C’est maintenant ou jamais!

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C’est maintenant ou jamais!

Bulletin GSI de mai 2022
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Introduction

Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC) a rendu public, le 4 avril 2022, le 3e et dernier tome du Rapport de son 6ème Cycle d’évaluation (AR6). Il s’agit de la contribution de son Groupe de travail 3 (WGIII – GTIII) intitulé Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change.

Ce bulletin a rendu compte dans ses numéros d’août 2021 et de mars 2022 des conclusions et principaux messages issus des deux premières contributions à l’AR6, celles des Groupes de travail 1 et 2, lesquels traitaient :

  • Pour le premier, des aspects scientifiques du climat, de son état actuel et de son évolution, et
  • Pour le deuxième, des impacts du changement climatique et des risques induits, ainsi que des différentes stratégies d’adaptation pour les écosystèmes et les systèmes humains.

Selon Inger Andersen, Directeur Exécutif du Programme des Nation Unies pour l’Environnement (PNUE), ces deux contributions « nous disent que le changement climatique est ici et maintenant et provoque d’énormes perturbations pour le monde naturel et l’être humain [1]»

La contribution du GTIII (AR6G3), objet de ce numéro du bulletin, est centrée sur l’atténuation du changement climatique. Elle évalue à cette fin les méthodes permettant de limiter ou de prévenir les émissions de gaz à effet de serre. Elle détermine les stratégies d’élimination de ces gaz de l’atmosphère pour les différents secteurs d’activité, notamment ceux de l’énergie, des transports, des bâtiments, de l’industrie, de la gestion des déchets, de l’agriculture, de la sylviculture et d’autres formes de gestion des terres[2].

Au niveau du ton, cette contribution s’inscrit dans le même registre que les deux précédentes. Elle est tout aussi affirmative et engagée, voire alarmante, si non alarmiste pour certains. « C’est maintenant ou jamais, si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 1,5° C», alerte Jim Skea, co-président du GTIII. M. Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, lui emboite le pas dans un message vidéo pronostiquant « des vagues de chaleur sans précédent, des tempêtes terrifiantes, des pénuries d’eau généralisées et l’extinction d’un million d’espèces de plantes et d’animaux [3] » si les mesures appropriées ne sont pas prises immédiatement. De telles mesures existent, pour sûr, et sont connues nous dit Jim Skea, lors de la conférence de presse de lancement de l’AR6G3, le 4 avril. « Nous savons quoi faire, nous savons comment le faire, et le moment est venu d’agir », indique-t-il.

Ce numéro du bulletin propose une brève présentation de l’AR6G3. Il en fait notamment ressortir les chiffres clés, les principales composantes et les principaux messages avec un aperçu des mesures préconisées pour limiter le réchauffement à 1,5°C.

 

Le Rapport AR6G3, chiffres clés et structure

Voici les chiffres clés de l’AR6G3 tels qu’ils ressortent des présentations faites lors de son lancement[4] :

  • 18 000 articles scientifiques ont été consultés;
  • En plus des 278 auteurs coordonnateurs, principaux et réviseurs, 354 scientifiques ont apporté des contributions au rapport;
  • 59 212 observations provenant des gouvernements et de différents experts ont été formulées et prises en compte dans la version finale du rapport;
  • Des efforts ont été faits pour approcher le respect des équilibres genre et régionaux

L’AR6G3 comprend plusieurs documents conçus pour répondre aux besoins des différents types de publics auxquels les rapports du GIEC sont destinés[5] :

  • Le Résumé à l’intention des Décideurs (63 pages), approuvé et lancé le 4 avril 2022, fournit une synthèse de haut niveau des principales conclusions du rapport. Approuvé ligne par ligne par les gouvernements membres du GIEC, il est principalement destiné aux gouvernements et aux décideurs à tous les niveaux, aux hauts responsables des parties à la Convention Climat et de façon générale à ceux des agences des Nations Unies;
  • Les Déclarations Générales (6 pages) qui regroupent les messages clés du rapport, le Communiqué de presse, différents matériels multimédias et autre Foire Aux Questions (FAQ), ciblent tout particulièrement les médias et le grand public;
  • Le Résumé Technique (142 pages), une synthèse détaillée des résultats et notamment des justificatifs scientifiques derrière les conclusions générales et les messages clés, s’adresse aux scientifiques, les pairs des auteurs du rapport et à tous ceux qui cherchent à aller au-delà des messages;
  • Le Rapport complet (2913 pages), fournit aux scientifiques le détail des justificatifs et des références à la base des conclusions, messages et recommandations du rapport.

