Les Biens Communs et les Biens Publics Mondiaux comme moteurs du renouveau de l’action collective mondiale

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Bulletin GSI d’Aout 2023

Les Biens Communs et les Biens Publics Mondiaux comme moteurs du renouveau de l’action collective mondiale

Sibi Bonfils, GSI

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  1. Introduction

Dans son rapport Notre Programme Commun, présenté dans le bulletin de juillet 2024[1], le Secrétaire Général de l’ONU (SGNU) recommande que soit « renouvelé de fond en comble les principes et pratiques de l’action collective au niveau mondial » pour y combler les graves lacunes révélées par la COVID-19, laquelle est « venue nous rappeler que nous sommes plus interconnectés et interdépendants que nous ne l’avons jamais été dans l’histoire de l’humanité ». Le SGNU propose, comme moteur de ce renouveau visant à mieux gérer cette interdépendance, une nouvelle gouvernance des Biens Communs et des Biens Publics Mondiaux (BCPM) dont la santé mondiale est l’une des composantes.

Le Rapport sur le Développement Humain 2023-2024[2] du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) prend à son compte cette idée de la gestion de l’interdépendance par la fourniture des Biens Publics Mondiaux (BPM). Intitulé Sortir de l’Impasse, Repenser la coopération dans un monde polarisé, le Rapport du PNUD propose dans son chapitre 3, Fournir les BPM pour gérer l’interdépendance, des approches permettant de mettre ces biens à profit pour « répondre aux défis complexes et interconnectés auxquels nous sommes confrontés ».

Ce numéro du bulletin est centré sur ce chapitre du rapport du PNUD. Après une brève introduction au rapport, il revient sur son chapitre 3 dont il propose une présentation motivée suivant ses trois principales parties traitant respectivement i) du concept de biens publics mondiaux, ii) de ce qu’il faut pour les fournir et iii) et de l’application de la perspective biens publics mondiaux à la résolution d’une crise planétaire, celle de la COVID-19 notamment.

  • Le Rapport sur le Développement humain 2023-2024

Le Rapport sur le Développement humain (RDH)[3] est une des publications phares du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Il s’agit cependant d’un rapport indépendant produit chaque année, depuis 1990, par une équipe sélectionnée d’éminents universitaires et de praticiens du développement.

Le premier de la série, celui de 1990 qui a donné le ton pour tous les autres, a été conçu et préparé par deux éminents économistes du Sud, le pakistanais Mahbub Ul Haq et le lauréat indien du prix Nobel, Amartya Kumar Sen. Leur principal objectif était « de remettre les personnes au centre du processus de développement en termes de débat économique, de politique et de plaidoyer » en allant au-delà du revenu pour évaluer le niveau de leur bien-être à long terme, ce, à partir de données empiriques et de nouvelles façons de penser et de mesurer le développement humain. L’indice de Développement Humain[4] qui a fait la réputation du PNUD et autour duquel se construit le RDH a été mis au point dans ce contexte.

Chaque rapport est centré sur une thématique d’actualité concernant le développement humain. Il fournit des analyses et des recommandations politiques qui font autorité. Le tableau ci-dessous montre les thématiques traitées au cours de toutes ces années.

Le Rapport sur le Développement Humain 2023-2024 (RDH 2013-2014) ne déroge pas à la tradition. Il traite de l’impasse dans laquelle le processus de développement humain se trouve aujourd’hui comme l’a indéniablement révélé la crise de la COVID-19 et que le montrent les inégalités inacceptables dans et entre les pays, ainsi que les divergences de croissance entre les pays développé et les pays en développement.

Il comprend six chapitres regroupés dans deux grandes sections. Les titres des sections et des chapitres résument bien les contenus et les messages que le rapport cherche à passer.

La première section intitulée Faire progresser le développement humain dans un monde interdépendant, regroupe les chapitres 1) Le développement humain pâtit d’une mauvaise gestion de l’interdépendance, 2) L’interdépendance mondiale persiste, mais elle est en train d’être reconfigurée et 3) Fournir les biens publics mondiaux pour gérer l’interdépendance.

