours des processus de prise de décision, à l’établissement de partenariats pour la mise en œuvre de certains ODD et cibles, ou à l’évaluation et à la reddition de compte. Beaucoup de gouvernement ont invité des parties prenantes à contribuer à la réalisation de la revue. Certains les ont intégrés dans la délégation nationale pour le Forum ou les ont associés à la présentation de la RNV.

Les défis relevés par les pays comprennent i) la mobilisation des ressources nécessaires pour maintenir un engagement collaboratif et bien structuré avec les parties prenantes, et assurer une représentation équitable et ii) la nécessité de gérer les attentes élevées de certaines parties prenantes.

 

Sensibilisation

La sensibilisation de toutes les parties prenantes est reconnue par les pays comme un accélérateur de la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Plusieurs pays ont rendu compte des activités de sensibilisation conduites pour renforcer, dans la population l’appropriation des ODD. Les activités vont de l’organisation de conférences, d’ateliers et de festivals, à des campagnes de communication utilisant différents types de médias dont les médias sociaux. La participation de célébrités ou d’artistes pour promouvoir les ODD a été documentée.

Plusieurs pays font part des initiatives prise par la société civile dans ce domaine et soulignent l’importance de l’inclusion des jeunes dans ces exercices. Les pays notent aussi que l’éducation est un puissant outil de sensibilisation aux ODD, certains ayant déjà commencé à intégrer les ODD dans les curricula et les programmes d’éducation.

Défis, leçons apprises et prochaines étapes

Les RNV rendent compte de la façon dont les pays abordent le défi transformationnel de l’Agenda 2030. Elles constituent une mine d’informations et d’analyses sur les progrès réalisés au niveau des pays, en ce qui concerne les questions transversales telles que les moyens de mise en œuvre et des ODD spécifiques.

Les leçons apprises dans ce contexte soulignent le rôle central de partenariats solides pour les ODD, la nécessité de moyens suffisants pour la prise en compte des parties prenantes, y compris le secteur privé, et l’importance de la cohérence des politiques et de la coordination multisectorielle.

Des efforts additionnels sont requis notamment dans  la mise en cohérence des politiques et la mise en œuvre d’approches «pangouvernementales», le renforcement des capacités des institutions statistiques nationales pour les mettre au niveau des nouveaux défis, l’amélioration de la capacité institutionnelle des gouvernements locaux qui sont à l’avant-garde de la mise en œuvre de nombreux ODD,  la promotion d’une plus grande coordination entre les différentes sphères de l’administration publique,  l’accélération de l’intégration des ODD dans les politiques et programmes de tous les ministères sectoriels concernés. Il s’agit, par-dessus tout, de faire de la mise en œuvre des ODD un projet de société.

Conclusion

En guise de conclusion, rappelons que l’édition 2018 du Forum Politique de Haut Niveau (FPHN – HLPF) se tient du 9 au 18 juillet à New York, au siège des Nations Unies, sur le thème « La transformation vers des sociétés durables et résilientes ». Les ODD qui vont être examinés en profondeur cette année sont respectivement l’ODD 6 (Eau propre et Assainissement), l’ODD 7 (Énergie propre et d’un coût abordable), l’ODD 11 (Villes et communautés durables), l’ODD 12 (Consommation et Production responsables), l’ODD 15 (Vie terrestre) et, comme à chaque session, l’ODD 17 (Partenariat pour la réalisation des Objectifs). Quarante-et-sept pays se sont portés volontaires pour présenter leurs revues nationales.


Les pays présentant leurs VNR en 2018

Albanie, Andorre, Arménie, Australie, Bahamas, Bahreïn, Bénin, Bhutan, Cap Vert, Canada, Colombie, République Dominicaine, Équateur, Égypte, Grèce, Guinée, Hongrie, Irlande, Jamaïque, Kiribati, République Démocratique du Laos, Latvia, Liban, Lituanie, Mali, Malte, Mexique, Namibie, Niger, Paraguay, Pologne, Qatar, République du Congo, Roumanie, Arabie Saoudite, Sénégal, Singapore, Slovaquie, Espagne, Sri Lanka, État de Palestine, Soudan, Suisse, Togo, Émirats Arabes Unis, Uruguay, Viêt-Nam


Avec le Rapport de Synthèse des Revues Nationales Volontaires de 2017 présenté ici et son équivalent de 2016, ces pays disposent de deux années de référence dont ils peuvent se servir pour améliorer leurs propres revues. Entre 2016 et 2017 les améliorations ont été sensibles. On est par exemple passé de la description des progrès réalisés ou des problèmes rencontrés à l’examen des causes et à la documentation des progrès accomplis.

On est résolument dans une dynamique d’amélioration continue.

 

 

[1] DSD/UNDESA, Voluntary National Reviews Synthesis Report 2017, février 2018 https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/17109Synthesis_Report_VNRs_2017.pdf

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