Trois annexes, Glossaire; Définitions, unités et conventions; Scénarios et méthodes de modélisation, complètent avantageusement le rapport.

Le rapport AR6G3 complet a été construit autour de 17 chapitres qui évaluent l’atténuation du changement climatique, examinent les sources d’émissions mondiales, expliquent l’évolution des efforts de réduction et d’atténuation des émissions et ressort les stratégies d’atténuation permettant de maintenir le réchauffement mondial en dessous 1,5°C.

  • Le chapitre 1 situe le rapport AR6G3 dans le contexte d’ensemble du 6ème cycle d’évaluation du GIEC. Il rappelle ainsi les résultats des évaluations antérieures sur lesquels il s’appuie, notamment ceux du 5e cycle d’évaluation et des récentes contributions des groupes de travail 1 et 2, dont l’AR6G1 et l’AR6G2. Il décrit le contexte multilatéral dans lequel s’inscrit aujourd’hui la lutte contre le changement climatique (accord de Paris, Agenda 2030…), ainsi que les tendances actuelles au niveau des émissions. Il présente les moteurs de l’atténuation du changement climatique et de la transformation du système, ainsi que les contraintes. Il rappelle les scénarios d’émissions utilisés avec des exemples de voies d’atténuation. Il indique comment les efforts d’atténuation s’inscrivent dans le processus de réalisation de l’agenda 2030 et des objectifs de développement durable (ODD).
  • Les 4 chapitres suivants (2, 3, 4 et 5) font le point de ce que l’on sait sur les émissions et l’atténuation, traitant ainsi respectivement ii) des tendances et moteurs des émissions, iii) des voies d’atténuation compatibles avec les objectifs à long terme, iv) des voies d’atténuation et de développement à court et à moyen terme, v) des besoins, des services et des aspects sociaux de l’atténuation;
  • Les chapitres 6 à 12 sont centrés sur les différents secteurs d’activité et notamment sur vi) le système énergétique, vii) l’agriculture, la foresterie et les autres utilisations des terres (AFOLU), viii) les systèmes urbains et les autres établissements humains, ix) les bâtiments, x) le transport, xi) l’industrie et xii) les perspectives intersectorielles. Ils y évaluent les options d’atténuation, les enjeux et les opportunités, ainsi que les risques auxquels les exposent les changements climatiques. Ils ressortent, pour chacun des secteurs, les voies de transition optimales vers le zéro émissions nettes en les inscrivant dans la perspective de l’Agenda 2030 et des différents autres enjeux sociétaux et environnementaux.
  • Les chapitres 13 à 16 s’intéressent aux voies à suivre et moyens à mobiliser pour mettre en œuvre les options et les stratégies d’atténuation retenues, convoquant ainsi xiii) les politiques et les institutions nationales et infranationales, xiv) la Coopération internationale, xv) les investisseurs et les bailleurs de fonds et, xvi) les pôles d’innovation, de développement et de transfert de technologies.
  • Le dernier chapitre, le chapitre 17, est centré sur les opportunités et les défis pour xvii) accélérer la transition dans le contexte du développement durable. Il suggère d’inscrire les actions et les activités d’atténuation et de transformation dans la dynamique de l’Agenda 2030 en supprimant notamment les facteurs sous-jacents de vulnérabilité et d’émissions élevées et en prenant en compte, de façon équilibrée, les intérêts des différentes communautés, régions, secteurs et parties prenantes.

 

Principaux résultats et messages clés de l’AR6G3

Les principaux résultats et les messages clés de l’AR6G3 figurent dans le Résumé à l’intention des décideurs rendu public le 4 avril 2022[6]. Ils y ont été présentés dans 4 principales sections précédées d’une brève section introductive.