La seconde section intitulée Réinventer la coopération en élargissant la capacité d’action et en atténuant la polarisation regroupe les chapitres 4) Examiner les façons de renforcer l’action collective, 5) Renforcer la capacité d’agir au niveau collectif et 6) Sortir de l’impasse pour réussir le renforcement de l’action collective

Le tableau ci-dessous donne un aperçu des contenus des différents chapitres.

Ce qui ressort explicitement des différentes plateformes et des textes produits pour le lancement du RDH 2023-2024, c’est qu’il a été conçu pour apporter des réponses aux questions qu’on ne peut aujourd’hui s’empêcher de poser en regardant le monde aller. Voici comment le PNUD résume ces questions[5] : i) Pourquoi la poursuite des ambitions du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris ressemble-t-elle à une marche hésitante dans des sables mouvants ? ii) Pourquoi, dans de nombreux endroits du monde, le rétablissement de la paix, voire les pauses ou les cessez-le-feu comme préludes prometteurs à la paix, semblent si difficiles à obtenir ? iii) Pourquoi restons-nous paralysés pour la gouvernance du numérique alors que l’intelligence artificielle a déclenché une ruée vers l’or des données ? iv) Bref, pourquoi sommes-nous si coincés ? Et comment nous en sortir sans recourir à la violence ou à l’isolationnisme?

Ces questionnements traduisent l’inquiétude des auteurs du rapport face aux « progrès inégaux en matière de développement, à l’intensification des inégalités et à l’escalade de la polarisation politique » que l’on observe aujourd’hui, et surtout à « l’impasse dangereuse » qui en résulte.

Les auteurs mettent ces revers sur le compte d’une mauvaise gestion de notre interdépendance, une interdépendance qui est là pour rester et qui ira se renforçant. La COVID-19 a été un parfait révélateur de cette interdépendance, comme du reste la crise climatique en ce qui concerne tout particulièrement notre avenir à tous.

Pour sortir de cette impasse, ils proposent de repenser la coopération internationale en donnant d’avantage de place à l’action collective, en la mettant notamment au service de la protection des biens communs mondiaux et de la production des biens publics mondiaux. Car, indiquent-ils, « il est possible d’améliorer la gestion de l’interdépendance en la présentant comme un objectif explicite de fourniture de biens publics mondiaux, tels que la paix mondiale et l’atténuation du changement climatique ».

  • Rappels sur les biens communs mondiaux et les biens publics mondiaux

L’approche de l’action collective mondiale par le prisme des biens communs et publics mondiaux (BCBM) offre de multiples avantages selon le RDH2023-2024. « Elle nous fait entrer dans un état d’esprit qui associe à juste titre une action commune à des problèmes communs… En nous mobilisant sur des actions communes, nous avons non seulement de meilleures chances de faire mieux dans l’ensemble, mais aussi de bien meilleures chances de ne laisser personne de côté », indique-t-il. Une telle perspective est utile pour gérer les défis ou les opportunités transfrontaliers, ou pour faire face et réparer les changements planétaires dangereux (Changement climatique ou déplétion de la couche d’ozone).

Le schéma ci-dessous rappelle quelques notions de base relatives à différentes catégories de biens[6] [7].

Le concept de Biens communs mondiaux et de biens publics mondiaux (BCPM) transpose à l’échelle internationale la notion de biens tels que définis dans ce schéma. Les BCPM sont ainsi « l’ensemble des biens accessibles à tous les États qui n’ont pas nécessairement un intérêt individuel à les produire [8]».

Le PNUD classe les BCPM dans trois catégories : les BCPM naturels (océans, stabilité climatique, biodiversité), les BCPM d’origine humaine (connaissances scientifiques, Système juridique) et les résultats politiques globaux (paix, stabilité financière, santé publique).

Le Schéma ci-dessous, tiré du Monde diplomatique[9], donne une autre perspective en ce qui concerne certains de ces biens, en faisant ressortir les différentes pressions qui peuvent s’exercer sur eux.