A. Introduction et cadrage

La section introductive (A) rappelle les éléments de contexte et le cadre scientifique strict dans lequel l’AR6G3 s’inscrit. Il y est ainsi rappelé que les articles retenus pour l’évaluation des aspects scientifiques, technologiques, environnementaux, économiques et sociaux de l’atténuation du climat sont ceux acceptés pour publication avant et autour du 11 octobre 2021. Le cadre général est celui i) de la mise en œuvre de la convention climat avec notamment l’adoption de l’Accord de Paris, ii) de l’Agenda 2030 avec ses 17 ODD et iii) des rapports subséquents du GIEC depuis celui du 5e Cycle d’évaluation. La prise en compte des acteurs non-étatique et infranationaux y est soulignée, s’agissant notamment de la société civile, des gens d’affaire, des villes, des communautés locales, des peuples indigènes, des jeunes, des entités transnationales, qui sont tous de plus en plus impliqués dans la lutte contre le changement climatique. Les cadres analytiques traditionnels ont été enrichis, pour l’AR6G3, des apports des sciences sociales et politiques avec des chapitres dédiés sur la demande de services, les aspects sociaux et sociétaux de l’atténuation, l’éthique, l’équité, le développement et le transfert de technologie, les cadres institutionnels et la gouvernance.

Les messages clés et les recommandations contenus dans le Résumé à l’intention des décideurs sont donnés en annexe. En voici quelques-uns parmi les plus notables présentés suivant les 4 sections du Résumé.

B. Développements récents et tendances actuelles

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont continué à croître sur la période allant de 1990 à 2019 avec, selon l’AR6G3, des niveaux d’émissions annuelles moyennes les plus élevés de l’histoire de l’humanité en ce qui concerne la dernière décennie (2010-2019).

C’est le lieu de noter que tous les principaux secteurs d’activité à l’échelle mondiale ont connu, depuis 2010, selon le rapport, une augmentation de leurs émissions, s’agissant notamment i) de l’énergie représentant en 2019 34% des émissions, ii) de l’industrie, 24%, iii) de l’agriculture, la foresterie et l’utilisation des terres, 22%, iv) du transport, 15%, et v) des bâtiments, 6%.

Le rapport souligne par ailleurs que les contributions aux émissions mondiales de GES des différentes échelles, régionales, nationales ou individuelles continuent d’être très différentes, reflet en partie des différents stades de développement. Il relève ainsi que « les 10 % de ménages ayant les émissions par habitant les plus élevées contribuent de manière disproportionnée aux émissions mondiales de GES des ménages ».

La conclusion que tire le rapport de cette croissance hétérogène mais soutenue des émissions mondiales est que « nous ne sommes pas sur la bonne voie pour limiter le réchauffement à 1,5 °C »

Il note cependant qu’il y a de plus en plus de preuves d’une action climatique réussie.

Il dénombre ainsi au moins 18 pays qui sont parvenus à une diminution constante des émissions compatible avec la limitation du réchauffement à 2°C sur plus d’une décennie. Cela grâce à la décarbonisation de l’approvisionnement en énergie, des gains d’efficacité énergétique et la réduction de la demande, résultant à la fois des politiques et des changements dans la structure de l’économie.

L’adoption par plus 826 villes et 103 régions de l’objectif zéro émissions nettes d’ici 2050, participe aussi de ces preuves comme la baisse soutenue, depuis 2010, des coûts unitaires de plusieurs technologies à faibles émissions. Le solaire, l’éolien et les batteries au lithium ont ainsi connu des baisses respectives de prix de 85%, 55% et 85%, avec un important déploiement. Dans certains cas, les coûts des énergies renouvelables sont tombés en dessous de ceux des combustibles fossiles.

Grâce à ces évolutions, les systèmes électriques de certains pays et régions sont déjà principalement alimentés par des énergies renouvelables.

Le renforcement et l’augmentation soutenus des politiques et lois d’atténuation depuis le rapport du 5e cycle d’évaluation, explique ces évolutions. Elle aura surtout permis d’éviter des émissions qui auraient autrement eu lieu.

On reste cependant en deçà de ce qu’il faut pour respecter l’accord de Paris avec l’ensemble de ces actions. Le rapport indique ainsi que « les émissions mondiales de GES en 2030 associées à la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (CDN) annoncées avant la COP26 rendraient probable un réchauffement supérieur à 1,5°C au cours du 21e siècle. La limitation probable du réchauffement à moins de 2 °C reposerait alors sur une accélération rapide des efforts d’atténuation après 2030 ».