Le Rapport RDH2023-2024, illustre le concept de bien public mondial avec le fameux théorème attribué à Pythagore (a2=b2+c2), à savoir le carré de l’hypoténuse(a) d’un triangle rectangle est égal à la somme des carrés de ses 2 autres côtés (b et c). Il s’agit d’un savoir faisant partie du patrimoine commun de l’humanité et qui remplit bien les conditions de non-exclusion et de non-rivalité. « Ces deux caractéristiques –le fait i) que l’utilisation par une personne n’empêche pas quelqu’un d’autre de l’utiliser en même temps (non-rivalité) et ii) qu’il est difficile d’exclure quiconque de son utilisation (non-exclusion) – font du théorème de Pythagore un bien public mondial », indique-t-il, ajoutant que c’est aussi le cas de tous les théorèmes mathématiques du domaine public, et des autres idées sur le monde naturel et sur la façon dont les économies et les sociétés fonctionnent et changent.

Le RDH2023-2024 cite une série d’autres biens, plutôt abstraits, qui possèdent ces caractéristiques. Des biens comme i) l’identification et l’endiguement des maladies d’envergure mondiale, ii) l’atténuation du changement climatique, iii) la prévention et l’endiguement de la propagation des crises financières internationales, ou iv) le maintien de la paix internationale et la promotion de la cybersécurité.

Il souligne le cas des biens qui « ne sont pas simplement donnés et qui doivent être crées ». En se dotant du protocole de Montréal, le monde a créé de toute pièce un bien public mondial permettant d’éviter l’appauvrissement de la couche d’ozone et de protéger toute vie sur terre du rayonnement UV provenant du soleil.

Il rappelle l’importance des progrès de la science et de la technologie dans la détection des maux publics mondiaux (appauvrissement de la couche d’ozone ou changement climatique), dans la détermination de leurs causes (activités humaines avec émissions de SACO et de GES) et dans la production des biens publics mondiaux (Accord de Paris sur le climat, Protocole de Montréal sur la couche d’ozone) pour pallier les maux correspondants.

Les choix sociaux, en agissant sur les conditions de déploiement d’une nouvelle technologie, peuvent en faire un bien public ou un bien de club excluant des usagers potentiels (chaines de télévision publiques VS chaînes de télévision câblées).

Le RDH2023-2024 met par ailleurs en exergue un type nouveau de bien public mondial issu de la révolution digitale et « permettant le partage instantané de l’information par pratiquement les 8 milliards de personnes vivant sur Terre aujourd’hui ». Le bien public numérique (logiciels open-source, intelligence artificielle (IA), normes et contenu) qui crée ainsi les conditions de l’interdépendance, peut être utilisé par des choix sociaux judicieux pour mobiliser la collectivité mondiale sur des actions visant à relever les défis communs. Il peut à contrario être source de maux publics mondiaux tels que la prolifération des deepfakes et de la désinformation, la course aux armements géopolitiques potentiellement déstabilisatrice. Ce qui pose très clairement le problème de sa gouvernance.

Le RDH2023-2024 s’étend sur une classe émergente et durable de biens publics mondiaux, les biens publics planétaires comme la pêche en haute-mère ou la gestion des processus environnementaux transcendant les frontières (pollution atmosphérique, cycle de l’eau, oiseaux migrateurs…).Ils rentrent pour certains dans la catégorie des biens communs mondiaux (rivaux mais non-exclusifs). Tous soulignent à grands traits notre forte interdépendance, quand on sait par exemple que le cycle de l’eau dépend de la contribution substantielle des  forêts tropicales et que « la déforestation dans une région peut réduire les précipitations dans les régions éloignées ».

Les biens publics planétaires, étroitement liés aux processus biophysiques planétaires, pâtissent des perturbations de ces processus. La vitesse et l’échelle sans précédent de ces perturbations d’origine anthropique ont conduit à considérer que la terre entre dans une nouvelle ère géologique, l’ANTHROPOCÈNE, « un terme non encore officiel utilisé pour désigner la période la plus récente de l’histoire de la Terre où l’activité humaine a commencé à avoir un impact significatif sur le climat et les écosystèmes de la planète[10] ».

L’appauvrissement de la couche d’ozone, le changement climatique et les menaces pesant sur l’intégrité des écosystèmes et de la biodiversité sont, selon le RDH2023-2024, les manifestations les plus connues de l’anthropocène. Ce mal public mondial (MPM) et ses manifestations font partie d’une réalité appelée à persister, indique le RDH. L’analyse de cette réalité à travers le prisme des BCPM a permis i) de construire les accords multilatéraux sur l’environnement (AME) comme des BCPM pour pallier ces MPM, ii) de considérer la biosphère comme un BCMP et iii) de la gérer comme tel.

La biosphère est la partie de la Terre où les êtres vivants prospèrent et vivent. C’est la partie de la planète qui peut soutenir la vie. Elle a trois composantes : (1) la lithosphère, (2) l’atmosphère et (3) l’hydrosphère.

La lithosphère, la composante terrestre de la biosphère regroupe les continents et les îles. Elle comprend le manteau extérieur qui fait partie de la biosphère ainsi que le manteau intérieur et le noyau qui eux, n’abritent aucune vie.

La lithosphère, la composante terrestre de la biosphère regroupe les continents et les îles. Elle comprend le manteau extérieur qui fait partie de la biosphère ainsi que le manteau intérieur et le noyau qui eux, n’abritent aucune vie.

L’atmosphère est la couverture gazeuse au-dessus de la Terre. Elle contient différents gaz comme le dioxyde de carbone, l’oxygène et d’autres gaz qui contribuent au maintien, à la protection et au développement de la vie. Sa région supérieure, au-dessus de 200m, qui n’abrite pas la vie du fait de sa faible teneur en oxygène, ne fait pas partie de la biosphère.

L’hydrosphère aussi appelé la zone aquatique, regroupe toutes les eaux de la Terre ainsi que les glaciers. Elle fournit l’eau nécessaire à tous les êtres vivants et joue un rôle important dans la régulation de la température sur Terre.

Source: Biology online

Le prisme des biens publics planétaires permet ainsi i) de dégager un cadre analytique structurant pour un large éventail de défis et d’opportunités associés à l’interdépendance mondiale et ii) de construire des actions collectives dédiées pour relever ces défis et exploiter ces opportunités par la production des BCPM idoines.

  • Produire les biens publics mondiaux

Il est des biens publics mondiaux « omniprésents et abondants » dont on ignore même l’origine et autour desquels l’activité économique ainsi que la vie politique et sociale se sont organisées au fil du temps. Ils ont souvent émergé dans un seul pays avant d’être diffusé dans le monde entier.

Il est d’autres dont la fourniture en qualité et en quantité dépend des contributions conjuguées de plusieurs pays.

Le théorème attribué à Pythagore participe de la première catégorie de biens publics mondiaux, comme la pénicilline, le vaccin contre la rage ou la théorie de la relativité. Ils émanent d’un pays et sont disponibles pour tous même s’ils ne profitent pas à tous de la même manière.

La lutte contre le changement climatique participe de la seconde catégorie de biens publics mondiaux, comme la lutte contre les paradis fiscaux ou le contrôle d’une pandémie. Ils exigent la conjugaison des efforts nationaux pour être fournis en qualité et quantité idoines.

Le RDH2023-2024 s’est intéressé à trois catégories de ces biens publics mondiaux, catégories déterminées par la manière dont les contributions des pays doivent être agrégées pour qu’ils soient adéquatement fournis. Il distingue ainsi :

  • Ceux de type « Best-shot » (Meilleur coup). C’est le pays susceptible de contribuer le plus, le champion, qui détermine le niveau de fourniture. Le jour où le monde devra changer la trajectoire d’un astéroïde ou le détruire pour protéger la terre d’une collision fatale, c’est le pays équipé pour, aujourd’hui les USA, qui produira ce bien public mondial de type « best-shot »;
  • Ceux de type « Summation » (Additif). C’est le cumul des contributions de tous les pays qui détermine le niveau de fourniture. C’est le cas dans la lutte contre le changement climatique qui est un bien public de type « additif »
  • Ceux de type « Weakest-link » (Maillon faible). C’est le pays le moins capable de contribuer qui détermine le niveau de fourniture. Dans le cas des maladies transmissibles, le monde dans son ensemble reste vulnérable à la menace, tant que le pays qui a le moins de capacité à contrôler la maladie ne l’a pas fait. « Personne n’est en sécurité tant que tout le monde n’est pas en sécurité »

Les deux tableaux ci-dessous proposent une description synthétique des différents types de BPM.

Le premier, tiré du RDH2023-2024, donne les différents types d’agrégats avec les conditions de fourniture et les recommandations pour améliorer cette fourniture.