Ce constat est à l’origine des observations figurant dans le graphique ci-dessous, à savoir[7] :

  • Pour limiter le réchauffement à environ 1,5 °C, les émissions mondiales de GES devraient atteindre leur valeur maximale avant 2025, puis diminuer de 43 % d’ici 2030. Il faudrait, en parallèle, une réduction d’environ 34% du méthane.
  • Pour limiter le réchauffement à environ 2 °C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent aussi atteindre leur valeur maximale avant 2025 au plus tard, puis diminuer de 27% d’ici 2030;

La fermeture anticipée d’une bonne partie des exploitations de charbon, de gaz et de pétrole serait nécessaire dans ce contexte car, nous dit le rapport, « les émissions cumulées de CO2 projetées sur la durée de vie des infrastructures d’énergies fossiles existantes et planifiées, sans réduction supplémentaire, dépassent les émissions cumulées nettes de CO2 dans les trajectoires qui limitent le réchauffement à 1,5 °C (degré de confiance supérieure à 50[8] ».

C. Transformations systémiques pour limiter le réchauffement climatique

Cette section identifie les voies d’émission et les portefeuilles d’atténuation alternatifs compatibles avec la limitation du réchauffement climatique à différents niveaux, et évalue les options d’atténuation spécifiques au niveau sectoriel et systémique. Le rapport affirme ainsi, avec force, que « l’on dispose aujourd’hui, pour chaque secteur d’activités, d’options de transition permettant de réduire d’au moins de moitié les émissions de GES d’ici 2030 ». En voici quelques-unes pour certains de ces secteurs:

Au niveau de l’Énergie, les transitions majeures nécessaires pour limiter le réchauffement climatique seraient i) une réduction sensible de l’utilisation des combustibles fossiles et le recours au captage et au stockage du carbone, ii) la mise à contribution de systèmes énergétiques sans carbone ou à faible carbone, iii) l’électrification généralisée des usages et l’amélioration de l’efficacité énergétique, iv) un recours massif aux carburants alternatifs comme l’hydrogène vert et les biocarburants durables

La sobriété au niveau de la Demande et l’efficacité dans la fourniture des Services ont un potentiel de réduction des émissions mondiales de 40 à 70% d’ici 2025, indique le rapport. La marche et le vélo, les transports électrifiés, la réduction des déplacements en avion et l’adaptation des bâtiments (isolation thermique, toits verts…) contribuent largement à cette réduction. Des changements de comportement et de mode de vie aussi avec par exemple des modes de consommation et production durables, le télétravail, la généralisation des produits réparables à plus longue durée de vie. Le souci de ne laisser personne de côté exige cependant de tenir compte, au niveau des changements souhaités, des personnes qui ont besoin d’un logement, d’énergie et de ressources supplémentaires pour leur bien-être.

Le potentiel de réduction des émissions au niveau du Transport tient à la fois de la réduction de la demande, de l’utilisation des technologies à faibles émissions de CO2, et beaucoup de la décarbonisation du secteur électrique, selon le rapport. L’exploitation de ce potentiel passe par la généralisation des véhicules électriques, l’utilisation de combustibles alternatifs (biocombustibles et hydrogène verts) dans l’aviation et le transport maritime, l’électrification des trains et des camions grâce au progrès des batteries.

Pour les Villes et les Zones urbaines, la réduction des émissions passe par une meilleure planification urbaine, la production et la consommation durables de biens et services, l’électrification avec de l’énergie à faible émission, l’amélioration de l’absorption et du stockage du carbone avec des espaces verts, des étangs et des arbres.

C’est dans les Bâtiments qu’il est possible d’atteindre l’objectif zéro émissions nettes en 2050, à condition, nous dit le rapport, d’agir avec détermination au cours de cette décennie. La rénovation et la réhabilitation thermique des bâtiments existants et l’utilisation de techniques d’atténuation efficaces dans les nouveaux bâtiments le permettraient. L’existence de bâtiments zéro énergie et zéro carbone dans les nouvelles constructions et les bâtiments rénovés montre que cet objectif est réaliste et réalisable.

Pour l’Industrie, l’objectif zéro émissions nettes est un défi stimulant à relever. Il faudrait, suggère le rapport, utiliser les matériaux plus efficacement, réutiliser, recycler, minimiser les déchets, autant d’approches actuellement sous-utilisées dans les politiques et les pratiques industrielles. Il faudrait aussi développer des procédés de faibles à zéro émission de GES pour la production des matériaux.

Le Retrait ou l’Absorption du CO2 est essentiel pour réaliser l’objectif zéro émissions nettes. Il permet de contrebalancer les émissions résiduelles, notamment pour les secteurs difficiles à décarboner. Les méthodes biologiques (reboisement, séquestration dans le sol) sont à portée de main. Les nouvelles technologies comme le CSUC (captage, stockage et utilisation du carbone) auraient encore besoin d’un surcroît de recherche, d’investissement initial et de démonstration de leur capacité à fonctionner à grande échelle.

L’utilisation des terres a un potentiel de réduction d’émissions, d’élimination et de stockage de CO2 à grande échelle, indique le rapport. On peut tirer avantage de ce potentiel, ajoute-t-il, en protégeant et en restaurant les écosystèmes naturels, comme les forêts, les tourbières, les zones humides côtières, les savanes et les prairies. La gestion des conflits d’usage doit cependant être soignée.

D. Liens entre l’atténuation, l’adaptation et le développement durable

Les liens entre l’atténuation du changement climatique, l’adaptation et les voies de développement sont étroits, souligne le rapport. « Une action climatique accélérée et équitable pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter est essentielle au développement durable », indique-t-il. Le schéma ci-dessous détaille les synergies et les compromis entre, d’une part, les options d’atténuation sectorielles et systémiques, et d’autre part, les ODD.

Ce graphique montre la force de ces liens et suggère d’en tenir compte dans la conception et la mise en œuvre des options d’atténuation pour mieux inscrire l’action de lutte contre le changement climatique dans la perspective de l’Agenda 2030.

E. Renforcement de la réponse

Pour une mise en œuvre réussie des options d’atténuation dans la perspective susvisée, il faut, indique le rapport, lever différentes barrières et renforcer les conditions favorables, en ce qui concerne notamment les institutions en charge de cette mise en œuvre, les politiques, les finances, l’innovation, la gouvernance des différents secteurs et des institutions.

Les institutions et la gouvernance fournissent la base juridique de l’action, indique le rapport. C’est en effet elles qui mettent en place les organisations chargées de la mise en œuvre et les cadres à travers lesquels divers acteurs interagissent, s’agissant notamment des différents instruments d’atténuation et de politique sectorielle.

Les politiques ont eu un impact perceptible sur l’atténuation pour des pays, des secteurs et des technologies spécifiques, rappelle le rapport. Fondées sur le marché ou réglementaires, elles ont des rôles distincts mais complémentaires. « La part des émissions mondiales de GES soumises à une politique d’atténuation a augmenté rapidement ces dernières années, mais de grandes lacunes subsistent dans la couverture des politiques, et la rigueur de nombreuses politiques est en deçà de ce qui est nécessaire pour obtenir des résultats d’atténuation solides », souligne-t-il.

Le financement est un facteur déterminant dans la transition bas carbone. Les inégalités d’accès aux ressources, notamment pour les pays les plus exposés aux impacts physiques du changement climatique, obèrent les perspectives d’une transition juste, indique le rapport. Mais la sensibilisation au risque climatique progresse au niveau des investisseurs, des banques centrales et des régulateurs financiers, ce qui favorise l’élaboration et la mise en œuvre de politiques climatiques et l’alignement des flux financiers sur les trajectoires à faibles émissions dont le progrès restent lent, souligne-t-il

L’innovation a montré ces dernières années sa grande capacité à soutenir les transitions du système pour limiter le réchauffement et aider à modifier les voies de développement, nous dit le rapport. Il cite, à titre d’exemple, la mise en œuvre actuellement généralisée de l’énergie solaire photovoltaïque et des LED qui a permis des avancées notables sur la voie de la carboneutralité. Il considère que les investissements à grande échelle dans la R&D, et les interventions axées sur la demande constituent de bons instruments de politique d’innovation permettant de réduire rapidement les coûts unitaires des technologies et de les porter tout aussi rapidement à la bonne échelle. Il souligne le rôle important du partage des connaissances et des expériences entre les régions engagées dans la R&D propre et les autres, et notamment entre pays développés et pays en développement, dans la réalisation des objectifs mondiaux en matière de climat et de Développement durable.