Le second tableau, tiré d’un article de Thoyer Sophie[12], complète le premier avec d’autres exemples de BPM et de recommandations.

L’article de Thoyer Sophie rappelle le concept de triangle de « publicness » ou « caractère public » d’un bien public mondial, tiré des travaux antérieurs du PNUD. Dans cette acception, le BPM est triplement public : i) public dans sa consommation – tous doivent y avoir accès; ii) public dans la participation au processus politique qui a mené à l’identifier – tous participent au débat politique; et iii) public dans la distribution des bénéfices – tous doivent pouvoir en bénéficier.

L’idée sous-jacente est que le « caractère public°» du bien pourrait résulter d’un choix sociopolitique plutôt que d’une qualité inhérente au bien. On peut le rendre public en créant les conditions requises dans son identification, sa consommation et sa distribution. Ainsi, indique Thoyer, « les biens et services essentiels qui relèvent des droits fondamentaux proposés par les Nations unies (accès à l’eau, accès à l’énergie, accès à l’éducation primaire, accès aux soins de base, etc.) pourraient être déclarés BPM et à ce titre exiger un effort collectif de financement et donc de redistribution internationale des richesses ». Ce qui viendrait renouveler la gouvernance mondiale sous bien de ses aspects, en ce qui concerne notamment la mise en œuvre de l’Agenda 2030.

  • Application de la perspective de biens publics mondiaux à la façon dont le monde a répondu à la covid-19

Le RDH2023-2024 a appliqué le prisme « biens publics mondiaux » à la façon dont la communauté internationale a géré la pandémie de Covid-19 et en a tiré un certain nombre de leçons.

Il fait remarquer d’entrée de jeu que le contrôle de la transmission du virus à l’origine de la Covid-19 est un bien public mondial de type « Maillon faible ». Cependant, le virus étant nouveau, il a fallu de la science de haut niveau pour le détecter et pour trouver une parade. Ce qui a exigé des biens publics de type « Best-shot ». Il a par ailleurs fallu i) mettre en commun les ressources nécessaires pour financer la recherche et appuyer les maillons faibles et donc ii) mettre à contribution des biens publics mondiaux de type « Additifs».

Dans la gestion de la Covid-19, le monde a ainsi été confronté à de « multiples défis à plusieurs échelles avec différents types d’acteurs » qu’il a eu du mal à relever.

Cela explique, sans les justifier, indique le RDH2023-2024, la durée intolérable de la pandémie, l’accès inégal aux vaccins mis au point et les impacts délétères et durables sur le développement humain dans les pays à faible revenu, les maillons faibles.

Cela suggère également, i) que « la sous-fourniture de biens publics mondiaux, très coûteuse à l’échelle mondiale, peut aussi entraîner de profondes inégalités dans et entre les pays ». On se rappelle les multiples vies perdues, le mal-être généralisé, les inégalités inacceptables d’accès et les énormes coûts économiques mondiaux dus à la Covid-19.

On devrait aussi, cependant, se rappeler, indique le rapport, les bénéfices incomparables tirés de l’éradication de la variole, pour se donner les moyens de bien comprendre les défis liés à la fourniture de différents types de biens publics mondiaux nécessaires, dans le but de mieux assurer le contrôle de futures maladies transmissibles.

Le RDH2023-2024 nomme quelques-uns de ces BPM en ce qui concerne la Covid-19.

La surveillance des maladies, un bien public mondial clé pour la lutte contre les maladies transmissibles a été insuffisamment fournie. Selon l’OMS, 30 % des pays ne disposaient pas d’un plan national de préparation et de réponse au Covid-19, et seulement la moitié disposaient de programmes nationaux de prévention et de contrôle des infections…

L’équité d’accès aux vaccins n’a pas été assurée, parce que des biens publics mondiaux de type best-shot associés à la science comme la surveillance ou à la production locale de vaccins n’ont pas été fournis au niveau requis. Et quand cela a été compris (Personne n’est en sécurité tant que tout le monde n’est pas en sécurité), on s’est heurté au problème de resquillage dans la fourniture du bien public mondial de type « Additif » qu’est la mobilisation des ressources pour appuyer les maillons faibles.

La fourniture de plusieurs biens publics mondiaux a permis à la science de contribuer à la lutte contre la covid-19. Le plus direct a été le BPM de type « Best-shot » qu’est le séquençage du génome du virus SRAS CoV-2 à l’origine de la Covid-19. Il y a eu aussi, comme autres BPM, tous les articles scientifiques publiés au cours des dernières décennies sur le coronavirus. La production des vaccins et les financements publics de la R&D ou de la recherche fondamentale sous-jacents sont autant d’autres BPM de type « Best-shot » ayant permis de mettre au point les vaccins utiles.

Le BPM « mise à disposition du vaccin » n’a pas, lui, été à la hauteur des besoins en ce qui concerne les maillons faibles. De graves problèmes de coordination avec des situations de resquillage ont entravé sa fourniture au niveau requis.

Ainsi, la réponse à la Covid-19 a nécessité la mobilisation et la fourniture de biens publics mondiaux de toutes sortes, « Best-Shot » (séquençage du génome de SRAS-CoV-2, mise au point de vaccins), « Additifs » (mobilisation des ressources pour renforcer les capacités des pays les moins outillés) ou « Maillons-faibles » (contrôle de la propagation du virus).

De multiples défis à des échelles variées avec différents agents ont dû être affrontés. Dans bien des cas le succès n’a pas été au rendez-vous, comme on a pu le constater. On sait désormais cependant qu’une meilleure compréhension de ces défis est essentielle pour que les réponses aux pandémies à venir soient meilleures.

On a appris aussi que des institutions dédiées capables de remodeler les incitations, de fournir l’information utile et de transférer efficacement les ressources permettent d’améliorer sensiblement la fourniture des biens publics mondiaux.

Le RDH 2023-2024 considère que les quatre types d’institutions suivants sont ceux qui remplissent le mieux ces conditions :

  • Les organisations multilatérales qui peuvent directement financer les BPM. Elles sont championnes dans la mobilisation des ressources en fédérant les efforts des pays, en créant des économies d’échelle et en réduisant les coûts de transaction. Les Nations Unies, ses agences spécialisées, ses fonds et programmes (PNUE, PNUD, OMS) participent de ces institutions comme le FMI, la Banque Mondiale ou INTERPOL.  On se rappelle combien l’OMS était au cœur des multiples dynamiques, positives ou négatives, qui ont marqué la gestion de la Covid-19;
  • Les traités internationaux le plus souvent au service des BPM associés à la gestion de l’environnement. La Convention cadre des Nations Unies sur le Changement climatique et l’Accord de Paris, le Protocole de Montréal sur la couche d’ozone ou le Traité sur le commerce international des espèces menacées d’extinction, participent de ces traités comme le Protocole de Nagoya sur l’ACPA. Un Traité sur la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies futures pourrait et devrait être initié dans les mêmes perspectives.
  • Les clubs qui sont d’intérêt dans le cas où il est possible d’exclure les non-participants des avantages des BPM. C’est le cas, indique le RHD2023-2024, du réseau de communication Intelsat, du système mondial de contrôle du trafic aérien et d’Internet dont le mode de gestion permet d’améliorer la qualité de fourniture de BPM;
  • Les régimes internationaux, un ensemble de principes, normes, règles et procédures autour desquels convergent les acteurs internationaux[13] pour fournir certains BPM comme le transport maritime. Le plus souvent les régimes concernent des activités, des ressources ou des zones géographiques bien définies, comme l’UIT pour les technologies d’information et de communications.

Selon le RHD2023-2024, ces institutions sont aujourd’hui engagées dans un processus d’analyse visant à tirer les leçons de la Covid-19 pour se donner les capacités de mieux affronter les futures pandémies.

  • Conclusion

Ce numéro du bulletin est centré sur le chapitre 3du Rapport sur le Développement humain 2023-2024 (RDH 2023-2024) du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)

Le RHD 2023-2024, intitulé Sortir de l’Impasse, Repenser la coopération dans un monde polarisé, propose dans son chapitre 3, Fournir les Biens Publics Mondiaux (BPM) pour gérer l’interdépendance, des approches permettant de mettre ces biens à profit pour répondre aux défis complexes et interconnectés auxquels le monde est aujourd’hui confronté.

Une brève introduction aux Rapports sur le Développement Humain et au RDH 2023-2024 en particulier, a permis de bien situer notre niveau d’interdépendance et l’intérêt d’utiliser le prisme des biens publics mondiaux pour mieux gérer cette interdépendance.