Conclusion

Ce numéro du bulletin est centré sur le rapport du groupe de travail n°3 du GIEC. Il en donne les chiffres clés, les principales composantes et les principaux messages avec un aperçu des mesures qu’il préconise dans les différents secteurs d’activité pour limiter le réchauffement à 1,5°C.

Il propose un résumé synthétique des 17 chapitres du rapport complet de quelques 2900 pages, lesquels donnent un état exhaustif des lieux en ce qui concerne les sources des émissions, les efforts faits en matière d’atténuation des émissions, les écarts à combler dans la perspective de l’objectif de réchauffement de 1,5°C, les voies d’atténuation et de développement compatibles avec cet objectif.

Il présente pour chacun des principaux secteurs d’activité et sources d’émissions, l’Énergie; l’Agriculture, la foresterie et les autres utilisations des terres; les Villes et les autres établissements urbains; les Bâtiments; le Transport et l’Industrie, les voies de transition dégagées par le rapport pour atteindre la cible zéro émissions nettes à l’horizon 2050 et exposées dans le Résumé à l’intention des décideurs. Il fait ressortir dans chacun des cas, les mesures et les stratégies les plus représentatives comme par exemple i) la fermeture anticipée des exploitations de charbon, de pétrole et de gaz, nécessaire pour laisser ouverte la fenêtre du 1,5°C, ii) la sobriété au niveau de la Demande et l’efficacité dans la fourniture des Services ainsi que les renouvelables comme source d’énergie, iii) l’électrification renforcée des usages et notamment du transport, iv) une planification motivée des villes visant la compacité et faisant de la place au transport actif et aux espaces verts, v) la rénovation et la réhabilitation thermique des bâtiments, vi) l’application du principe des 3R-V ( réduire, réemployer, recycler et valoriser) dans l’industrie, vii) le renforcement des puits (avec la restauration et l’extension des espaces naturels) et la mise à contribution des technologies comme le CSC ou CUC (Captage, Stockage, Utilisation du Carbone).

Les conditions favorables pour la mise en œuvre réussie de ces différentes options ont également été analysées par le rapport dans une perspective visant à lever les barrières, réduire les risques et relever les grands défis sociétaux et de développement durable. Un bref aperçu des résultats de cette analyse est présenté en ce qui concerne la place et le rôle déterminants des institutions, de la gouvernance, des politiques publiques, du financement et de l’innovation, dans cette réussite.

Au-delà de ces options et de ces conditions de réussite, il ressort très clairement de ce rapport qu’il est urgent d’agir. « C’est maintenant ou jamais, si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 1,5° C », indique Jim Skea, co-président du GTIII. Ce qui est rassurant, c’est que « Nous savons quoi faire et comment le faire… », complète-t-il.

Et ce 3e et dernier rapport du 6e cycle d’évaluation du GIEC détaille à souhait, comme les deux précédents, quoi faire et comment le faire.

On ne dira pas, demain, qu’on ne savait pas.

 

[1] IPCC-WGIII, Press Conference for Climate Change 2022: mitigation of Climate Change, 4 April 2022, https://youtu.be/STFoSxqFQXU

[2] IPCC-WGIII, https://www.ipcc.ch/working-group/wg3/

[3] Citation tirée de United Nations, Rapport de l’ONU sur le climat : C’est « maintenant ou jamais » de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, 04 avril 2022, https://news.un.org/en/story/2022/04/1115452

[4] IPCC-WGIII, Climate Change 2022: Mitigationof Climate change https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_PressConferenceSlides.pdf et https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/resources/presentations-and-multimedia

[5] IPCC-WGIII, Climate Change 2022, Mitigation of Climate Change, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/

[6] IPCC-WGIII, Climate Change 2022 : Mitigation of Climate Change, Summary fo Policymakers, https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_SummaryForPolicymakers.pdf

[7] GIEC-GTII AR6G3, Atténuation du Changement climatique, Communiqué de presse, Avril 2022 https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_PressRelease-French.pdf

[8] GIEC-GTII AR6G3, Mitigation of Climate Change, Summary for Policymakers, April 2022, https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_SummaryForPolicymakers.pdf