Le chapitre 3 du RDH 2023-2024 revient sur le concept de biens publics mondiaux, l’illustre et caractérise ces biens pour mieux cerner les défis liés à leur production. Il utilise le prisme des biens publics mondiaux pour analyser la façon dont la communauté internationale a géré la pandémie de Covid-19 et en tire un certain nombre de leçons méritant considération pour l’avenir et dont voici quelques-unes.

La réponse à la Covid-19 a nécessité la mobilisation et la fourniture de BPM de toutes sortes, des BPM de type « Best-Shot » (séquençage du génome de SRAS-CoV-2, mise au point de vaccins), des BPM de type « Additifs » (mobilisation des ressources pour renforcer les capacités des pays les moins outillés) ou des BPM de type « Maillons-faibles » (contrôle de la propagation du virus en sachant que « personne n’est en sécurité tant que tout le monde n’est pas en sécurité »).

De multiples défis à des échelles variées avec différents agents ont dû être affrontés. Dans bien des cas le succès n’a pas été au rendez-vous, comme on a pu le constater. On sait désormais cependant qu’une meilleure compréhension de ces défis est essentielle pour que les réponses aux pandémies à venir soit meilleures.

On a appris aussi que des institutions dédiées capables de remodeler les incitations, de fournir à temps l’information utile et de transférer efficacement les ressources, permettent d’améliorer sensiblement la fourniture des biens publics mondiaux. Les organisations multilatérales (l’ONU et ses agences, programmes et fonds, PNUD, PNUE, OMS, FMI…), les traités et les régimes internationaux (Convention climat, Protocole de Nagoya ou de Montréal…), répondent parfaitement à ces critères.

On retiendra surtout que l’analyse des problèmes de développement humain avec le prisme des biens publics mondiaux ouvre des perspectives d’intérêt. On peut par exemple en améliorer la gestion en la présentant comme un objectif explicite de fourniture de biens publics mondiaux. Les défis à relever sont mieux cernés, comme les acteurs de développement devant être mobilisés pour construire et réussir les actions collectives dont le monde va avoir besoin demain, selon le RDH2023-2024. De telles actions s’imposent, indique-t-il, car dans « des sociétés de plus en plus liées de multiples façons, il deviendra impératif d’agir collectivement pour relever les défis communs à l’échelle mondiale afin de préserver la sécurité humaine et de faire progresser le développement humain ».


[1] Global Shift Institute, Notre Programme commun, le choix du sursaut face au risque de délitement, juillet 2024, https://www.globalshift.ca/notre-programme-commun-le-choix-du-sursaut-face-au-risque-de-delitement/

[2] PNUD, Human Development Report 2023-2024, https://hdr.undp.org/system/files/documents/global-report-document/hdr2023-24reporten.pdf

[3] PNUD, History of the Human Development Report, http://hdr.undp.org/en/humandev/reports/

[4] Wikipédia, Indice de développement humain, https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_d%C3%A9veloppement_humain

[5] PNUD, Human Development Report 2023-2024, https://hdr.undp.org/content/human-development-report-2023-24

[6] Moya Chin, Que sont les biens publics mondiaux, Décembre 2021, https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2021/12/Global-Public-Goods-Chin-basics  

[7] Thoyer Sophie, La montée en puissance de la notion de biens publics mondiaux, janvier 2011, https://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/gouvernance/la-montee-en-puissance-de-la.html

[8] Rayan Nezzar, Les biens publics mondiaux, mai 2029, https://rayan-nezzar.fr/les-biens-publics-mondiaux/

[9] Philippe Rivière, Biens publics mondiaux, un enjeu d’avenir, Monde Diplomatique, https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_geopolitique/a53461

[10] Nationa Geographic, Anthropocène, https://education.nationalgeographic.org/resource/anthropocene/

[11] Biology online, Biosphere, https://www.biologyonline.com/dictionary/biosphere

[12] Thoyer Sophie, La montée en puissance de la notion de bien public mondial, janvier 2011, https://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/gouvernance/la-montee-en-puissance-de-la.html

[13] Wikipédia, International Regime, https://en.wikipedia.org/wiki/International_regime